Anas Hmaidi a appelé au recensement des biens et avoirs de tous les magistrats. « J'appelle le ministère de la Justice et toutes les parties impliquées à mener une opération mains propres par la vérification et le contrôle des biens des juges. Et qu'on commence par moi-même et par les membres de l'AMT », a-t-il lancé comme un défi. L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a tiré à boulets rouges sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ainsi que sur le Conseil de l'ordre judiciaire, et ce, pour manquements et même « défaillances graves » ayant accompagné le récent mouvement dans le corps de la magistrature. C'était lors d'une conférence de presse organisée, hier matin, au siège de l'association, au palais de Justice à Tunis. L'AMT n'y est pas allée de main morte, dénonçant « une corruption qui gangrène certaines institutions judiciaires », dont notamment le CSM. Anas Hmaidi, président de ladite association, a accusé le Conseil de couvrir des pratiques illicites tels la corruption et le favoritisme. Le récent mouvement dans le corps des magistrats aurait été effectue sur la base des accointances. « Pratiques qui défient toute intention de réformer la justice », explique-t-il. Preuve à l'appui, l'AMT juge illégal le récent mouvement des magistrats, dans la mesure où il intervient en dehors des délais légaux, outre le fait qu'il soit entaché de nombreuses « défaillances graves ». A cet égard, l'AMT fait état d'une normalisation de la corruption et du manque de transparence qui entacheraient le cinquième mouvement consécutif, rappelant qu'il est du devoir du CSM de réformer la justice et de présenter un plan détaillé à cet effet. L'association dénonce également ce qu'elle considère comme une rupture « de la communication et un manque de transparence et de visibilité », dont fait preuve le Conseil supérieur de la magistrature. Valider la nomination de plus de 620 juges en deux heures ! A cet effet, Anas Hmaidi a défié le CSM de tenir une conférence de presse et de s'adresser à l'opinion publique pour exposer son programme de réforme de la justice et des différentes branches et institutions relevant du troisième pouvoir. « Le Conseil poursuit sa politique de non-transparence, il suffit de rappeler qu'il n'a jamais publié les fiches d'ancienneté ni les circulaires afin de donner plus de visibilité à ses activités. Ce manquement a pour effet d'enraciner davantage le phénomène de corruption, entre autres», a-t-il déclaré lors de cette rencontre avec les journalistes. Dans la même veine, M. Hmaidi explique que le mouvement des magistrats est devenu un outil de pression sur ces derniers. L'AMT accuse l'assemblée générale du Conseil supérieur de la magistrature de passivité et même de complicité face à ces pratiques qui minent les institutions du système judiciaire. « Comment l'assemblée générale a-t-elle pu valider ce processus décisif qu'est le mouvement dans le corps de la magistrature en seulement deux heures ? Est-il possible de valider la nomination et la promotion de plus de 620 juges en deux heures ? », s'est-il interrogé. Face à ces manquements, M. Hmaidi a appelé à opérer d'urgence un mouvement exceptionnel dans le corps des magistrats pour revoir certaines nominations complaisantes. Pour une réforme profonde de la justice L'AMT déplore les « agissements du CSM ». En effet, selon l'association, quiase veut la gardienne de l'indépendance du système judiciaire, le CSM a raté une « occasion en or » et un « contexte national historique », faisant référence aux dispositions exceptionnelles annoncées par le Président de la République, pour procéder à une refonte totale et profonde de la justice. Estimant que la corruption gangrène plusieurs branches et institutions de la justice tunisienne, l'AMT a pris l'exemple du procureur général près la Cour d'appel de Nabeul, Khaled Abbes, devenu, selon les propres termes de l'intervenant « un deuxième Taïeb Rached » (premier président de la Cour de cassation, suspendu), en déclarant que ce procureur a usé de son pouvoir, en influençant le mouvement des magistrats dans le gouvernorat du Cap Bon. Dans la foulée, Anas Hmaidi a appelé au recensement des biens et avoirs de tous les magistrats. « J'appelle le ministère de la Justice et toutes les parties impliquées à mener une opération mains propres par la vérification et le contrôle des biens des juges. Et qu'on commence par moi-même et par les membres de l'AMT », a-t-il lancé comme un défi. Autre accusation encore plus grave, l'AMT a accusé le CSM d'avoir littéralement détruit la justice transitionnelle par le biais de nominations douteuses qui seraient intervenues dans le processus pour le dévoyer. Le mouvement annuel dont il est question a concerné le corps des magistrats de l'ordre judiciaire pour l'exercice 2020-2021 et avait été annoncé le 20 août dernier. Approuvé et publié par le Conseil de l'ordre judiciaire, ce mouvement concerne 635 magistrats. Imed Khaskhoussi, membre du Conseil supérieur de la magistrature, avait précisé préalablement qu'il concerne 133 magistrats du deuxième grade, 203 magistrats du troisième grade et 299 du premier grade de la catégorie de la justice judiciaire. Mouvement gravement dénié, vous l'aurez compris !