Devenus des joueurs compulsifs, des adolescents sèchent les cours pour miser plusieurs fois par jour. Ils passent leurs journées dans les espaces sombres des publinets, les yeux rivés sur l'écran, à scruter les résultats des matchs et des tournois, dans l'espoir de remporter le jackpot Planetwin 365, c'est le nom du site des paris sportifs en ligne qui fait actuellement ravage auprès des jeunes et des moins jeunes. Ceux qui y jouent ont entre 7 et 77 ans, s'intéressent de près ou de loin au monde sportif et gagnent des centaines et même des milliers d'euros suite à un pronostic chanceux. En effet, pas besoin de maîtriser les techniques des différentes disciplines sportives pour parier sur le déroulement d'un match de foot, de tennis, de basket-ball ou sur un tournoi de cricket. On peut être totalement profane et miser sur le résultat d'un match qui oppose deux grands équipes de la Champions League comme le Real Madrid et le Barça ou sur un as du tennis. Le site fait actuellement de la concurrence au Promosport et au Tiercé. Beaucoup se sont désintéressés des bulletins et des billets de ces deux grandes sociétés de jeux pour plusieurs raisons. Outre le fait que 25% sont automatiquement prélevés sur la cagnotte gagnante et versés aux impôts, les parieurs gagnants doivent patienter une semaine pour percevoir leurs gains, notamment de la part de la sté Promosport. Le principe des paris sportifs en ligne est tout à fait différent. Tous les pronostics sont permis et les gains sont nettement plus élevés que les paris sportifs classiques. C'est en temps réel que les parieurs sont informés sur l'issue d'un match, d'un tournoi ou sur le gagnant d'une compétition de tennis, de ski, de golf ou de cricket. A la fin de l'événement sportif, ils peuvent savoir s'ils ont oui ou non remporté le jackpot. Le site est accessible sur les téléphones mobiles et les smartphones et à n'importe quel moment de la journée, il est possible de se rendre sur «Planetwin 365». Le titre affiché sur la page d'accueil du site et écrit en majuscules avec un grand point d'exclamation incite même les plus hésitants à jouer. Publinets, cafés, kiosques à journaux...tout le monde s'y met Dès le premier clic, l'aventure commence. Le parieur peut choisir soit de pronostiquer des événements sportifs qui vont avoir lieu le jour même ou sur des matchs ou des tournois qui vont se dérouler au cours des jours prochains. Cette semaine, tous les pronostics sont permis sur les matchs qui vont opposer le 1er avril prochain les équipes de la première ligue PSG-Nice, Guinganp-Montpellier, Toulouse-Caen, GFC Ajaccio-ST Etienne, Rennes-Reims, Troyes-Angers. Pour ceux qui préfèrent parier sur les matches de la Champions League, ils ont le choix entre celui qui va opposer Barcelona-Athletico Madrid, le 5 avril prochain, ou le match PSG-Manchester City qui va se dérouler le lendemain. Idem pour le tournoi de l'ATP 2016. Pour ceux qui sont intéressés par les tournois de tennis, il suffit de cliquer simplement sur le lien «tennis». Une nouvelle page apparaît à l'écran, affichant les matchs prévus dans le cadre des tournois internationaux programmés tout au long de l'année. Le parieur donne son pronostic pour plusieurs matchs en indiquant quel sera l'éventuel gagnant et en introduisant dans une case qui se trouve à droite le montant de sa mise. Un code apparaît alors. Dans la mesure où toutes les mises sont effectuées en euros et qu'il est interdit en Tunisie d'effectuer n'importe quelle transaction économique en devises, exception faite du recours à une carte technologique internationale, les parieurs s'adressent à des personnes intermédiaires — publinets, cafés, kiosques à journaux, librairies — qui, intéressés par les revenus que peuvent générer les paris en ligne, ont ouvert des comptes à l'étranger pour collecter les gains de leurs clients en euros. Comment se déroule l'opération? Le parieur se rend, muni de son code dans un publinet ou un café qui suit les paris en ligne et qui est en possession d'une carte électronique internationale avec laquelle il va pouvoir retirer et verser les gains des parieurs qui ont gagné la mise. Auparavant, les joueurs auront transmis à ces intermédiaires le montant de leur mise en dinars. Dans le cas où le pronostic s'avère juste pour l'ensemble des matchs sur lesquels ils ont parié, l'intermédiaire leur remettra directement leurs gains un jour ou deux après les résultats. Bien que cette activité soit interdite car elle génère des revenus qui ne sont soumis à aucune taxe, des publinets, des cafés ainsi que des kiosques ont en fait un fonds de commerce florissant. Sur chaque mise remportée par un joueur, l'intermédiaire prélève une commission sur l'opération de conversion en euros ou garde pour lui le bonus qui accompagne le gain du parieur. «Des publinets et des cafés vendent un euro à trois dinars, trois dinars cinq cents millimes et quatre dinars. D'autres gardent pour eux le bonus qui accompagne le gain. Cela rapporte beaucoup à un publinet qui compte parmi ses clients une centaine de parieurs», a souligné Mohamed, un jeune parieur invétéré qui joue en moyenne quatre ou cinq fois par semaine. Mehdi, la quarantaine, est également un autre joueur qui mise tous les jours quatre dinars en moyenne. Il a eu la chance un jour de remporter 360 euros soit environ 720 dinars. Son fils, âgé de 11 ans, a fini par s'y mettre aussi. Ce dernier qui joue surtout pendant les week-ends a remporté également le jackpot. «Mon fils de onze ans joue avec ses copains, ils s'associent pour ensuite se partager les gains lorsqu'ils gagnent», raconte-t-il en souriant. Des joueurs de plus en plus jeunes Attirés par ces gains faciles qui viennent arrondir leur argent de poche, des parieurs de plus en plus jeunes viennent gonfler les rangs des joueurs les plus âgés. Mais revers de la médaille, après avoir joué une seule fois, ces adolescents deviennent accros, sèchent les cours, pour passer leurs journées dans les espaces sombres des publinets, les yeux rivés sur l'écran, à scruter les résultats des matchs et des tournois. Agé de 16 ans, Ahmed est lycéen dans un des établissements scolaires d'El Mourouj 1. Cet adolescent brun et longiligne se passionne très rapidement pour le site en voyant ses camarades parier régulièrement et gagner la mise. A l'heure de la récréation, le jeune lycéen se rend souvent au publinet qui se trouve près du lycée pour jouer avec ses camarades. Il aime aussi parier pendant les week-ends et arrive à gagner de petites mises qui lui permettent de financer des petits extra comme les sorties avec les copains et les virées shopping. «Je joue lorsque j'ai terminé de réviser ou lorsque je n'ai pas cours. J'essaie de mon mieux de gérer le temps que je consacre au pari en ligne, a relevé le lycéen. Ce n'est pas le cas de mes camarades. Beaucoup sont devenus accros. Il leur arrive souvent de sécher les cours pour suivre les matchs sur lesquels ils ont parié. Certains ont, d'ailleurs, redoublé l'année dernière». L'accès à ces sites de paris sportifs en ligne est difficilement contrôlable, selon M. Sami Ghazali, responsable au ministère des Technologies et de l'Economie numérique qui a, par ailleurs, ajouté que l'analyse des transactions effectuées avec la carte technologique internationale, conçue pour permettre aux personnes intéressées de faire des emplettes sur des sites étrangers, a révélé que 40% de ces transactions ont servi, entre autres, à des activités économiques illégales liées aux paris sportifs en ligne, au cours des deux premiers mois du lancement de la carte. «Actuellement, cette carte est utilisée pour des transactions économiques légales et répond aux objectifs initiaux, a poursuivi M. Ghazali. Il faut investir de façon continue pour atteindre un niveau de contrôle avancé. Cela n'est pas évident à l'ère du digital». Comme quoi, les paris sportifs en ligne ont de beaux jours devant eux...