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Interview avec Dr. Moez Chérif, Président de l'Association Tunisienne de Défense des Droits de l'Enfant : « Un tiers des enfants scolarisés âgés de 7 à 14 ans ne savent pas lire ! »
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 05 - 2020

La crise sanitaire qui sévit en Tunisie à cause de la pandémie liée à la maladie du Covid-19 a mis à nu les carences au niveau de la gestion de la période sans école pour les élèves tunisiens. Déjà mis à mal par l'abandon et l'échec scolaires, le système d'enseignement tunisien est en vacances pour cinq mois d'avril à août 2020 soit une demi-année sans cours ni école. Une situation fâcheuse qui a le don d'irriter notre interlocuteur qui répondra en proposant les solutions idoines. Nouvelle ombre au tableau, 526 000 élèves ont quitté les bancs des classes au cours des cinq dernières années, affirme une récente étude. Président de l'Association tunisienne de défense des droits de l'enfant, Dr. Moez Chérif évoque le chiffre d'un million d'écoliers tunisiens qui ont quitté les bancs de l'école depuis la révolution du 14 janvier 2011. « Ils alimentent les troupeaux des obscurantistes », affirme-t-il désespérément. De nombreux faits et méfaits sont commis quotidiennement contre la petite enfance. Le président de l'Association tunisienne de défense des droits de l'enfant apporte son éclairage sur plusieurs questions liées à l'enfance.
Quelles sont les raisons majeures qui ont poussé un million d'élèves à abandonner les bancs de l'école depuis 2011 ?
Une analyse de la pauvreté en Tunisie montre que 15% des Tunisiens sont pauvres. Si on regarde de plus près, le taux des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté est de 25%, si on s'intéresse en particulier aux enfants des zones rurales du centre et du nord-ouest ce chiffre grimpe à 50%. Ces enfants cumulent tous les indicateurs de vulnérabilité. Ils sont issus de familles pauvres, fratrie nombreuse, parents analphabètes ou d'instruction limitée et habitent dans des régions marginalisées. Les écoles qu'ils fréquentent manquent de tout. Ils sont privés d'eau, de sanitaires…Les enseignants sont souvent des suppléants n'ayant pas de formation pédagogique et ne restent pas longtemps pour apprivoiser la région et ses habitants. Tout concourt pour un enseignement en deçà de la qualité requise. C'est lors des passages de cycles, lors d'évaluations nationales que la différence se ressent et que l'échec scolaire apparaît manifeste. S l'école reste encore accessible dans les zones rurales, les collèges sont, par contre, éloignés de l'habitat rural et les moyens de transport rares et onéreux. Le plus gros lot de l'abandon scolaire a lieu lors du passage du cycle de l'enseignement de base au collège et secondaire. Les difficultés de l'apprentissage poussent les élèves à quitter le système éducatif. Le milieu familial n'est pas propice pour la poursuite des apprentissages mais plutôt pour l'exploitation économique des enfants. L'enquête nationale sur le travail des enfants a confirmé cela en montrant que plus de la moitié des enfants qui sont exploités économiquement le sont dans les milieux ruraux.
Ce sont là des problèmes structurels. S'y ajoutent des problèmes de fonctionnement. Le contenu éducatif n'est plus attractif, il n'apporte pas à l'enfant des matières qui alimentent son imaginaire, qui nourrissent un sentiment d'appartenance et de fierté et qui poussent vers une autonomisation et un esprit entreprenant. Les évaluations sont punitives et sélectives, elles ne permettent pas à l'enfant de stimuler ses capacités cognitives mais font surtout appel à une mémorisation des apprentissages et un rendu. Un tiers des enfants scolarisés âgés de 7 à 14 ans ne savent pas lire et 2/3 ne savent pas compter! L'esprit critique, les capacités d'analyse ne sont pas pris en compte ou alimentés par le processus éducatif.
Questionnés sur la raison de leur mal-être à l'école, les enfants évoquent la violence, la discrimination, l'absence de respect de la part du corps éducatif . L'enfant n'est pas écouté à l'école. Tout ceci fait qu'on est loin du concept d'une école amie de l'enfant, un espace républicain qui offre à chaque enfant la possibilité de s'épanouir et de développer ses capacités. Je n'aborderai même pas le problème des enfants porteurs de handicap, car l'école tunisienne a échoué en matière d'intégration.
Pendant la période de confinement, de nombreux enfants tunisiens n'ont pas eu accès aux cours en ligne…?
L'enseignement à distance suppose d'abord un cadre légal qui n'existe pas. Il nécessite une formation adéquate des formateurs parce que les méthodes pédagogiques et les supports des apprentissages à distance ne sont pas les mêmes que pour un enseignement présentiel. Et surtout il suppose la disponibilité de moyens pour que cet enseignement soit accessible. Or, la crise est survenue à un moment où l'école vit une crise grave qui a justifié la décision de déclencher un dialogue sociétal pour la réformer. 3 ans après, le dialogue piétine. L'investissement de l'Etat dans l'éducation recule.et la masse salariale accapare 97% du budget alloué! L'infrastructure est vétuste, le budget réservé à la vie scolaire, d'une part, et à l'innovation pédagogique, d'autre part, ne permet pas au système éducatif public d'être à la hauteur de ce qu'on attend d'une école publique républicaine. On est loin de la notion d'égalité des chances. Au contraire c'est un système basé sur la sélection. Plus de la moitié des enfants inscrits au primaire n'atteindront pas le bac et la moitié de ceux qui y arrivent échoueront! La création des écoles pilotes n'a fait qu'aggraver l'absence d'équité, puisque l'Etat a mis en place un enseignement à deux vitesses, sanctionné au bout par le même examen national. Dans ce contexte, la décision rapide et non négociée de fermeture des écoles n'a pas été accompagnée de mesures pouvant garantir la continuité des apprentissages et la solution de l'enseignement à distance n'a fait que creuser le fossé des inégalités pour sanctionner les enfants les plus vulnérables. Par ailleurs, l'interruption prolongée des apprentissages va nuire à la reprise de la scolarité lors de la rentrée prochaine et tous les spécialistes de l'enfance s'accordent à dire que si rien n'est fait pour rattraper le retard dans les apprentissages, nous aurons une élévation certaine du taux d'abandon l'année prochaine.
Pensez-vous que l'Etat va changer sa politique au cours des prochaines années ?
Je ne le pense pas! Malheureusement la trêve politique provoquée par la crise sanitaire n'a pas permis aux responsables de reconsidérer leurs choix. Très vite, la crise économique annoncée a encore orienté les débats sur la survie des entreprises et comment faire pour pérenniser le modèle économique. Il n'y a pas de remise en question d'un modèle économique qui a généré des inégalités régionales, des inégalités de répartition de richesse, une baisse du pouvoir d'achat de la classe moyenne qui s'érode et une pauvreté . Plus de deux millions de Tunisiens n'ont pas de couverture sociale et la moitié de l'économie est informelle avec son corollaire d'emplois instables et sans revenus fixes. L'Etat a été contraint d'élargir les aides sociales aux employés du secteur informel avec tous les aléas que cela suppose dans l'équité de l'octroi des aides. Cela se perçoit à travers les mesures urgentes prises par le Président du gouvernement et l'instauration dans l'urgence de l'identifiant unique. Le but est clair, il annonce la révision de la politique de la caisse de compensation et l'orientation vers des aides ciblées. La lutte contre pandémie du Covid-19 a entraîné, pendant la période de confinement, une suspension des prestations sanitaires dans la majorité des institutions de santé pour tous les soins quotidiens aussi bien dans le secteur public que privé. Depuis la première ligne de soins, que sont les centres de soins de santé de base, jusqu'aux structures hospitalières universitaires. L'accès aux soins et surtout aux médicaments est devenu compliqué pour les malades chroniques. Le ministère de la Santé a réagi mais ne semble pas réexaminer ses priorités et proposer au gouvernement une révision de sa politique de santé. La pénurie des médicaments de première nécessité est toujours là et la révision du budget n'est toujours pas d'actualité malgré tous les éloges dont on encense le système de santé tunisien.
Quelles sont les solutions que vous proposez en tant que défenseur des droits des enfants ?
L'urgence est à l'éducation. C'est l'affaire de l'Etat et non pas du ministère de l'Education. La responsabilité des enfants est celle du gouvernement. La politique éducative part d'une vision, d'un projet sociétal et les institutions de l'Etat, dont le ministère de l'Education, ont la responsabilité de sa mise en œuvre. L'éducation se décline aussi à travers une approche culturelle, des activités sportives, de loisirs, une hygiène alimentaire, un environnement sain, une infrastructure adaptée et surtout une santé mentale qui permet à l'enfant de s'épanouir et de développer au mieux ses capacités. Si on ne considère pas chaque enfant comme un projet national et que de sa réussite dépend la réussite de notre projet sociétal, on ne sera pas sur une bonne voie. La Tunisie s'est engagée dans le processus onusien des Objectifs de développement durable (ODD); or ces principes stipulent qu'on doit tout faire pour ne pas laisser une personne de côté. L'éducation est un des piliers du développement durable. Durant cette transition démocratique, nous avons sacrifié toute une génération. Cela fait 10 ans que l'enfant n'est pas considéré comme une priorité. Tous les indicateurs sont au rouge. Cela veut dire que nous avons l'opportunité de rêver et de construire ensemble un projet pour les générations futures. On peut tout changer et ne rien garder de ce qui a montré ses limites. On peut le faire en impliquant les enfants, car en les laissant de côté, ils ont construit un rêve, un modèle qu'ils partagent à notre insu. Au lieu de les laisser dans ce monde parallèle, incompris, alimentant un éternel conflit de générations, innovons et construisons avec eux le monde qui sera le leur. Nos références sont celles de notre passé, nos querelles et divergences sont l'héritage de notre passé. Ce n'est pas avec notre seule imagination que nous construirons leur futur. Les jeunes qui ont fourni l'énergie de la révolte ont été écartés du processus de construction de l'avenir. Au lieu d'en faire l'instrument de l'innovation et des solutions d'avenir nous en avons fait un problème et un poids pour la société et, ce qui est plus grave, nous ne donnons pas de l'espoir aux générations futures qui vont nous succéder.


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