La Tunisie et l'Algérie sont condamnées à agir ensemble afin de se prémunir contre les conséquences désastreuses qui résulteront de l'intervention militaire occidentale en Libye dont le déclenchement officiel n'attend, désormais, que la demande du gouvernement libyen Entre la Tunisie et l'Algérie, l'heure est maintenant à la réflexion commune sur la meilleure stratégie à mettre en œuvre, ensemble, en vue de faire face aux conséquences qu'aura sur les deux pays l'intervention militaire occidentale en Libye dont le déclenchement officiel est désormais une affaire de quelques jours. Dimanche 14 février, le ministre des Affaires étrangères, Khemaïes Jhinaoui, a remis au président Abdelaziz Bouteflika un message écrit de la part du président Béji Caïd Essebsi. Et la crise libyenne de figurer comme le sujet principal de l'entretien qu'a eu Khemaïes Jhinaoui avec le président algérien. Et si les deux pays ont réaffirmé leur refus de toute intervention militaire étrangère en Libye, soulignant «l'importance pour les factions libyennes de faire prévaloir le dialogue et le consensus pour rétablir la paix et la stabilité dans leur pays et préserver son unité territoriale», ce n'est plus un secret pour personne que la Tunisie et l'Algérie se préparent déjà, chacune de son côté, en vue des prochaines frappes occidentales qui toucheront la Libye. En Tunisie, on a mis un plan de veille sanitaire censé offrir les soins appropriés aux blessés de la guerre, un programme de stockage des denrées alimentaires de première nécessité dans l'objectif de répondre à la demande prévue des milliers de réfugiés (on parle de près de 2 millions) qui s'installeront sur le sol national, plus particulièrement dans les zones frontalières, une cellule nationale de veille sécuritaire chargée de veiller à ce que les terroristes «jihadistes» ne s'infiltrent parmi les flux des réfugiés et rejoignent les cellules dormantes qui attendent les instructions pour passer à l'action... Autrement dit, la Tunisie vit, depuis quelques jours, dans une atmosphère générale d'attente, de fébrilité et de mobilisation aussi bien officielle que citoyenne, puisque ce ne sont pas uniquement les ministères concernés (Défense, Intérieur, Commerce), qui évoluent au rythme des futurs bombardements des forces de la coalition occidentale. En effet, les organisations de la société civile, notamment celles se proclamant spécialisées en sécurité et en géostratégie, et les experts qui en dépendent multiplient les rencontres-débats et les apparitions TV pour décortiquer tout ce qui a trait à l'intervention armée contre la Libye aux plans militaire, logistique, politique, économique, etc. Ils passent également aux scénarios de l'après-guerre et aux résultats auxquels elle aboutirait comme s'ils savaient combien de jours ou de mois elle va durer et quels en seront les vainqueurs. «Il est impossible que les daechistes s'infiltrent en Tunisie ou en Algérie» Reste une interrogation fondamentale : qu'est-ce que l'Algérie et la Tunisie peuvent entreprendre ensemble en vue de se prémunir contre les retombées de l'intervention occidentale en Libye ? La Presse a donné la parole à l'Algérien, Khaled Ziari, ex-officier supérieur, directeur des services opérationnels de sécurité publique et de lutte antiterroriste pour la police et actuellement consultant en sécurité et expert en lutte contre le terrorisme. D'emblée, il précise : «L'intervention armée occidentale en Libye est acquise. Mais peut-on encore l'éviter. Oui, dans le cadre d'un rapport politique, ce qui est extrêmement difficile vu la complexité du problème libyen politiquement et militairement. L'Alliance occidentale attend maintenant de se couvrir de la légitimité pour intervenir et le gouvernement libyen en cours de constitution va lui accorder cette couverture». Qu'en est-il pour l'Algérie et la Tunisie ? «D'abord, les deux pays se partagent un objectif : la défense de leurs territoires. Ils se doivent de surveiller leurs frontières aux plans aérien, terrestre et de l'échange de renseignements. Ils sont condamnés à unir leurs forces et à établir une étroite collaboration en matière de renseignements. Heureusement, les deux pays ont la volonté et les moyens de le faire. Seulement, il faut avoir le courage de reconnaître que la Tunisie reste tributaire, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, de l'apport sécuritaire de l'Algérie. Et plusieurs facteurs montrent que cette approche est réaliste, dont en particulier l'expérience qu'ont acquise les forces de sécurité algériennes en traquant dix années durant les terroristes du FIS et ses différents dérivés ainsi que la force des renseignements militaires algériens, lesquels vont connaître un nouveau souffle à la suite des changements opérés ces derniers jours par le président Bouteflika à la tête de ces mêmes services», souligne Khaled Ziari. Il poursuit : «Les deux gouvernements tunisien et algérien ont fait montre d'une position ferme quant à un éventuel surpassement de la part de l'Alliance occidentale. Certains parlent de la possibilité de voir les avions de la coalition poursuivre les daechistes qui arriveront à s'infiltrer en Tunisie ou en Algérie. Rien n'autorise la coalition à les poursuivre et même si cela se produisait, l'Algérie et la Tunisie ont le droit de riposter immédiatement dès que leur sol est franchi rien que d'un centimètre. En tout état de cause, il est pratiquement impossible que les ‘‘jihadistes'' terroristes puissent s'infiltrer parmi les réfugiés civils. Et il est hors de question que les forces de la coalition envisagent de les poursuivre sous le prétexte qu'ils ont échappé à la vigilance des soldats tunisiens ou algériens postés sur les frontières communes avec la Libye».