La consultation nationale labellisée par le slogan «Votre programme est le nôtre » est un sondage d'opinion diffusé à travers le web et sur le terrain, et associé à une campagne de sensibilisation sur le mouvement Une conférence de presse a été organisée hier au Centre de Tunis par Mohsen Marzouk qui a fait une entrée scénarisée dans la salle. Au lieu de regagner la tribune, le coordinateur de cette nouvelle formation qui se cherche un nom s‘est assis au premier rang avec à ses côtés le député Mondher Bel Haj Ali. Ils sont rejoints par d'autres figures du mouvement dissident qui a laminé Nida Tounès, Abada Kefi et Abdessatar Ben Messaoud. Premier point de cette rencontre largement couverte par la presse est la présentation de la consultation nationale labellisée par le slogan «Votre programme est le nôtre». Il s'agit d'un sondage d'opinion diffusé à travers le web et sur le terrain, et associé à une campagne de sensibilisation sur le mouvement de «Marzouk», appelons-le ainsi pour le moment. Concrètement, cette initiative qui se veut unique dans l'histoire politique de la Tunisie a mobilisé 1.500 jeunes volontaires qui se sont disséminés à travers le pays, les 6 et 7 février et touché près de 125 mille personnes. Les principales questions du sondage portent sur les objectifs à adopter prioritairement, les erreurs à éviter, les propositions liées au nom et la volonté de s'y rallier ou pas. S'ajoutent à cela deux mécanismes d'approche avec les citoyens ; des cercles d'écoute et des réunions à l'échelle des régions. La première a été tenue la semaine dernière avec trois gouvernorats, Kairouan, Sidi Bouzid et Kasserine. Il s'agit encore, selon la définition donnée par Abderraouf Chérif, président du nouveau bloc parlementaire « El Horra », d'un espace inclusif de dialogue s'insérant dans le cadre d'une démocratie participative et de laquelle pourrait jaillir la future charte du mouvement. Risque de confusion Déjà 16 minutes passées, sans que Marzouk n'intervienne. C'est seulement après avoir été interpellé par les journalistes qu'il a pris le micro. Chacune de ses réponses donnait, par le biais d'informations complémentaires et successives, une facette de son projet politique aux lignes encore très fluctuantes, faut-il le dire. Il s'agirait donc d'un mouvement construit autour d'un plan national qui se veut la voix des Tunisiens. Son ambition est de toucher un million de participants à travers la consultation en cours, ouverte, selon Marzouk, jusqu'à la tenue du congrès constitutif. Par cette voie, argumente-t-il, il a choisi de contourner la crise que vivent les partis politiques et de remobiliser les Tunisiens en faveur de la chose publique. A la question, combien pèserait le bloc parlementaire « El Horra » ? (22 députés et de nouveaux ralliements sont prévus), la réponse ne tarde pas : « L'importance ne réside pas dans le nombre mais dans l'efficacité de l'action ». Certes, mais dans les hémicycles, après avoir longuement parlementé, ce sont les tables d'additions qui pèsent dans la balance. Aussi triviale que puisse paraître cette réalité. Sur la question portant sur le financement de sa future formation, Marzouk a focalisé sa réponse sur le sondage en cours, basé sur le volontariat des jeunes, le don des élus et de certaines personnes impliquées. Il est resté très évasif sur le reste. Quant aux appellations possibles, le champ lexical se concentre autour de deux vocables, apprend-on : Projet « Machrou » et Libre « Horra ». On pourrait bien penser qu'il se soit éloigné avec son équipe de com des dénominations proposées au préalable, comme « Tounès el Jadida » ou « Tahya Tounès », lesquelles auraient posé inévitablement un double problème ; de confusion quant à l'identité du parti, et d'éthique pour ce qui relève de la propriété intellectuelle du parti « géniteur ». Un petit rappel, le principal slogan de Nida Tounès était « Fabihaythou Tahya Tounès ». Les adhésions seront numérisées et consultables Ce projet a-t-il été rallié par des personnalités nationales ? « Sans doute, oui», une réponse empreinte de mystère donnée par Marzouk qui « préfère taire les noms pour l'heure », en confirmant des entretiens avec Mondher Zenaïdi, « une haute compétence qui peut jouer un grand rôle », et en niant énergiquement le moindre contact avec Abderrahim Zouari. Il a toutefois insisté sur le caractère ouvert de son initiative dans laquelle les personnalités qui le souhaitent peuvent avoir leur place. Des entrevues informelles ont eu lieu avec Radhi Meddeb, Slim Tlatli et Sadok Chaâbane, a-t-il pris soin d'ajouter. Pour ce qui est du congrès constitutif, question récurrente, le coordinateur a promis qu'il se tiendra d'ici l'été prochain « au plus tard » et qu'il n'y aura pas de report. «Nous ne reproduirons pas les mêmes erreurs», a-t-il ironisé, en annonçant cette information inattendue, « nous participerons aux municipales et nous vaincrons ». La question posée par notre journal portait sur les adhésions et les cartes en vue de délimiter les listes des militants. « Dès que le parti aura son autorisation, s'engage Marzouk, la base de donnés sera transparente, numérisée et consultable ». Toutefois, et suite à la consultation en cours, il estime dans les 80 mille personnes ayant manifesté leur volonté de s'y impliquer. A la recherche d'un discours cohérent Tout au long de la rencontre, Marzouk a revendiqué l'héritage du courant néo-bourguibien et un positionnement centriste, modéré. «Nous sommes un parti où la libre initiative économique sera encouragée dans le cadre d'une économie inclusive, analyse-t-il. Un parti pragmatique qui ne croit plus en l'arrière- fond idéologique, qui adopte une politique orientée sur les résultats. Il ne s'agit pas d'avoir un programme quinquennal, mais de mettre en place une vision claire qui s'étale sur les trois prochaines décennies, les stratégies suivront », assure-t-il. Liberté, participation et inclusion seront les trois thèmes générateurs. Si Marzouk place son mouvement au centre de l'échiquier politique, il aura à disputer la chaise avec Nida Tounès qui, lui aussi, se réclame du centre. Ce qui paraît logique d'ailleurs, les événements qui ont provoqué la dissidence avec le parti « père », sont motivés non par un différend idéologique mais des questions de gouvernance et de conflit entre les personnes. Les deux mouvements se retrouveront inévitablement autour des mêmes repères politiques, économiques et sociaux. Toutefois, le président fondateur de Nida a pu construire un discours cohérent, animé d'une logique interne, en s'opposant aux islamistes de l'époque avec les mots de Bourguiba. Béji Caïd Essebsi n'a pas innové, il a juste ressuscité un héritage auquel lui-même a pris part, et ça a marché. Dans quelles thématiques Marzouk puisera son propos ? Il a insisté, lors de son exercice question-réponse avec les journalistes, sur la nature de son « entreprise » qui n'est pas partisane autant qu'elle sera nationale et fonctionnelle. Les compétences tunisiennes sont appelées à s'y impliquer, l'objectif ultime « n'étant pas d'élaborer des théories mais d'avoir la capacité de leur exécution ». Est-ce suffisant pour un mouvement qui ambitionne d'être un événement politique national majeur et de fédérer les Tunisiens autour de lui ?