Par Hella LAHBIB Avec le nouvel an se posent aux Tunisiens plusieurs défis, économique, sécuritaire, politique et, quelque part, encore et toujours identitaire. Lors des vœux présentés officiellement, on se fait un point d'honneur à préciser qu'il s'agit de l'année «administrative» et rien d'autre. Le politiquement correct tient à préciser que le réveillon correspond à la nouvelle année administrative et non pas au nouvel an. Précision de taille pour dire que nous avons notre identité, nos dates, nos fêtes et notre réveillon et que nous ne nous alignons pas sur l'Occident. Or, la vraie question est loin d'être identitaire : elle est tout simplement pratique. Et concerne le calendrier. Qu'est-ce qu'un calendrier ? C'est une table de prévision des jours et des mois, absolument indispensable dans la vie quotidienne. Si une personne est née un 28 février, elle sait que son prochain anniversaire tombera un dimanche. C'est fixé, précis et irréversible. De même, un médecin peut donner rendez-vous à son patient, le 29 février prochain qui tombe un lundi. Mais il ne pourra au grand jamais donner rendez-vous un 18 Joumada Al-Awal 1437. Pourquoi ? Car il ne saura pas s'il s'agit d'un lundi ou d'un dimanche. Il faudra, pour cela, attendre l'avènement de la nouvelle Lune. Dans le même ordre, il est possible de réserver un billet d'avion pour le dimanche 28 févier 2016, mais on ne pourra jamais le faire selon le calendrier de l'Hégire. Car on ne saura pas, suffisamment à l'avance, à quel jour de la semaine cette date correspondra ! L'absence de prévisibilité ne concerne pas seulement la réservation des billets d'avion ou la date d'un anniversaire. Elle touche un domaine essentiel dans un calendrier et dans la vie quotidienne et spirituelle : la date des fêtes religieuses ! D'où l'égarement qui saisit le monde à l'approche de ces rendez-vous. Le calendrier lunaire, tel qu'il est appliqué dans nos pays, n'est pas pratique. Car il n'est pas prévisible. C'est pour cela que les musulmans vivent dans un système dual : pour toutes les pratiques quotidiennes non religieuses, ils se basent sur le calendrier grégorien. Pour toutes les pratiques religieuses (essentiellement les fêtes religieuses et le mois de ramadan), ils se basent sur le calendrier lunaire. Donc, le nouvel an n'est en aucun cas une imitation ou une occidentalisation, mais une nécessité. Si le calendrier lunaire avait été prévisible, il se serait imposé sans peine. Alors, au lieu de dire que le nouvel an n'est pas «notre» fête ou qu'il s'agit d'un nouvel «an administratif», les spécialistes pourraient plutôt travailler sur la prévisibilité du calendrier de l'Hégire. Ceci simplifierait la vie de tous. Entre-temps, il ne s'agit nullement de la nouvelle année administrative, mais du nouvel an tout court et, à ce titre, bonne année 2016.