Par M'hamed JAIBI Une année à peine après les élections législatives, et alors que l'on souhaitait atteindre enfin, en matière de reprise économique et de relance du développement, une certaine vitesse de croisière, ne voilà-t-il pas que l'édifice est de nouveau menacé de toutes parts, que l'unité nationale est en danger et que la majorité parlementaire sur laquelle repose le consensus est en proie aux tiraillements que connaît le parti présidentiel qui a formé le gouvernement. Va-t-on hypothéquer les biens de l'Etat ? Au niveau économique et financier, l'emprunt obligataire dit «islamique» sur lequel compte le budget de l'Etat suscite légitimement une polémique sur le bien-fondé de la «vente hypothécaire» de biens de l'Etat qu'il implique, ce alors que Mehdi Ben Gharbia accuse le gouvernement de mettre en cause la souveraineté nationale en chargeant une banque étrangère de piloter notre plan de développement. Même si la réponse du ministre Yassine Brahim «relativise» cette mise en cause, en rappelant que la banque en question se trouve être celle qui a réussi à faire du port de Charm El-Cheikh un grand pôle commercial et de transit dans le monde. A propos des «soukouk» dits islamiques, l'ancien ministre de la Troïka, l'économiste Hassine Dimassi, estime que ce type de financement étranger à travers lequel l'Etat se retrouve dans l'obligation d'hypothéquer des biens et institutions publiques comme garanties aux banques islamiques, représente un risque majeur pour notre pays. La bataille des imams Sur un autre plan, celui de la sécurité et de la lutte contre le takfirisme et le jihadisme, la polémique à propos des imams jugés extrémistes, et les mouvements de foule islamistes qu'elle suscite, ne manquent pas de rétablir la controverse idéologique et de diviser les Tunisiens. Ce alors que le danger terroriste, qui guette désormais même les hauteurs de Hammamet, exige une attitude radicale contre les prêches radicalistes et takfiristes. Que dire de la lutte contre les jihadistes en armes et leurs réseaux infestant le pays ! Mais, alors que les forces de sécurité démantèlent, arrêtent et mettent à la disposition de la justice, peu sont ceux qu'on empêche effectivement de nuire. La majorité parlementaire menacée Quant aux secousses que subit le parti majoritaire, elles ne cessent de se multiplier, de se rapprocher et de s'intensifier, sachant que l'institution de la présidence de la République se trouve désormais, à travers la personne de son directeur de cabinet, accusée de favoriser l'une des parties en désaccord. Or la majorité parlementaire en place et le gouvernement qu'elle soutient dépendent du devenir du groupe parlementaire de Nida Tounès, lequel a miraculeusement évité la division. Si le bras de fer entre les protagonistes de la réunion de Djerba et les bureaux politique et exécutif est mené à bout, le groupe parlementaire est menacé dans son existence même, ouvrant la voie à un renversement du rapport de force à l'Assemblée et à une crise majeure.