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Aux origines, une volonté de rupture avec le parti-Etat
«26 janvier 1978 et après, témoignages et lectures»
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 02 - 2016

Le réseau associatif Lam Echaml a organisé vendredi dernier, avec le soutien du bureau de Tunis de l'ONG Rosa Luxemburg, une journée de débat sur le 26 janvier 1978. La rencontre a été enrichie par des témoignages de syndicalistes, parmi les principaux acteurs de ces évènements. Des évènements augurant des temps d'affrontements cycliques entre le pouvoir et une tranche de la société tunisienne revendiquant des libertés démocratiques.
Le président de Lam Echaml, Moncef Ben Slimane, urbaniste, porte encore et toujours l'identité du syndicaliste. A cause de son militantisme au sein du syndicat de l'enseignement supérieur, il est incarcéré en 1986. C'est en fouillant dans ses archives qu'il tombe sur des brochures et des pétitions publiées dans la clandestinité au moment de la crise de l'Ugtt en 1978, sur d'anciens journaux de l'époque et sur mille et un souvenirs. D'où l'idée d'organiser une journée pour ressusciter une date et une histoire encore imprégnées de tant de zones d'ombre.
Qu'est-ce qui a pu provoquer ces évènements alors que Habib Achour se situait alors dans le premier cercle de soutien à Bourguiba, son compagnon de geôle pendant la lutte contre la colonisation? Jusqu'où ont pu aller la répression et les représailles des autorités contre les syndicalistes? Comment s'est organisée la résistance à la tentative de la mise au pas de l'Ugtt? Quel rôle ont joué les avocats dans la défense de la cause des syndicalistes incarcérés et croulant sous de lourdes accusations?
Des questions auxquelles des témoins de l'histoire comme Moncef Ben Slimane, Salah Zeghidi, Ali Romdhane, Nour Eddine Dhahri, Amara Abassi, Abada Kéfi, Mohamed Jmour, Zeineb Charni, Jounaidi Abdeljawad ont tenté d'apporter quelques réponses.
Enigmatique Habib Achour
Les débats ont révélé à quel point la personnalité énigmatique, équivoque et paradoxale de Habib Achour continue à soulever les passions...
«Achour n'a jamais détenu de carte d'adhérent au Néo-Déstour (le parti unique). Une fois, il a même déclaré il n'y a de moujahad akbar (en référence au titre donné au président Bourguiba) que le peuple», soutient un vieux syndicaliste.
De son côté, Salah Zeghidi, ancien communiste, ayant rallié les rangs du syndicat des banques en 74, fait remarquer : «Habib Achour faisait partie des quatre piliers du régime en place. Nous, les jeunes venus de la gauche, étions souvent critiques vis-à-vis de ses positions politiques. Les débats étaient houleux...».
Toutes les autres voies politiques s'étant fermées, notamment après les procès des perspectivistes à la moitié des années 70 et ceux des militants du Mouvement de l'unité populaire d'Ahmed Ben Salah en 1977, les anciens étudiants communistes et d'extrême gauche, devenus enseignants, médecins, banquiers et autres, après avoir tenté d'arracher en février 72 l'autonomie de l'Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), s'efforcent d'investir le mouvement syndical.
C'est le dernier bastion pour revendiquer au-delà des droits économiques et sociaux des libertés politiques. Sous la pression de ces jeunes loups de la politique, qui s'opposent à l'orientation libérale de l'économie et à ses répercussions sur les couches défavorisées, le vieux lion qu'est Achour change son fusil d'épaule.
Salah Zeghidi rappelle un autre épisode, qui força Achour à plier sous la pression de ses bases. Le «Pacte social» signé le 19 janvier 1977, entre le gouvernement et le syndicat, n'était pas parvenu à atténuer la crise que connaît le pays, notamment en termes de grèves. Le pacte assure au pouvoir cinq années de «trêve» sociale. «Ce qui bloque l'action syndicale en matière de négociations salariales», fait remarquer S. Zeghidi. Au cours du XIVe congrès de l'Ugtt, en mars 77, une pétition dénonce le pacte ayant recueilli quelque 600 signatures circule dans les couloirs du congrès. Elle est publiée sur les colonnes du journal Le Monde.
Achour tombe petit à petit en disgrâce. Le pouvoir tente de créer une autre centrale syndicale.
Entre le parti-Etat et le syndicat rien ne va plus et Achour décide, comme signe d'autonomie et de rupture de la centrale par rapport au pouvoir, de démissionner du Bureau politique du Parti socialiste destourien (PSD) le 8 janvier 1978.
Moncef Ben Slimane, ancien SG du syndicat de l'enseignement supérieur, esquisse ainsi la personnalité pleine d'équivoques du vieux lion : «Il détestait être battu.
Quand il se sent pourchassé, il devient redoutable. Par ailleurs, cet homme, d'un immense charisme, que j'ai connu de près et que je voyais quotidiennement lorsqu'il était en résidence surveillée en 1986, est d'abord et avant tout un syndicaliste convaincu par la cause des ouvriers».
Incarcérations, torture et licenciements
Des milices du Néo-Destour attaquent les locaux de l'Ugtt au cours de ce mois de janvier. Le 24 janvier, le Bureau exécutif de la Centrale syndicale appelle à la grève générale le 26 janvier.
Dès le matin de ce «jeudi noir», des jeunes, parmi lesquels beaucoup d'ouvriers et de chômeurs, envahissent Tunis, des actes de saccage de magasins sont signalés.
A 11h00, Bourguiba signe un décret chargeant l'armée de «rétablir l'ordre». Les premiers coups de feu sont tirés dans la médina de Tunis. En quelques heures, le bilan est lourd : officiellement 52 morts et 305 blessés.
En vérité, beaucoup plus, jusqu'à 200 morts et un millier de blessés, selon la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et des sources de l'opposition. Des centaines de syndicalistes sont arrêtés et Houcine Kouki, S.G adjoint des banques et assurances de Sousse, meurt à la suite d'actes de torture.
Par mesures de représailles, des licenciements abusifs touchent des centaines de syndicalistes. Les dirigeants syndicalistes, dont Achour, Taïeb Baccouche, Abderrazak Ghorbel, Houcine Ben Gaddour, Abdelaziz Bouraoui... risquent la peine capitale pour «atteinte à la sûreté de l'Etat». Les pressions internationales contribuent à réduire les sanctions et Achour est condamné en octobre 78 à dix ans de travaux forcés.
Dans son intervention, Nour Eddine Dhahri, membre du Bureau national de l'Ugtt entre 1984 et 2014, a évoqué l'expérience de «l'intersyndicale», qui a contré la mise au pas de l'Ugtt de Achour : «Il ne s'agit point d'une alternative à la Centrale syndicale ou d'une structure qui parlerait en son nom.
Mais plutôt d'une initiative de militants restés fidèles à la «direction légitime», qui a mis en place une défense pour les prisonniers et organisé le soutien aux familles des détenus et des syndicalistes limogés.
La résistance s'organise
Nous avons fait paraitre huit numéros d'une publication clandestine pour informer le public tunisien et étranger sur les procès, les conditions de détention des prisonniers et l'état des lieux de la solidarité nationale et internationale envers notre cause».
Une nouvelle direction à la tête de la centrale syndicale est désignée par le parti-Etat lors d'un congrès tenu le 25 février 78. Mais la nouvelle Ugtt, dirigée par Tijani Abid, enregistre des milliers de démissions et le tirage du journal syndical «Echaab» est sur le déclin, passant de 80.000 exemplaires à 10.000.
En France, le «Collectif tunisien du 26 janvier», fondé par Khemaiss Chammari, continue la mobilisation en publiant un bulletin d'information pour communiquer à l'opinion publique internationale l'actualité de la situation des libertés en Tunisie.
Du côté de la justice, un autre front s'ouvre, celui des avocats, particulièrement ceux affiliés à l'Association tunisienne des jeunes avocats (Atja), qui prennent en charge les procès du «jeudi noir» et publient sur le journal Essabah un communiqué où ils condamnent fermement la répression sanglante du 26 janvier. Abada Kéfi, alors très jeune avocat porté par des idées de gauche, a fait partie de la défense de la direction syndicale.
Il était accompagné dans cette mission par une vingtaine de ses confrères : Mansour Cheffi, Habib Ameur, Mohamed Rafii, Mohamed Mahfoudh, Ahmed Chtourou, Abderrahmane Hila, Ibrahim Ben Ali, Abdeljelil Bouraoui, Radhia Nasraoui, Taoufik Bouderbala...
«Avec une justice à la solde du pouvoir, les tentatives de nous déstabiliser étaient constantes. Nous étions obligés de faire le guet devant le bureau du juge pour imposer notre présence auprès des syndicalistes détenus au moment de l'instruction.
D'autre part, pour épuiser nos forces, ils ont ouvert les procès de Sousse et de Sfax le même jour.
Mais nous nous sommes partagés pour assurer nos plaidoiries. Etonnant : même des avocats connus pour leur allégeance au Néo-Destour, comme Abd Erraouf Bouker et Béchir Khantouch ont rallié notre cause».
Abeda Kéfi poursuit son récit : «C'est au cours de ces procès-là que nous avons affûté nos armes contre une justice aux ordres, en suivant la stratégie de l'attaque.
Quand, par exemple, on nous refusait le report de l'affaire, nous nous retirions de la salle d'audience, le magistrat était alors obligé de faire des concessions. C'était une vraie bataille, on usait contre nous de la notion d'«outrage à magistrat», maître Mohamed Chakroun a d'ailleurs été condamné séance tenante, en pleine audience, à deux ans d'emprisonnement avec sursis ! Je considère qu'à la suite de ces procès, les avocats tunisiens se sont bonifiés.
La prise en charge des procès politiques s'est codifiée. Du côté des robes noires, les suites judiciaires du 26 janvier 78 marquent l'histoire de notre profession d'un repère lumineux !».
Pour le président de Lam Echaml, Moncef Ben Slimane, les évènements du «jeudi noir» représentent «la première brèche contre l'autoritarisme en engageant le pays dans une marche vers la démocratie».


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