Mort sociale à 30 ans pour les uns, le grand épanouissement, pour les autres, les sportifs ne sont pas tous préparés de la même manière à la «vraie vie». Adulés pendant leur carrière, ignorés à leur retraite, les sportifs aux cheveux gris n'ont que très rarement réussi leur reconversion. Il y en a qui n'ont pas attendu 62 ans pour tirer leur révérence, alors que d'autres ont eu le mérite de repousser l'âge de la reconversion. Comme le dit le slogan des paris, à qui le tour ? Chaque année, la planète football perd d'une manière ou d'une autre du beau monde. Du soulier d'or, du champion olympique, du vainqueur des grands événements, au mythe, au tireur de coups francs, à l'athlète d'exception, au bagarreur, c'est un morceau de l'histoire du sport qui tire chaque fois sa révérence. A un certain moment, le sport les avait infantilisés et maintenus hors du monde réel et au moment de mettre un terme à leur carrière, ils sont dans l'obligation d'affronter une triple crise. Une crise physique : Le rapport au corps est bouleversé. La compétition terminée, l'utilité du corps, conçu depuis l'adolescence comme un outil au service des performances sportives, est remise en cause. Le corps commence à se déliter et peut devenir très vite encombrant pour l'athlète. Certains continuent à éprouver une forme de dépendance au sport. D'autres, au contraire, manifestent un rejet brutal de toute activité physique. Quoi qu'il en soit, l'effort physique reste un besoin viscéral pour tous les sportifs. Une crise identitaire : L'arrêt de la carrière de sportif peut être une source d'anxiété, voire de dépression. Ultra-spécialisé dans un domaine particulier, il perd d'un coup son rôle social. L'euphorie disparaît et il doit démarrer une nouvelle vie dans un monde où il a peu de repères. C'est une mort sociale à 30 ans. Le sentiment de toute-puissance disparaît. L'on se sent beaucoup plus vulnérable, loin de l'image de «héros du dimanche». Il est difficile de tourner la page dans la mesure où tout est censé renvoyer au passé. Une crise financière : A l'exception des grandes stars, une reconversion professionnelle est indispensable pour des raisons financières. Malgré des rémunérations confortables, bien peu de sportifs peuvent se permettre d'arrêter toute activité professionnelle si tôt. Selon une étude réalisée en Allemagne par «Schips Finanz», 50% des footballeurs professionnels dilapident leur fortune en quelques années seulement une fois qu'ils ont pris leur retraite. C'est encore pire aux Etats-Unis : dans le football américain, ce sont 78% des joueurs qui se retrouvent sur la paille juste à peine la carrière bouclée. Et, selon les statistiques de la NBA, 60% des basketteurs professionnels seraient ruinés cinq ans après avoir quitté les parquets. Une petite mort! D'autres, et ils sont minoritaires, réussissent quand même à se doter d'une légitimité dans un domaine autre que le sport. Si la plupart deviennent entraîneurs, commentateurs ou consultants, il existe des moyens bien plus originaux d'entamer une deuxième carrière. Ils réalisent qu'il y a encore plein d'autres choses à vivre. Qu'une autre vie commence et qu'ils sont prêts à se lancer dans de nouveaux défis. Il faut dire que quelle que soit la reconversion, les sportifs tunisiens ne trouvent pas souvent le même degré d'intensité émotionnelle. Manque du terrain, du jeu, de l'effort physique. Arrêter sa carrière, c'est tirer un trait sur vingt ans de sa vie. C'est une petite mort au moment où on aurait à se préparer à faire un travail de réajustement psychologique et sociétal, apprendre à sortir d'un rôle pour en endosser un nouveau. En Tunisie, les causes d'une reconversion ratée des sportifs sont diverses et diversifiées : un entourage très intéressé, voire malhonnête et des placements hasardeux, des égarements souvent coûteux et répétés. Car même s'ils ont brassé des millions pendant leur carrière, les plupart des sportifs tunisiens ne sont pas toujours habitués à bien «compter». Couvés, protégés, aidés en permanence quand ils sont au sommet, ils ne savent même pas comment fructifier de l'argent pour leur compte une fois qu'ils prennent leur retraite. Alors que dire de la manière à gérer une affaire ou à faire prospérer un capital. Certains ont même connu des années de déprime, de mal-être. Les exemples se suivent et se ressemblent. La dynamique efficiente dans la poursuite des buts sportifs peut se révéler ainsi porteuse de crise lors de l'arrêt de la carrière. Il n'est pas rare que cette période de déroutement à la fois interne et externe conduise à des tableaux de reconversion, dite dans les milieux cliniques sous-tendus, ratée notamment par une forte diminution de l'estime de soi. Dépression, effondrement, troubles, mélancolie, enfoncement, autant de maux et de mots qui touchent ceux que l'on croyait jusque-là invincibles, intouchables, et même indestructibles. Les initiatives lancées pour encadrer les sportifs à la retraite, à l'instar de l'Amicale des anciens joueurs, ou encore l'Association des anciens footballeurs, ne suffisent pas pour épauler et prêter main-forte à des sportifs en quête de soutien. C'est sans doute la raison pour laquelle, après avoir suscité l'attention, la problématique de la retraite sportive, et des possibles effets traumatiques qui l'accompagnent, se doit de se muer en un véritable domaine de recherche à part entière. La cas du Maroc est très significatif. Il peut même servir de bonne matière à réflexion. Une convention a été conclue entre la Fédération royale de football (Frmf) et une compagnie de retraite en vertu de laquelle les footballeurs nationaux ayant joué pour des équipes de première ou de deuxième divisions du championnat marocain de football bénéficieront, à l'âge de cinquante ans, d'une pension mensuelle qui ne peut être inférieure à 4.000 DH, (à peu près 2.000 dinars tunisiens). La Fédération marocaine a aussi signé une convention avec une compagnie d'assurance pour faire bénéficier l'ensemble des joueurs évoluant aux Pro I et II, les arbitres ainsi que les cadres techniques et administratifs, de la couverture médicale.