Dans un pays où l'insécurité et le terrorisme font bon ménage, la profession des agents de sécurité privés, toujours livrée à elle-même, a désormais impérieusement besoin de démarginalisation, en vue d'une meilleure efficience. Jusqu'ici occasionnelle et véritable bouche-trou, la profession de videur (ou d'agent de sécurité privé) est subitement montée en audience, au lendemain de la révolution pour devenir activement recherchée, vivement recommandée. Il est vrai que les menaces terroristes, qui n'ont jamais été aussi sérieuses qu'aujourd'hui, planent sur tous les édifices publics sans aucune distinction. Au point de voir des groupuscules jihadistes promettre de s'attaquer aux grandes surfaces et autres restaurants et brasseries huppés du pays. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, voilà que l'insécurité reprend de plus belle, avec la remontée alarmante du phénomène des vols avec effraction. Bref, rien n'est plus comme avant et gare à la moindre distraction. D'où une ruée spectaculaire et d'une ampleur sans précédent sur les agents de sécurité privés. Ceux-là qu'on... s'arrache aujourd'hui, quitte à payer le prix fort pour les «amadouer»! «C'est un mal nécessaire», lance laconiquement le propriétaire d'un bar de la place qui précise que «face à des menaces terroristes et conditions insécuritaires qui perdurent, nous sommes condamnés à composer avec et dans la douleur s'il le faut». Pour le gérant d'un supermarché de la banlieue nord: «Nous sommes conscients que le travail de la police ne suffit pas d'où l'obligation d'enrôler des videurs pour monter la garde à l'entrée et à l'intérieur de l'établissement munis de bâtons, de détecteurs électroniques et de menottes» Cet «arsenal» est, du coup, devenu trop recherché sous forme d'une flambée des commandes, doublée d'une hausse galopante des prix des pièces. Autre exemple non moins frappant : un propriétaire d'un hôtel de Gammarth, sans doute obnubilé par la hantise de l'insécurité, est allé, récemment, jusqu'à aménager à l'entrée de l'établissement un poste de contrôle qui n'a rien à envier à ceux opérationnels aux postes frontaliers du pays. Le tout en triplant l'effectif des agents de sécurité privés qu'il a fait bénéficier d'un salaire tentant et d'une prise en charge entière par l'hôtel, c'est-à-dire aux frais de la princesse. «Qu'à cela ne tienne, pourvu que les terroristes et les bandits ne s'y amènent pas», nous confie-t-il, tout en regrettant que «ces mesures préventives exceptionnelles ne soient pas récompensées, étant donné l'extraordinaire morosité dans laquelle végète le secteur de l'hôtellerie». A quand la législation? S'il est clairement établi que les videurs ont aujourd'hui la cote, en occupant une bonne place dans les journaux et même sur la Toile, il est bizarre de constater que cette profession est demeurée paradoxalement marginalisée, c'est-à-dire sans cadre juridique la règlementant. «Nous vivons au jour le jour, sans bénéficier ni de primes de rendement, ni de droits d'assurance et de retraite, ni parfois du régime de la Cnss», gémit le portier d'une grande surface de la capitale qui évoque «une marginalisation injuste et persistante d'un métier devenu pourtant d'une extrême importance pour le pays, mais aux conséquences fâcheuses pour ses pratiquants».