FALLAIT-il jeter de l'huile sur le feu ? Les consignes données par le Chef du gouvernement mercredi à l'ensemble des ministres de solliciter l'accord préalable dans leur interaction avec la présidence de la République ne feront que crisper davantage une situation tendue avec le Chef de l'Etat. Avec des mots voilés, mais le message, clair comme de l'eau de roche, est passé tant au niveau de la forme que du contenu. Mais il est clair maintenant que Mechichi a choisi son camp sans déclarer trop d'hostilité à l'égard du Chef de l'Etat. Certes, c'est un revers pour le Président qui l'avait nommé pour former le gouvernement. Mais il reste le maître des horloges mû par sa légitimité et sa légalité. Mais maintenant que Mechichi, fort du soutien du front Ennahdha-Qalb Tounès-El Karama à l'ARP, s'est retourné contre le président de la République, il tombe dans l'escarcelle de cet axe qui voue une opposition farouche au Président de la République. Par cela, il ne fait que discréditer l'esprit même de sa formation gouvernementale dite de compétences nationales indépendantes. Car maintenant qu'il a joué à visage découvert avec Kaïs Saïed et qu'il a montré les dents, il est devenu l'otage de ce front à l'ARP. En effet, Mechichi est allé trop vite en besogne et ne semble pas avoir mesuré les risques qui découleraient de son geste. D'abord, la première victime de cette guerre ouverte dans les hautes sphères du pouvoir sont encore une fois le peuple et la patrie. En pleine crise épidémiologique, économique, financière et sécuritaire, le blocage entre les institutions de l'Etat ne fera que précipiter le pays dans les abîmes. L'impasse se ressentira à tous les niveaux : politique, social, économique et diplomatique. Plusieurs responsables et hauts cadres de l'Etat et même des ambassadeurs de pays amis et frères se retrouveront piégés dans la guerre à couteaux tirés entre le Président et l'axe Chef du gouvernement-ARP. Ils ne sauront plus à quel saint se vouer. Le différend entre le Chef de l'Etat et le Chef du gouvernement risque de ne profiter qu'aux voix populistes et extrémistes. Car lorsque l'Etat est décapité de facto, il devient vulnérable. D'ailleurs, le tribut de la protection du Chef du gouvernement sera cher à payer. A commencer par un remaniement ministériel qui sera exigé pour nommer des ministres et des conseillers à consonnance politique. Il serait difficile de décrire en si peu de mots les dommages collatéraux de cette confrontation entre les symboles de l'Etat. Kaïs Saïed n'est pas du genre à se faire marcher sur les pieds. Il ne restera pas en retrait de la ligne de feu et fera tout pour assumer ses prérogatives constitutionnelles. Le nouveau front parlementaire le sait. Et il serait disposé à sacrifier Mechichi sur l'autel d'un consensus avec le Chef de l'Etat. Mechichi, un trapéziste sans filet, serait un bouc émissaire à offrir. Croisons les doigts et souhaitons que toutes les parties barbotent de nouveau dans un bain de miel.