Cet acharnement aveugle semble pousser Rached Ghannouchi à commettre des fautes qui risquent de l'enfoncer un peu plus aux yeux des Tunisiens. La nouvelle polémique portant sur le contrat de lobbying signé avec une société américaine éclabousse le mouvement dont la réputation n'était pas déjà très reluisante. Rached Ghannouchi, qui voit l'étau se resserrer autour de lui, refuse, à ce jour, d'accepter les nouvelles règles du jeu et passer le flambeau, d'abord, au sein de son mouvement. Les plus vieux compagnons, Hamadi Jebali, Ali Laârayedh, Abdelhamid Jelassi, pour ne citer qu'eux, ont jeté l'éponge, démissionné, ou bien ils se seraient résignés à rester les éternels seconds. Les plus jeunes, eux, trépignent d'impatience sans pouvoir venir à bout de la résistance du vieux cheikh. Parmi eux, Samir Dilou et Imed Hammami. Dirigeant nahdhaoui de premier rang, Hammami a exprimé le franc souhait de voir une nouvelle équipe diriger le parti Ennahdha qui soit «jeune et acceptée par l'opinion publique», espérait-il à La Presse. Il considère les décisions du Président de la République «courageuses ayant même provoqué un choc salutaire dans un pays paralysé». L'ancien ministre, qui ne se départit jamais de son calme flegmatique, considère que le parti et notamment sa direction doivent tirer les bonnes conclusions de ce qu'il a appelé «une rude épreuve par laquelle passe le parti». Samir Dilou, l'autre jeune dignitaire et vedette de la pétition des 100, fidèle à son habitude, en soufflant le chaud et le froid, a appelé Ennahdha à revoir sa politique et se réformer pour prétendre répondre aux aspirations du peuple, également à ses partisans. Il va jusqu'à condamner les appels lancés par certains dirigeants nahdaouis à l'adresse «des amis de la Tunisie» pour intervenir. Ce serait de l'ingérence, a-t-il accusé. Contrat de lobbying dans le viseur de la Justice Quittons Montplaisir pour aller au Bardo, siège du Parlement. Un cyclone a balayé la Chambre législative et ses environs. Or, Rached Ghannouchi, soutenu par les hiérarques comme Harouni, Bhiri et le cercle familial, s'y accroche éperdument. Il est vrai qu'il est difficile de renoncer facilement à une position, le perchoir, qui dominait le pays. Sauf que cet aveugle acharnement semble le pousser à commettre des fautes qui risquent fort de l'enfoncer un peu plus aux yeux des Tunisiens. La nouvelle polémique portant sur le contrat de lobbying signé avec une société américaine éclabousse le mouvement dont la réputation n'était pas déjà très reluisante. Le ministère américain de la Justice a dernièrement publié un contrat de lobbying conclu par Ennahdha, en date du 29 juillet dernier, et qui fait l'objet d'une enquête préliminaire ordonnée par le parquet tunisien. Au cœur de cette tourmente, le parti islamiste s'enlise, donc, chaque jour un peu plus. D'une valeur de 30 mille dollars, ce contrat aurait été signé quelques jours après le 25 juillet. La publication du document ayant causé une vive polémique et a forcé le parti à s'expliquer ou plutôt à nier en bloc, affirmant que la signature d'un contrat de lobbying aux Etats-Unis n'engage ni le parti, ni ses dirigeants. Lâché par la baraka Le mouvement a en outre indiqué qu'il se soumet aux règles et «procédures de la loi tunisienne. Ses comptes et contrats sont contrôlés par la Cour des comptes, assurant n'avoir signé aucun contrat de lobbying, ni par l'intermédiaire de son représentant légal, ni par l'intermédiaire d'aucune de ses institutions ou dirigeants». Or force est de constater que ce n'est pas la première affaire qui éclate au grand jour éclaboussant le parti. La Justice tunisienne enquête sur un possible financement étranger auquel auraient eu accès Ennahdha, son allié le parti de Qalb Tounès et l'association «Aïch Tounsi». Ces trois formations auraient signé, en 2019, des contrats de lobbying, s'exposant à des poursuites judiciaires. Essayant de conforter sa position, Rached Ghannouchi aurait fait pression sur certains de ses alliés étrangers pour le soutenir à mettre en échec «le plan du Président de la République». Visiblement des appels restés sans suite. La baraka semble avoir lâché le leader historique du mouvement islamiste à qui tout réussissait il n'y a pas si longtemps. A commencer par l'éviction du pouvoir de ses propres alliés politiques avant ses adversaires. Aujourd'hui, tout semble aller à contresens des volontés du cheikh. Sana Mersni, jeune dirigeante du mouvement et sa porte-parole, a confirmé la décision du Conseil consultatif de former une cellule de crise, «préparer une feuille de route et organiser des négociations avec les différents intervenants». Refusant de lâcher la moindre parcelle de pouvoir, Rached Ghannouchi a fini par présider lui-même ladite cellule de crise, censée sortir le parti de son isolement politique et apporter un souffle nouveau. Il faut le faire !