«Il y a une ligne de fracture selon les sports qui influe sur la précocité et la qualité de la préparation d'une après-carrière». Selon leur sport, leur médiatisation, les sportifs de haut niveau ne sont pas tous armés pour anticiper correctement leur après-carrière. Insouciance, ivresse du sport business. Nombreuses sont les embûches à une deuxième vie professionnelle réussie. C'est dire combien la reconversion doit être pensée assez tôt. L'immense Chokri El Ouaer en sait quelque chose. Lui qui a passé 14 ans sans relâche au service du football tunisien. Comme il nous le confirme, la transition n'est pas aisée: «La charge de travail, des compétitions qui s'enchaînent. Sans parler de la saturation, il est important de savoir doser. Vous savez, tout est question de passion. Quant elle est intacte, rien ne peut vous perturber. Quand la lassitude intervient, ça devient plus compliqué. Et puis, un beau jour, tout s'arrête et il faut passer à autre chose. La transition n'est pas évidente bien que raccrocher les crampons, c'est inévitable. Il y a un début et une fin à tout. Anticiper, c'est prévoir. Il est d'autant plus productif d'établir des ponts entre le monde sportif et celui de l'entreprise. Un carnet d'adresses garni peut être porteur. D'autant plus que les valeurs du monde sportif (combativité, goût de l'effort...) sont fortement valorisées dans le monde de l'entreprise». Déconnecté des réalités «Dans les faits, le discours a bien plus de mal à passer chez les jeunes, notamment dans les sports médiatisés, comme le football. C'est le règne de l'insouciance quand on est jeune. Là, la responsabilité des clubs est engagée. En dépit de revenus précoces et faramineux, les jeunes doivent garder la tête sur les épaules; d'autant plus qu'au crépuscule de leur carrière, leur visibilité médiatique moins forte ne séduira pas les annonceurs. C'est là que l'implication des clubs doit prendre tout son sens. Ils doivent comprendre qu'ils ont une responsabilité sociétale quant à l'accompagnement post-professionnel de leurs joueurs. Le cas contraire, on fabrique des sportifs déconnectés des réalités. Dans le monde du sport-pro, l'après-carrière reste une question de priorités. Il y a une ligne de fracture selon les disciplines qui influe sur la précocité et la qualité de la préparation d'une après-carrière. Dans certains cas, les gains financiers plus élevés ne favorisent pas une prise de conscience face à l'importance de se constituer rapidement un capital et de se former. Penser à sa reconversion ne fait toujours pas partie de la démarche naturelle d'un sportif. C'est aussi une question de mentalité. Personnellement, comme la majorité des sportifs retraités, j'ai pris le temps de la réflexion avant de me reconvertir. Avoir des projets, c'est légitime, s'en donner les moyens, c'est une tout autre chose. Certains envisagent un changement dans la continuité (rester dans la bulle sportive). D'autres optent pour la rupture. Il n'y a pas un sport, mais des sports, avec des réalités différentes. Le problème est qu'on a cloné le même mode d'organisation pour tous. Sauf qu'il faut faire comprendre au sportif que la responsabilité qu'il a sur le terrain, il faut la prendre aussi dans la vie. D'où la nécessité de mettre en place des structures d'accompagnement. Il faut mettre le système au cœur des préoccupations. Mettre en place des mécanismes de substitution comme la commission d'aide à la reconversion créée en France. Il faut sortir des sentiers battus et des réflexions désuètes comme penser automatiquement que le sportif vivra un jour de ses rentes seulement. Malheureusement, il y a encore trop de joueurs en manque de formation qui pensent que toutes les portes vont s'ouvrir après leur carrière. Il n'y a pas de métier plus demandé qu'un autre. Il faut juste déceler quels sont les centres d'intérêts. Le monde des affaires, offre de reconversion par le club, intégration chez un sponsor, poste de consultant ou tout simplement d'entraîneur. L'important c'est d'être sûr de ce qu'on veut faire. Car les mois qui suivent l'arrêt peuvent être très durs. Quand tout s'arrête, il y a une vraie cassure».