Dans le milieu rural kairouanais qui représente 70% de toute la population du gouvernorat, les femmes sont souvent désavantagées, surtout dans le domaine agricole. En effet, la main-d'œuvre féminine a envahi ce secteur, surtout en ce qui concerne la récolte, la cueillette, le sarclage, la plantation, les moissons et le battage. D'ailleurs, plusieurs grands agriculteurs s'en sont accommodés et disent que, pour eux, c'est vraiment une chance d'engager des ouvrières saisonnières qui ne soient pas trop exigeantes, surtout pour la cueillette et le désherbage manuels, où leur travail est très rentable. Néanmoins, ce gagne-pain fatigant et désavantageux met en danger la santé de la femme, surtout celles qu'on appelle «Nissaâ Essouani» et qui se déplacent quotidiennement dans des camionnettes privées pour aller travailler dans les champs et les prairies. De ce fait, elles quittent leur domicile vers 5h00 et ne rentrent que vers 17h00, et cela pour un salaire de 9d par jour. Chaïma, une jeune ouvrière de la zone rurale de Jhina, nous précise que sa mère et ses trois sœurs se déplacent chaque jour dans des camionnettes, entassées avec une trentaine d'autres femmes pour aller cueillir les olives dans différentes parcelles agricoles. Et cela sans aucune assurance. Résultat : on a enregistré, au cours du mois de janvier 2016, deux accidents très graves au niveau de la délégation de Hajeb El Ayoun et les blessées, encore hospitalisées, nécessitent des opérations chirurgicales très onéreuses. Sabrine, originaire de Chebika, nous précise que la femme qui travaille dans les champs, ne bénéficie que d'une heure de pause pour le déjeuner. De plus, il lui arrive de ne pas trouver de toilette, ce qui la met très mal à l'aise, mais cela ne semble pas déranger l'exploitant. Une fois rentrée chez elle, elle doit faire le ménage, préparer le repas, aller chercher l'eau, couper le bois, porter les lourds fardeaux et s'occuper des enfants. Ainsi, à l'âge de 40 ans, elle paraît en avoir 60! Etant la première à se lever et la dernière à se coucher, son équilibre physique et moral devient altéré... La source, un point de rencontre Par ailleurs, beaucoup de femmes rurales, qui ne travaillent pas comme ouvrières agricoles, passent leur temps à s'occuper des animaux, à préparer la tabouna et, surtout, à chercher l'eau. Beaucoup d'entre elles que nous avons rencontrées à la source d'El Saâdlia, dans la zone de Dhibet (délégation d'El Ala) nous ont dit que leur point de rencontre et leur contact avec le monde, c'est cette source. C'est ici qu'elles viennent puiser l'eau, laver le linge, abreuver les animaux et aussi discuter de leurs espoirs et de leurs soucis. Souvent, leurs discussions sont interrompues par des marchands ambulants à dos d'âne qui viennent proposer du tissu, du khol, du thé et du loubben. Ensuite, elles quittent les lieux pour rejoindre leurs domiciles le cou et le dos ankylosés sous le poids de leurs jarres d'eau.