La fédération et les clubs évoluent dans une atmosphère instable où on ne voit pas comment on peut s'unir sans se séparer... Parfois, il vaudrait mieux arrêter de donner des explications car, au final, les gens comprennent seulement ce qu'ils veulent comprendre. Que reste-t-il aujourd'hui de l'art de la négociation et du dialogue quand le football, notre football, vit désormais au rythme des polémiques, querelles et altercations sans répit? Entre la fédération et les clubs, c'est la rhétorique des droits et des devoirs. C'est la petite chasse aux sorcières d'un côté comme de l'autre. Ici et là, on ne pense pas avec, on pense, et puis on agit contre. Tout cela ne fait que pousser au paroxysme une logique de confrontation qui foule aux pieds les traditions et les bonnes manières d'un football et d'un environnement bien révolus. Le Club Africain se donne aujourd'hui le droit de mettre en cause non seulement les prérogatives de la fédération, mais aussi son pouvoir et ses attributions. Il est déterminé à braver et même à combattre une «immunité» qu'il juge dépourvue de toute justification. Il revient, et il s'acharne, sur la suspension de son président, Al Jary, par la CAF. Une suspension qui n'a pas été, selon la plaidoirie rédigée à l'occasion, respectée. Un huissier-notaire, mandaté par le club et muni d'une ordonnance sur requête, s'était présenté avant-hier à la fédération pour avoir une copie de la décision de la CAF. Pareille procédure a provoqué la colère, voire même l'indignation de certaines personnes, qu'on qualifie d'étrangères à la fédération. Maltraité, voire même agressé, il rentre bredouille. Nous pensions qu'au moins le sport était différent de ce qui se passe ailleurs et qu'il nous procure ce que nous lui demandons et ce qu'il est capable de nous donner. Mais il s'avère que les polémiques de plus en plus grandissantes sont en train de tout détruire. Après les scènes intolérables dans les stades, c'est au tour des institutions sportives d'en payer les frais. Il n'est pas question ici de suivre le courant des hostilités dans lesquelles baignent les commentaires et les accusations lancées, à tort ou à raison, par les différents intervenants. Simplement, il y en a de ces responsables sportifs qui s'érigent d'un côté comme de l'autre en protecteur providentiel, en mécène au nom de l'intérêt du football tunisien. Ils deviennent ainsi les catalyseurs d'une inutile paranoïa, le moteur d'une potentielle fébrilité et, au final, l'incarnation d'un dérapage incontrôlé. De façon générale, notre époque, et pas seulement celle du football, baigne, transpire, dégage et produit les excès et les dérives. On a de plus en plus l'impression que la fédération et les clubs évoluent dans une atmosphère de doute où on ne voit pas justement comment on peut s'unir sans se séparer. Le sens de la modération oublié, l'on ne cesse de miser sur une jonction immédiate de facteurs peu favorables pour l'assainissement d'une discipline en perdition. Il faut dire qu'au-delà des contestations et de la légitimité des uns et des autres, c'est la vocation et les prérogatives des responsables sportifs qui sont finalement mises en cause. La relation et tout ce qui réunit la fédération et certains clubs, on les voit comme une déviance constituée et entretenue. La «guerre» pour le pouvoir et tout ce qui l'entoure de déviation, de dévoiement et d'éloignement battent leur plein. Il serait tellement mieux si l'on acceptait, d'un côté comme de l'autre, le débat d'idées, les questions de fond. Il serait encore mieux si l'on évitait de ne pas se cacher derrière les faux arguments et si l'on se décidait une fois pour toutes d'éclairer l'opinion plutôt qu'entretenir le black-out. Mais en même temps, on doit admettre que le sport numéro un et ses compétitions à enjeux grandissimes ne peuvent plus être laissés au pouvoir d'une seule poignée d'hommes. Il faut trouver les compromis et les solutions adaptées pour renforcer la crédibilité et l'honneur du football. On peut avoir naturellement le droit de commettre des erreurs, mais on a aussi le devoir de se comporter dignement. Oui, les responsables sportifs commettent des erreurs. Oui, ils manquent souvent de discernement dans l'affirmation de leur autorité. Mais à trop se concentrer uniquement sur les polémiques au raz du gazon, ils renvoient une image déplorable en installant un climat de défiance vis-à-vis d'eux-mêmes. Ils contribuent à fragiliser tout l'édifice. Dans un monde où les vrais responsables sont minoritaires, les courageux aussi, on doit penser à mettre fin à autant de confusion dans les rôles et dans les prérogatives de responsables dépassés par les événements, et qui, pour avoir fermé les yeux sur tout ce qui se passe, l'ont tacitement autorisé... La priorité serait une vraie réflexion sur la gouvernance du football. Il faut s'interroger sur la place du foot dans la société, sur les rapports entre instances sportives et clubs. Un problème très tunisien qu'il faudra bien solutionner une bonne fois pour toutes. C'est notre devoir à nous tous de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou des dérives prononcés de part et d'autre....