Ce qui se passe à Nida Tounès est un nuage passager Par notre envoyé spécial à Stockholm Said BENKRAIEM Sur les traces de Habib Bourguiba, Béji Caïd Essebsi renoue avec les traditions d'une diplomatie tunisienne jadis rayonnante et dynamique. Puisant dans la sagesse du leader, le premier chef d'Etat élu démocratiquement déploie des efforts considérables pour réparer « les dégâts » qu'ont subis les relations de la Tunisie avec les pays frères et amis durant 23 ans de dictature ... mais aussi sous la défunte Troïka. Au terme d'une visite d'Etat de trois jours en Suède, le chef de l'Etat ne cache pas sa satisfaction quant à « la grande réussite» de son déplacement historique dans ce pays nordique. Cette première visite d'Etat, après celle de Bourguiba en 1963, a représenté une grande opportunité pour relancer les relations bilatérales entre les deux pays. Accueilli au Palais royal par Sa Majesté le Roi Carl XVI Gustav, le président de la République était accompagné des ministres des Affaires étrangères, des Technologies de la communication et de l'Economie numérique ainsi que d'une délégation d'hommes d'affaires conduite par la présidente de l'Utica. Une heure avant l'atterrissage de l'avion présidentiel en provenance de Stockholm, nous avons rencontré le président de la République qui a accepté de répondre à nos questions. Interview. Monsieur le Président, vous venez d'effectuer une visite d'Etat en Suède, la première dans un pays européen nordique. A quel point la Tunisie peut-elle compter sur ses amis européens pour réussir son processus démocratique ? Nous avons été reçus en Suède d'une façon royale. L'accueil a été sans précédent et comme vous l'avez remarqué, Sa Majesté le Roi de Suède m'a accompagné durant trois jours. Cette visite constitue, en effet, un point de départ pour relancer les relations bilatérales entre les deux pays qui doivent aller de l'avant. Le premier fruit de cette visite est sans doute la réouverture de l'ambassade de Suède à Tunis. Après quatorze ans de fermeture, l'ambassade rouvrira dans deux semaines ses portes à Tunis en signe de considération au progrès accompli par la Tunisie, après la révolution, en matière d'ancrage de la démocratie et des droits de l'Homme. Cette décision donnera certes un grand élan à l'intensification de la coopération bilatérale qui touchera désormais plusieurs domaines allant du politique à l'économique. Cette visite constitue également une occasion pour raffermir la solidité des relations séculaires entre la Tunisie et la Suède qui remontent à 1736 avec l'ouverture du premier consulat de Suède à Tunis. Et comme vous l'avez remarqué, le Roi de Suède porte toujours de meilleurs souvenirs de la Tunisie qu'il affectionne depuis son enfance. Dans son discours qu'il a prononcé mercredi dernier au Château royal à Stockholm, il se souvient comment tout jeune prince héritier, il avait assisté au château royal avec son grand-père, Sa Majesté le Roi Gustav VI, à une partie de la visite du président Bourguiba, le 7 juin 1963. Il a évoqué également son voyage en Tunisie, à l'automne 1966, comme cadet à bord d'un navire militaire et le souvenir qu'il a gardé de sa visite à Kélibia. La disposition de la Suède à aider la Tunisie pour qu'elle puisse réussir sa transition démocratique a été exprimée par son Premier ministre qui a précisé que son pays répondra aux besoins exprimés par la Tunisie en la matière. Il s'agit principalement de l'ancrage de la pratique démocratique, de l'appui économique nécessaire qui redonnera espoir aux jeunes demandeurs d'emploi et d'aider la Tunisie à supporter l'impact négatif de la crise libyenne. Ainsi, la Suède, un pays ami de longue date de la Tunisie, nous ouvrira la porte des pays scandinaves mais aussi de toute l'Europe pour un meilleur soutien de la nouvelle expérience démocratique pionnière dans toute la région. Car il est bien clair qu'il n'existe pas de printemps arabe mais plutôt d'un début de printemps en Tunisie qui est largement tributaire d'un soutien économique de la part de la communauté internationale et notamment de la part de nos partenaires européens. Toujours dans le cadre de vos déplacements à l'étranger, après avoir visité l'Egypte et la Jordanie, vous venez de recevoir des invitations de plusieurs pays du Golfe, est-ce la relance des relations de la Tunisie avec ces pays frères ? Effectivement, j'ai reçu des invitations de tous les pays du Golfe. Ma première visite aura lieu le 22 décembre prochain en Arabie Saoudite et sera suivie d'autres visites dans tous les pays de cette région. Je tiens à préciser que la Tunisie a toujours entretenu d'excellentes relations avec ces pays qui ont soutenu d'une manière ou d'une autre notre pays. Contrairement à ce que laissent croire certaines parties, la Tunisie n'a de problèmes avec aucun pays. Mes déplacements concernent également d'autres pays européens à l'instar de la Suisse. Il s'agit d'une visite d'Etat qui aura lieu les 25 et 26 du mois en cours à Berne, en hôte de la Confédération helvétique. Et pour revenir à la Tunisie, le peuple tunisien attend de vous un message fort, notamment à la lumière de la crise à Nida Tounès. A quand l'arbitrage ? Il faut préciser à ce niveau que je respecte à la lettre notre Constitution. Donc, en tant que président de la République, je n'interviens pas dans les affaires internes des partis politiques même s'il s'agit bel et bien du parti que j'ai créé. Responsables et militants du parti doivent travailler ensemble dans un esprit de consensus et favoriser l'esprit de dialogue et de concertation pour surmonter toutes les difficultés. J'ai la certitude qu'ils vont s'entendre et parvenir à résoudre leurs différends. Il est de l'intérêt général que revienne la concorde et que l'esprit d'entente l'emporte. Comme je l'ai toujours dit, la patrie doit rester au-dessus des partis. Il est vrai que certains esprits chagrins de l'extérieur du parti ne le souhaitent pas, mais c'est notre conviction la plus profonde. A mon avis, ce qui se passe actuellement à Nida Tounès est un nuage passager qui va se dissiper prochainement. Toutefois, lorsqu'il s'agit de l'intérêt national de la Tunisie, je suis obligé d'agir et de rapprocher les points de vue. Il y a lieu de rappeler que j'ai déjà invité au début de ce mois un certain nombre de députés de Nida qui ont malheureusement décliné cette invitation. Je ne désarme pas. Quand je juge que l'intérêt national l'exige, je vais les inviter encore une fois à se réunir et à identifier les solutions possibles à même d'éviter la crise.