Une série de défaillances et de négligences médicales évitables, devenues fatales et auxquelles se sont ajoutés «le mépris, mais surtout la malhonnêteté», assure la mère de l'enfant, preuves à l'appui. Inconsolable! Les larmes aux yeux, la gorge nouée,les gestes fébriles, elle n'arrivait pas à accepter ce qui s'est passé. Elle savait, cependant, qu'elle venait de vivre une double tragédie. Celle qui s'est terminée par la mort de sa fille...et celle, quelques minutes seulement auparavant, une terrible nouvelle, le décès de sa mère, une vieille dame un peu souffrante qui habite à quelques dizaines de kilomètres de la capitale. Non, sa tragédie ne s'est pas terminée! Pour elle, bien au contraire, elle venait juste de commencer, car la mort de la petite est due, selon notre interlocutrice, preuves à l'appui, à une série de défaillances et de négligences médicales évitables, devenues fatales de par leur gravité, auxquelles se sont ajoutés «le mépris, mais surtout la malhonnêteté». Mort après de grandes souffrances d'un être cher, une enfant, la seule qu'elle ait pu mettre au monde, de surcroît, mais aussi des sentiments humains et surtout de la conscience professionnelle, pire, de la conscience tout court. C'est pourquoi elle a décidé de se battre jusqu'au bout pour dénoncer et faire traduire devant la justice les fautifs et aussi pour inciter les responsables à se pencher sur les défaillances ayant coûté la vie à sa fille, afin qu'elles ne puissent plus se reproduire. En pleine détresse, ce soir-là, car faisant tout pour sauver sa fille, dont l'état de santé s'aggravait d'une minute à l'autre, elle apprit le décès de sa mère... puis quelques minutes après, alors qu'elle était encore dans cette clinique privée, que sa fille était agonisante. Imaginez ce que cette dame a pu éprouver, car elle vénérait sa mère et adorait sa fille, devenue handicapée mentale après voir souffert lors de sa naissance. Et la voilà emportée par un mélange de douleur et de colère, auquel est venue s'ajouter la conviction que sa fille n'était, en fait, qu'une victime. Celle de la bêtise... non; plutôt de la cruauté humaine. Puis tout d'un coup, juste avant d'entrer chez elle accompagnant le corps-dépouille de l'enfant martyrisée, la nouvelle est tombée sur elle comme la foudre... sa fille est partie à jamais, et depuis un long moment. «Ma fille a rendu l'âme juste après son admission à la clinique, après notre recherche désespérée d'un lit de réanimation que les structures publiques étaient incapables de lui fournir», nous a-t-elle confié. Et de nous montrer une copie du rapport du médecin réanimateur où il était question du décès rapide de la patiente. Et d'ajouter que ceux qui travaillent dans ladite clinique m'avaient pourtant, et à plusieurs reprises, assuré que des soins intensifs lui étaient prodigués, au fur et à mesure, selon les règles de l'art pour la sauver. «Or, aucune mesure n'a été prise pour abaisser le taux de glycémie très élevé de ma fille et pour lui faire subir aussi une hémodialyse, puisqu'elle souffrait depuis des heures d'une insuffisance rénale aiguë», a-t-elle fait remarquer preuves à l'appui, soit des lettres de liaison ou des certificats médicaux. «Tout cela confirme que ma fille était, donc, déjà décédée». Puis d'ajouter : «On m'avait caché la vérité afin d'alourdir la facture et aussi de se soustraire à la responsabilité du décès». Et de nous expliquer qu'à la clinique on avait fini par lui demander de ramener sa fille chez elle car, lui a-t-on déclaré, «sa situation est devenue sans aucun espoir, alors que la patiente, a-t-elle insisté, était pourtant déjà morte. Pire, a-t-elle précisé, on m'avait avant cela interdit, à chaque fois que je le voulais, d'entrer dans la chambre de réanimation et j'étais étonnée de constater, depuis la porte que l'on plaçait des blocs de glace sur le ventre de ma fille, preuve qu'elle était décédée et que l'on retenait sa dépouille pour augmenter les frais d'hospitalisation». Une prise en charge mal partie Tout a commencé quelques jours auparavant, nous a dit notre interlocutrice, lorsque sa fille, une adolescente âgée de quinze ans et handicapée suite à des difficultés au moment de sa naissance, a vu sa température augmenter d'une façon inquiétante avec une diarrhée et des vomissements récalcitrants. Le médecin de famille lui administra alors des antibiotiques, dont ceux à base de pénicilline. «Pourtant ma fille avait eu un antécédent d'allergie à la pénicilline et son médecin le savait. En lui rappelant cette donnée, il avait répondu que cela n'avait aucun incident négatif sur la patiente. Celle-ci voyait son état s'aggraver de jour en jour et le médecin de famille ne jugeait toujours pas utile, malgré la fièvre et la diarrhée qui persistaient depuis une semaine, d'ordonner son hospitalisation». Constatant que l'état de santé de sa fille empirait et que cette dernière commençait à souffrir d'une déshydratation notable et devenait comateuse, notre interlocutrice décida alors de la conduire aux urgences d'une structure publique. Après un bref diagnostic, le médecin de garde lui recommanda de la faire admettre dans un hôpital public. Admise dans un hôpital public, la jeune malade est restée de dix heures du matin et jusqu'à seize heures sous observation tout en subissant des analyses pour établir un diagnostic de son état. Le médecin qui l'avait prise en charge, nous a précisé notre interlocutrice, n'a pas par exemple soupçonné une glycémie élevée pour expliquer son état quasi-comateux que tardivement, juste avant de de m'informer qu'il faudrait emmener ma fille d'urgence dans une structure de réanimation. «Après plusieurs tentatives vaines pour trouver un lit de réanimation libre dans les structures publiques du Grand-Tunis, nous avons fini par dénicher cet objet rare dans ladite clinique privée. Entretemps l'état de santé de ma fille empirait». Voilà comment cette mère a vécu la plus longue journée de sa vie. Une journée au cours de laquelle elle a vu le départ, presqu'en même temps, de sa mère puis de sa fille. «Ce qui me chagrine le plus, c'est que ma fille était handicapée et ne pouvait exprimer ce qu'elle ressentait», nous a confié non sans beaucoup d'amertume notre interlocutrice. «Je faisais tout pour la rendre heureuse malgré son handicap et nous avions un très profond amour et une immense affection l'une pour l'autre». Ce qui chagrine aussi notre interlocutrice c'est qu'elle n'a pas pu dire adieu à sa mère, vu la situation de sa fille, et n'a pas pu assister à ses obsèques. «Mais je me pose tout le temps la même question : pourquoi toutes ces négligences, toutes ces tracasseries administratives et toute cette indifférence, voire ce mépris pour la souffrance humaine?».