En arpentant les ruelles de la Médina, vous risquez de vous faire happer par un hublot lumineux : celui d'un portail métallique robuste. Le passant que vous êtes se tient bien en face du Mono Tunis : une nouvelle micro-galerie d'art contemporain, accessible gratuitement au public. Un 9 m2 à la fois intrigant et insolite qui vous fera découvrir, ce mois-ci, l'œuvre vertigineuse de Mara Fortunatovic. Accéder autrement à l'art contemporain, c'est désormais possible à la Médina de Tunis, au 27, rue du Pacha. La première installation programmée de l'artiste Mara Fortunatovic se calque sur l'espace et sa vision initiale. Conçu par deux cofondateurs : Shiran Ben Abderrazak et Kaïs Dhifi, ce micro-espace est ouvert au public depuis le 17 décembre 2020 et permettra la découverte — de l'extérieur, derrière le hublot, et/ou à l'intérieur — d'œuvres inédites d'artistes internationaux. La première artiste à l'avoir inauguré a procédé à un repérage des lieux en amont afin de pouvoir s'en emparer. Le lieu perdurera dans le temps grâce aux prochaines installations artistiques. La taille du «Mono Tunis» permettra à chacun/chacune d'assouvir sa curiosité à n'importe quel moment. Une lumière blanche émanant de cette porte-hublot attire, intrigue, transperce l'ambiance familière, authentique de la Médina et ne laisse pas indifférent voisinage et visiteurs. L'installation de Fortunatovic a épousé la taille de l'espace, sa principale spécificité, provoquant vertige et sentiment du vide a vue d'œil. Le néant... ou presque. Une fois debout à l'intérieur dans un cercle en métal encastré dans le sol conçu par Mara Fortunatovic, le visiteur, dérouté, commence à retrouver ses repères en glissant son regard de bas en haut. Une sensation de recueillement s'installe dans ce lieu intimiste, presque coupé du brouhaha de la Médina. Le visiteur pourra ainsi contempler l'œuvre et la vivre. Se perdre à l'intérieur Mara Fortunatovic a conçu des voûtes au plafond, inspirées par les éléments architecturaux existants. Deux arches métalliques en forme de feuilles très fines et faites de tôles en acier inoxydable meublent la pièce, en permettant un jeu autour de la lumière et de l'espace. Telles de grandes lames qui se décollent des murs, la profondeur imaginaire de ces arches est créée par l'effet visuel de leur volume et de leurs courbes, ainsi que par la projection imaginaire de leur continuité au sol. Le travail délicat et subtil de Mara Fortunatovic interpelle la perception de la géométrie et la capacité d'une personne à percevoir l'invisible. L'artiste a voulu utiliser les spécificités de l'espace, ainsi que l'ombre et la lumière pour créer un sentiment de duplicité grâce aux arches. Cela a permis de transformer cet environnement réduit en un hyperespace extensible, en alimentant l'imaginaire des visiteurs présents. Une micro-galerie, c'est un micro-espace. Faute d'espace, ses cofondateurs en ont fait «une galerie de poche». Ouvrir un tel espace dans la Médina favorise la valorisation du patrimoine. Le «Mono Tunis» est initialement une acquisition familiale à Shiran Ben Abderrazek. Le nom «Mono» est un concept japonais existant, qui se réfère à une taille «petite» et qui permet l'installation d'une ou deux œuvres au maximum. Un espace aussi réduit limite l'œuvre de par son volume. Les artistes étrangers et émergents de la nouvelle scène produisent leurs œuvres sur place, sans les vendre, tout en chapeautant le travail de A jusqu'à Z. Le Local Groupe, créé par Kenza Zouari et Kaïs Dhifi et associé du «Mono Tunis», se spécialise dans un format presque inexistant en Tunisie et qui est «l'édition d'œuvres d'art», toutes disciplines confondues, permettant aux collectionneurs de découvrir les artistes participants. Ils éditent aussi des livres. Le Local Groupe s'est présenté au public il y a quelques mois, en lançant l'exposition de Kaïs Dhifi «City of Poets». Les Mono-galeries à l'étranger sont modernes et ouvertes aux installations visuelles et hologrammes, entre autres.