Par Gilles Paris (Washington, correspondant) / Le Monde, Paris L'administration Biden conteste la compétence de la CPI et assure qu'elle continuera à soutenir fermement Israël et sa sécurité. Washington a vivement dénoncé, mercredi 3 mars, la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d'ouvrir une enquête à propos des crimes présumés imputés notamment à Israël dans les territoires palestiniens occupés. «Nous nous opposons fermement à l'annonce par les procureurs de la CPI d'une enquête sur la situation palestinienne et nous en sommes déçus», a réagi le porte-parole du département d'Etat, Ned Price. «Nous continuerons à soutenir fermement Israël et sa sécurité, notamment en nous opposant à des actions qui visent Israël de manière injuste», a-t-il ajouté. Le secrétaire d'Etat Antony Blinken a réitéré cette affirmation dans un tweet, quelques heures plus tard. Le département d'Etat a étayé cette réaction sur son interprétation juridique de la situation. «Les Etats-Unis ont toujours estimé que la compétence de la Cour doit se borner aux pays qui la lui accordent, ou alors en cas de saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU», a estimé Ned Price, rappelant que ce n'est pas le cas d'Israël. Cette critique avait déjà été avancée le 5 février, lorsque la CPI s'était jugée compétente. «Comme nous l'avons clairement indiqué lorsque les Palestiniens ont prétendu adhérer [à la Cour pénale internationale, en 2015], nous ne pensons pas qu'ils puissent être considérés comme un Etat souverain, et par conséquent, ils ne sont pas qualifiés pour devenir membres en tant qu'Etat ou participer en tant qu'Etat à des organisations et entités internationales», avait alors estimé le département d'Etat. «Solution viable à deux Etats» Compte tenu des relations tendues que Washington entretient avec la Cour pénale internationale, créée par un traité que les Etats Unis n'ont jamais ratifié, cette réaction n'est pas surprenante. Elle a simplement été moins brutale que si l'administration de Donald Trump avait toujours été au pouvoir. Sous l'égide du président républicain, son troisième conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, avait en effet lancé en 2018 une violente offensive contre la CPI, jugée «inefficace, irresponsable et carrément dangereuse». Il l'avait menacée de poursuites judiciaires et de sanctions financières dans le cas de l'ouverture d'une enquête contre des exactions présumées mettant en cause des soldats américains en Afghanistan. La réaction de Washington, mercredi, met par ailleurs en évidence les limites que la nouvelle administration démocrate entend se fixer dans la remise en cause de la position extrêmement favorable à Israël, adoptée pendant son mandat par Donald Trump. Ce recalibrage a été manifeste avec le peu d'empressement témoigné par le locataire de la Maison-Blanche à s'entretenir au téléphone avec le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, après son arrivée dans le bureau Ovale, le 20 janvier. Ce dernier a en effet dû patienter jusqu'au 17 février. Mercredi, la Maison-Blanche a ainsi publié un document d'étape définissant les objectifs de la politique étrangère de Joe Biden, dans laquelle le président assure maintenir au Moyen-Orient son «engagement absolu envers la sécurité d'Israël, tout en cherchant à approfondir son intégration avec ses voisins et à reprendre [un] rôle de promoteur d'une solution viable à deux Etats» pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien. La nouvelle administration envisage de rétablir les communications avec l'Autorité palestinienne, devenues inexistantes au cours des quatre dernières années après la reconnaissance unilatérale par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël. Elle a, de même, renoué avec les critiques traditionnelles vis-à-vis de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens. Mais l'enquête de la CPI constitue une ligne rouge. G.P.