A l'initiative du WWF, un nouveau circuit écotouristique se dessine en pleine nature. Ses promoteurs espèrent le voir figurer un jour sur la liste des destinations les plus prisées dans le pays. Il n'y a pas longtemps que l'écotourisme a fait son apparition comme une alternative au tourisme classique qui devrait, à son tour, changer de look pour rompre avec les sentiers battus. Les temps changent et les idées aussi. Au-delà de nos plages ensoleillées et de nos sites culturels prestigieux, Dame nature est si belle et généreuse, riche en ressources et filières écologiques porteuses. L'éventail des choix permet aussi de mieux intégrer l'homme dans son environnement, lequel est sensiblement hypothéqué aux aléas du climat. En tout cas, toute sorte de réconciliation s'impose, aujourd'hui, comme un des défis du développement durable. Comment le relever dans un esprit purement défensif et productif à la fois ? C'est là le souci majeur du Fonds mondial pour la nature (WWF), depuis son bureau à Tunis. Son intérêt particulier et son appui financier plus souvent apporté au nord-ouest vont de pair pour donner la preuve que cette région offre un potentiel forestier pittoresque aux atouts écotouristiques jusqu'alors sous-exploités. Tout compte fait, elle est en passe de devenir une destination futuriste très prisée. Mais, investir dans la nature n'est certes pas aisé. Cette manne naturelle, déjà menacée, interpelle l'intervention du WWF. Car, vivre dans pareil milieu, aussi vulnérable, exige de l'attention et diverses options. Le secteur de «Cap Negro» à Nefza et les bourgs qui l'entourent croulent sous une pauvreté suprême, sans eau potable. Et cela pourrait durer encore longtemps, si aucune mesure n'est prise en leur faveur. C'est pourquoi, l'initiative de WWF (bureau de Tunis), lancée il y a plus de deux ans, semble comme une planche de salut. C'est un plan d'action qui s'inscrit dans une logique éco-touristique, voulant faire de ces zones en vase clos une aire marine et forestière forcément protégée, et qui doit longer tout le littoral du nord-ouest, sur la dorsale des Mogods et de Kroumirie, jusqu'au Cap Serrat à Bizerte. A une vingtaine de kilomètres de Sejnène, sur la route de Sidi Mechreg, la verdure s'étend à perte de vue. Des maquis de chênes-liège parfumés et giboyeux, abritant de belles orchidées et des plantes aromatiques, offrent aux vadrouilleurs le vrai goût du naturel. Une échappée belle dans les profondeurs d'un espace magnifique hors du temps moderne. Joindre l'utile à l'agréable D'après M. Sami Dhouib, coordinateur des projets auprès du WWF (Tunisie), il est urgent d'agir ainsi sur une superficie de 1.300 ha, dont la gestion est confiée à l'Apal (Agence de protection du littoral). Il y va de l'avenir de la population locale et des générations futures. L'objectif est de préserver la biodiversité et de rationaliser les systèmes de production dans cette localité aux perspectives écotouristiques prometteuses. Dimanche dernier, M. Dhouib a rendu visite à Cap Négro, où il a pris connaissance de l'avancement de certaines initiatives éco-touristiques menées avec le soutien dudit Fonds. Aux confins de «Khorgalia», un hameau éparpillé, Ali Mastouri a pu s'installer à son propre compte, comme producteur de produits «bio». L'homme, pourtant sans aucun diplôme en poche, a su commercialiser un vrai produit du terroir dont se distingue cette localité. De l'élevage et de l'apiculture, il a réussi à donner forme à ses idées novatrices en tourisme rural. Son projet, à base de miel, de pain traditionnel, d'huile d'olive et de lait et ses dérivés, est une illustration modeste de l'économie solidaire, engageant tous les membres de sa famille. Un vrai travail qui puise dans un sens où l'écotourisme s'opère dans une ambiance collégiale empreinte d'un caractère tout naturel. «J'y suis arrivé grâce au soutien du WWF qui n'a pas manqué de m'aider et de m'encourager à mettre en place près de chez moi une halte pour les randonneurs, une pause riche en consommation bio...». Et ce n'est pas tout. Ses clients potentiels auront prochainement où se reposer dans un gîte rural qu'il est en train d'aménager pour l'occasion. Mais cet endroit n'est en fait qu'une escale au cours d'un trekking qui plonge les visiteurs dans un paysage tout verdoyant. A quelques encablures, une piste serpentée et semi-goudronnée conduit jusqu'aux falaises escarpées de «Dmayene». Une localité qui tient, elle aussi, à s'initier au concept du tourisme écologique. Son art culinaire simple et traditionnel se résume, quasiment, en de bonnes recettes aux saveurs forestières. Ses autochtones ont le sens de l'authenticité, sur fond d'hospitalité et de jovialité de l'accueil, sans complexe. Le sourire ne manque pas. Cette deuxième halte, comme l'a présenté M. Dhouib, est faite pour assurer la restauration. Couscous à l'agneau servi comme plat de résistance, garni d'autres plats légers avec des fruits des bois comme dessert. En avant-goût, une découverte sur les hauteurs de «Dmayene». Et la longue piste sinueuse grimpe jusqu'à atteindre un point culminant servant de poste avancé de contrôle des incendies, donnant sur Cap Negro. De là, une magnifique vue panoramique qui surplombe un vaste maquis verdoyant pittoresque. Plus loin, sous les brouillards de l'horizon plongeant dans la mer, l'archipel de la Galite pointe à peine son nez, évoquant un iceberg montagneux ayant échappé à tout signe de vie. Walid Zaouani, un des jeunes gardes-forestier, père de famille, s'est manifesté, insatisfait. Il travaille dans des conditions déplorables, au sein de sa tour dépourvue des moindres commodités. Sa mission d'observation manque d'outils et des moyens les plus impératifs, sans arme de défense ni jumelles de vision. Et de se plaindre encore d'une cruelle nonchalance de la part de ses chefs, à savoir la direction de gestion des forêts plus connue sous l'abréviation «DGF». De même, le commissariat régional au développement agricole n'en tient pas compte. En ces temps de grandes menaces terroristes, livrer un tel ouvrier à son sort s'avère très hasardeux. Et encore moins rassurant sur la sécurité des habitants. L'écotourisme exige, de surcroît, un climat de sérénité et de haute protection des visiteurs. Pas loin d'ici, se trouve la troisième halte sur le rivage du barrage «Sidi El Barrak», de l'autre côté de Nefza. Et là, aussi, le WWF est intervenu pour fixer de jeunes pêcheurs, en leur assurant le suivi et l'accompagnement requis. Financièrement soutenus, ces jeunes natifs de Douar «Ouled Salem» sont parvenus à créer leur propre source de revenus. Dans les broussailles, les arbres et les végétations variées, leur projet est né mais est encore à ses débuts. Sa vocation écologique consiste à mieux exploiter les vertus aquatiques du barrage. Pique-nique aux poissons grillés, balade à bord de kayak dans les eaux du barrage sont autant de prestations écolo en pleine nature. Mais un tel circuit touristique dans la région aura besoin d'une bonne stratégie de communication et de marketing. Le représentant du WWF, chef d'orchestre de tous ces projets, M. Sami Dhouib, s'est montré décidé à aller jusqu'au bout, afin que ces initiatives écotouristiques puissent voir le jour. L'objectif, à ses dires, est de préserver, a priori, le milieu marin devenu, d'ores et déjà, une réserve naturelle située entre deux Caps : Negro et Serrat. Cela dépendra, par ailleurs, de l'amélioration des conditions de vie de ses riverains et des opportunités de financement et d'investissement. Ainsi va l'écotourisme au nord-ouest.