Le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a annoncé que la Journée nationale du tourisme rural sera célébrée le 26 septembre de chaque année. Il a ajouté que «le gouvernement œuvre à ‘'diversifier'' le produit touristique pour soutenir davantage le tourisme alternatif, à l'instar du tourisme rural, et pour ancrer le principe de développement solidaire, réitérant que l'hôtellerie et le tourisme balnéaire restent l'épine dorsale du secteur touristique en Tunisie. Mechichi a, en outre, souligné que la présence de gîtes ruraux dans des régions qui souffrent d'un retard de développement peut créer une réelle dynamique au sein de ces zones et contribuer à créer de l'emploi, notamment au profit des femmes, et à booster l'artisanat d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un tourisme saisonnier, mais d'une activité qui s'étend tout au long de l'année ». Le tourisme, en dépit des efforts fournis pour le relancer, a été l'un des secteurs les plus touchés par la pandémie qui sévit dans presque tous les pays. La fermeture des frontières ou les restrictions de voyage ont entraîné une régression sans précédent du nombre de touristes à l'échelle internationale et nationale. Les pertes économiques ajoutées à celle des postes d'emploi ont été à l'origine des faillites de bien des parties prenantes qui ont été obligées de mettre la clef sous le paillasson. Exploiter de nouveaux filons A l'issue de toutes ces visites et ces réunions, il y a des idées qui jaillissent. Mais c'est au niveau de la mise en exécution que tous ces projets annoncés et jamais réalisés calent. Les lourdeurs administratives, la pression des différents lobbies freinent ou vident ces suggestions de leur substance. Toujours est-il que le tourisme tunisien peut se targuer d'avoir plusieurs cordes à son arc : la mer, le soleil, la montagne, le désert, le tourisme équestre, le tourisme rural, etc. Reste un créneau auquel on ne semble pas accorder de l'importance : celui de la confection, du prêt-à -porter, de la chaussure et dérivés, des produits artisanaux et bien d'autres encore que le savoir-faire tunisien pourrait mettre en valeur. Avant que la destination Turquie n'entre dans les mœurs, les tunisiennes désirant effectuer leurs achats pour préparer leur trousseau ou les Tunisiens souhaitant renouveler leurs garde- robes se rendaient en Italie. Les difficultés que présente l'obtention du visa ont fini par dissuader les plus courageux. A cette difficulté est venue se joindre une campagne massivement menée par les Turcs qui commencèrent par nous envoyer le fameux feuilleton relatant de manière romancée et riche en couleurs et en jolies filles, le règne de Soliman le Magnifique (Harim el Soltan). Et c'est parti de là. Maîtrisant parfaitement le sujet, ayant recours à de très bons scénaristes, sachant à bon escient titiller les émotions des soubrettes et des désœuvrées, les feuilletons ont commencé à pleuvoir. Certaines chaînes tunisiennes ont fini par en faire leur spécialité. Au point que cela a fini par devenir envahissant et trop criard. Les héros turcs sont présentés comme des personnages qui n'ont pas leur pareil. Mais on arrive à capter l'attention et tous ces crimes, ce sang qui coule, finissent par devenir...normal. Assez de fanfreluches Par une action parfaitement organisée et profitant de la condescendance de bon nombre de responsables et des conditions bien spéciales que vit notre pays, les produits turcs envahissent le marché. Tout y est. Des vulgaires fanfreluches aux balais en plastique, en passant par les « glibettes » blanches et les feuilles de « baklawa ». Aussi bien dans les souks que dans les magasins, tout contribue à vous faire croire qu'on est en plein Istanbul. L'habillement est également présent. On y trouve de nouvelles idées, une coupe et une finition très acceptables. Les prix sont moitié moins chers que ceux qu'affichent nos artisans ou revendeurs de prêt-à-porter. Bien entendu, nous n'entrerons pas dans les considérations de qualité, car même ce qu'on importait d'Italie ne valait que par ses emballages recherchés et par l'harmonie ses couleurs. Pour le reste, la qualité, entre autres, cela valait son prix et était surtout plus avantageux que ce qu'on trouvait sur nos marchés. Non c'est à Izmir ! Nous avions posé un jour une question à une habituée de ces navettes qui était allée à Istanbul pour le trousseau de sa fille. « Vous avez visité le musée Topkapi ? » La réponse nous a complètement sidérés : «Non, ce musée est à Izmir et c'est trop loin, nous n'avions pas de temps ! » Voilà, cela prouve, si besoin est, que l'on va en Turquie pour faire des emplettes bien déterminées et non pas pour admirer les vestiges d'un des plus grands empires que le monde ait connus. Bien entendu et pour ne pas exagérer, il y a ceux qui vont pour ce genre de choses, mais la majorité écrasante n'y va que pour ces obligations qu'explique le nombre de valises remplies à ras bord et que la douane a fini par sanctionner assez lourdement. Et encore, le jeu en valait la chandelle. Défiant toute concurrence, les candidates aux trousseaux avouent qu'elles seront toujours gagnantes. Pourquoi cette longue entrée en matière ? Tout simplement que ce n'est point seulement à cause des belles vues présentées dans les feuilletons que les Tunisiens se rendent en Turquie. Il y a aussi et surtout l'aspect « achat » de vêtements ou de produits artisanaux, articles ménagers et autres qui présentent des avantages certains. Le shopping fait partie intégrante de ces voyages d'agrément. C'est un stimulant, un créneau que l'on semble négliger et auquel on accorde peu d'intérêt. De toutes les façons, les prémices ne sont guère positives. Revoir les prix et la présentation Il serait indécent de présenter un certain nombre de prix comparés entre les deux rives. Une chemise turque ou un pantalon, une couverture ou un édredon coûtent presque moitié moins cher. Et la décision est vite prise : on s'approvisionne là où il y a plus de choix et où les prix sont plus abordables. Et pour payer les frais du voyage et du séjour, on prend la précaution de ramener trois, cinq, six pièces en plus de ce dont on a besoin pour les revendre... Certains, dans les administrations surtout, où on semble avoir beaucoup plus de temps à consacrer à ces activités lucratives qu'aux dossiers à traiter, passent des commandes, sachant que ces navettes ont leurs habitués. Des hommes ou femmes qui ne font que cela. Ils approvisionnent des magasins huppés qui les revendent sous le comptoir ou ouvertement par les temps qui courent. Les contrôleurs ayant d'autres chats à fouetter. Tout cela pour dire que la destination Tunisie possède un créneau qu'elle pourra exploiter : ses articles de produits traditionnels revus et visités, remis au goût du jour et, bien entendu, les vêtements et les accessoires divers. Mais en les mettant à des prix abordables, suffisamment attractifs pour empêcher les Tunisiens d'aller voir ailleurs et pour encourager les visiteurs à s'approvisionner. Nous savons, par exemple, que bien des touristes achètent des médicaments chez nous, parce que c'est moins cher. Indépendamment de cet aspect, il y a la présentation. Nos vitrines sont, pour leur majorité, tristes et maussades, peu éclairées, sans recherche et n'invitent guère à entrer pour acheter ou pour satisfaire ne serait-ce que par curiosité. Alors que la présentation devrait être confiée à des artistes formés en la matière, le travail est souvent fait à la bonne franquette. Pour un pays qui a enfanté Ezzedine Aleya, Haytham Bouhamed, Donia Allegue, El Hédi Sliman, Leila Menchari et bien d'autres, ce n'est ni le goût, ni la création, ni encore moins le raffinement et la sensibilité qui font défaut. Ce qui manque, c'est bien l'absence d'initiative et le manque d'encouragement. Trêve d'excuses Reste à savoir si nos artisans dont nous voyons les résultats de leurs recherches de modernisation à l'issue des foires nationales ou régionales, nos fabricants de prêt-à-porter etc. sont capables de rivaliser avec les turcs ou les Italiens. A voir les prix qui s'affichent, cela tient de l'impossible. A moins de revoir notre façon d'aborder cette question, car nous n'avons jamais vu de touristes européens ou américains acheter une chemise ou un pantalon dans un magasin tunisien. Cela coûte trop cher. Des explications ? On peut en trouver à satiété. Le problème est sans doute ailleurs que dans ces jérémiades que l'on énonce à tour de bras. C'est que lorsqu'on pose des questions et que nous demandons des explications, on nous avance tout de suite la lourdeur des taxes, des impôts, la qualité et la disponibilité des tissus, et autres excuses. Supposons que ce soit vrai. Il faut trouver une solution et non pas se contenter de quémander l'aide de l'Etat. Il faut discuter, négocier, convaincre et présenter des suggestions bien ficelées pour moderniser, innover et devenir concurrentiel. Des débuts de solutions qui nous orientent vers la formule visant à « humaniser » ces prix et les mettre à la portée des consommateurs tunisiens dont une majorité s'approvisionne, soit sur les marchés étrangers, soit à ...la fripe, il faut en trouver. De ce fait et si on cherche à voir de quelle manière relancer ce tourisme qui est fortement affecté, on devrait éviter de se limiter à ce qui est déjà en usage et s'ouvrir sur d'autres idées. Pourquoi ne pas faire de la Tunisie un pays où le shopping est aussi attractif que payant ? Nous possédons de très bons créateurs, stylistes, couturiers artisans habiles et ouverts à la modernité. S'il y a des obstacles, il serait plus judicieux d'essayer de les résoudre par des mesures concrètes et non pas par des promesses que l'on ne tiendra jamais.