Quand Farhat Rajhi, l'éphémère ministre de l'Intérieur des premiers mois de la révolution, a pris la fâcheuse décision de dissoudre la direction de la sûreté de l'Etat (DST), accusée par les révolutionnaires de tous les torts imaginables en matière de répression et de bafouement des droits de l'Homme, plusieurs acteurs de la scène politique n'ont pas hésité à attirer l'attention sur les désastres qui en résulteraient, plus particulièrement dans le domaine des renseignements. Malheureusement, il a fallu attendre près de deux années pour que les officiers de renseignement reprennent leurs activités. Mais certaines sections n'ont pas repris. Il s'agit plus précisément de la section chargée de la collecte des informations ayant trait à tout ce qui touche au tourisme. Notre propos ne concerne pas les agents de la sécurité touristique qui accompagnaient en uniforme les groupes touristiques dans leurs excursions dans les différentes régions du pays ou qui veillaient à leur tranquillité quand ils visitaient les souks dans les médinas de Tunis, Sousse ou Sfax. Les agents de renseignement à caractère touristique opéraient (en tenue civile) au sein des unités touristiques et savaient pratiquement tout sur les touristes, sur ceux qu'ils fréquentaient durant leur séjour (principalement les beznassa et les candidats à l'émigration via un mariage blanc) et même ceux qui exerçaient du faux tourisme. Aujourd'hui, ils ont disparu puisque la sécurité dans son sens littéral a été confiée aux établissements touristiques et même les agents de police en uniforme ne sont plus présents aux abords des hôtels. Ils interviennent uniquement quand ils sont appelés en secours. Les hôtels recourent à des agents de sécurité exerçant dans les sociétés privées et le plus souvent ils se comportent comme les videurs postés devant l'entrée des night-clubs. Hier, à Sousse, le carnage commis par un terroriste qui a pénétré dans l'hôtel visé en touriste ordinaire a bien rappelé à nos responsables sécuritaires que la mise à l'écart des officiers du renseignement touristique peut engendrer des désastres et des tragédies. Il est à préciser que plusieurs parmi les spécialistes de l'étude des groupes terroristes participant aux réunions de prospection des actions terroristes prévues au cours de la saison estivale ont tiré la sonnette d'alarme en appelant au retour du renseignement touristique. «L'essentiel de la mobilisation était concentré sur les régions considérées comme chaudes, en particulier le sud du pays. Pour les régions touristiques, on prévoyait des plans spéciaux pour la deuxième quinzaine du mois saint de Ramadan», confie à La Presse l'une des participantes à ces réunions.