Logement social : Saïed donne le feu vert à des mesures historiques    Routes et ponts : le ministère met les bouchées doubles pour 2025    Japon : plus de 1 800 secousses enregistrées en 3 semaines dans les îles Tokara    L'UNESCO inscrit deux nouveaux sites culturels en Afrique sur la Liste du patrimoine mondial    Détenu de Gafsa, FTDES, ambassade d'Italie…Les 5 infos de la journée    Trump relance la guerre commerciale, les Bourses plongent    Information importante pour notre clientèle: Changement au sein de notre réseau d'agents    Rendez-vous payants pour visas : l'ambassade d'Italie dénonce des pratiques frauduleuses    Atef Ben Hassine prédit un « séisme de mesures » pour le 25 juillet    Conférence internationale sur le rôle des forces armées dans la protection des civils: Adoption de la Déclaration de Tunis    Le ministère de l'Agriculture fera appel à des sociétés étrangères pour des forages géothermiques à Kébili    Records de pluie à Kélibia, vent extrême à Kébili : mai 2025 sous l'effet du changement climatique    Enseignement de base : Lotfi Belghouthi exclut tout boycott de la rentrée scolaire    Hamoud Boualem rachète Rouiba et écarte le français Castel    Rendez-vous visa : l'Ambassade d'Italie met en garde contre les arnaques payantes    Incendie national : les colibris s'épuisent, les charognards festoient    11 juillet 2005/ 11 juillet 2025 : Srebrenica, le devoir de mémoire face à l'oubli    Grève des agents de la Steg : la réunion de conciliation reportée au 14 juillet    Le FTDES convoqué par la direction des impôts dans le cadre d'une enquête judiciaire    Superman Trump : plus fort que la réalité !    Balance commerciale : déficit de plus de 9,9 milliards de dinars au premier semestre de 2025    4 ans de prison et plus de 5 millions de dinars d'amende pour Lazhar Sta    Séismes au Guatemala : 200 répliques et des centaines de sinistrés    Le Club Africain face à de nouvelles turbulences financières    Programme officiel de la 37e édition du Festival international de Nabeul    Pollution des plages Tunisiennes : le président Kais Saied hausse le ton et menace de dissoudre l'APAL    Tunisie – Bac 2025 : taux général de réussite pour les 2 sessions principale et de contrôle    Coopération technique : sur les 3 000 compétences tunisiennes recrutées, un tiers retournent au pays    Villages SOS : plus de 67% de taux de réussite au baccalauréat    L'INM alerte sur des rafales de vent et des phénomènes orageux isolés    La Fédération de la jeunesse et de l'enfance met fin au boycott des activités estivales    Langues, taux faibles et réforme : le diagnostic de Zakaria Dassi après le bac    Hend Mokrani : il devient très difficile de programmer des artistes internationaux en raison de leurs positions relatives à la Palestine    Patrouiller et saluer les gens ne suffit pas pour rassurer les populations civiles : il faut les écouter, les informer et mériter leur confiance (Album photos)    Netanyahu propose une trêve pour désarmer Gaza… ou l'écraser    CS Sfaxien : Trois renforts étrangers pour renforcer l'effectif    Juin 2025 : la Tunisie parmi le top 10 africain selon le classement FIFA    Festival de Carthage : Mekdad Sehili dénonce l'utilisation de son nom sans accord    UNESCO : Trois sites africains retirés de la Liste du patrimoine mondial en péril    Abdelaziz Kacem: Vulgarité, mensonge et gangstérisme    Attijari Bank signe la plus belle publicité qui touche le cœur des Tunisiens de l'étranger    Habib Touhami: François Perroux, l'homme et le penseur    Mercato : Le Club Africain renforce sa défense avec Houssem Ben Ali    Nor.be et l'Orchestre de Barcelone font vibrer Dougga entre tradition et création    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie - Walid Boudhiaf établit un nouveau record national à -118 mètres    Diogo Jota est mort : choc dans le monde du football    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« Jeu » joue !
FLEAU
Publié dans Le Temps le 30 - 11 - 2009

Ils sont discrets, secrets même, les parieurs tunisiens, les «Qammaras » qui s'adonnent aux paris risqués, qui soufrent d'une addiction, d'une forte dépendance. Joueurs et plus rare joueuses, ont un point commun : la honte de cette addiction, de ce vice plus ou moins caché. Il y a une heure précise, celle où ils deviennent nerveux, irritables : c'est l'heure des courses sur les hippodromes français.
En fait, cela commence dès le matin avec une foule bigarrée globalement estimée à cinq mille personnes dans le grand Tunis : il y a là des petits fonctionnaires, des ouvriers, des artisans modestes des maçons et des peintres en bâtiments qui ne savent même pas lire... Ils tentent tous de décoder des feuilles dactylographiées, toujours les mêmes depuis des décennies. On y trouve les courses du jour, les noms des chevaux, des jockeys, des entraineurs...
Et il y a des spécialistes qui semblent connaître les futurs gagnants et qui conseillent les parieurs avec beaucoup de zèle, puisqu'ils peuvent être rétribués en cas de gain. C'est à se demander pourquoi ils ne parient pas eux-mêmes, tant ils sont sûrs de donner le tiercé ou le quinté dans l'ordre. Puis vient le moment où il faut se décider à cocher les cases qui rapporteront une fortune...

Des conséquences graves
Cela se déroule dans certains cafés et autres bars mal famés où de mystérieux personnages inscrivent des chiffres sur de petits bouts de papier, des tickets mal découpés, remplis de chiffres mal écrits puis ils encaissent des sommes relativement importantes qu'ils cachent rapidement au fond de leurs poches, le regard toujours inquiet...
Et se déroule la course et la plupart des joueurs perdent leur mise. Une situation qui a fait dire à un humoriste à propos de ces paris à distance : « les chevaux courent en France et les ânes parient à Tunis. » Ils retournent alors chez eux où ils passeront leurs nerfs sur leur femme et leurs enfants qu'ils privent de tout : argent, amour et attention...
Mais il n'y a pas que les courses : d'autres jeux attirent les jeunes aujourd'hui. C'est ainsi que l'an dernier, près d'un demi million de tunisiens ont joué au fameux Promosport, ce jeu de pronostics sur les résultats des matches de foot qui se déroulent en Tunisie et ailleurs... Durant Ramadan, c'est dans les maisons et dans les cafés que l'on parie en jouant aux cartes par petits groupes, discrètement, dans une parfaite illégalité...
Conséquence de l'addiction selon un sociologue, c'est que « en plus des habituels drames sociaux et familiaux que cette addiction crée, les jeux de hasard risquent de déprécier la valeur du travail et de l'effort et c'est que nous constatons aujourd'hui chez une partie de la jeunesse. Ils vivent dans l'espoir de faire un « coup », de gagner à un jeu, de réussir dans la chanson grâce au système de la Nouvelle Star ou à un rôle dans un feuilleton TV. »

Des témoignages émouvants
Quelques hommes et une seule femme nous ont apporté leur témoignage sous le sceau du secret. La plus sombre histoire est celle de ce quadragénaire, simple standardiste dans une grande société qui avoue, gêné : « Je suis arrivé dans cette obsession du jeu sans même m'en apercevoir et je me suis mis à avoir des crises, avec tremblements et sueurs. J'ai englouti une fortune entre courses de chevaux, Promosport et jeux de cartes. Il m'est arrivé de faire des chèques sans provision, d'emprunter de l'argent à mes proches sans jamais le rendre, à vendre le peu de choses que j'avais acheté, comme ma télé, mon frigo ou mon portable. » Son calvaire et celui de sa famille continue encore aujourd'hui...
La dame qui s'est confiée à nous est une technicienne dans un laboratoire, qui a appris à jouer aux courses grâce à l'un de ses collègues. Elle cochait les chiffres au hasard, mais c'est lui qui allait déposer les tickets au café du coin. « Cela a duré plusieurs années et m'a coûté plusieurs milliers de Dinars. Depuis j'ai rencontré l'homme de ma vie avec qui je suis mariée et j'ai eu deux enfants et tout cela s'est arrêté. Du coup, je ne peux même plus voir des chevaux courir à la télévision ! »
Autre joueur invétéré : c'est un ancien banquier à la dérive, qui pense que son addiction est « le résultat d'un conflit avec mes parents qui date de l'adolescence. Je cherchais alors toutes les formes d'automutilation, de destruction physique et psychique. J'avais très peu de recul sur ma vie et sur les conséquences de mes actes. C'était comme une drogue : j'étais accro et je l'ignorais. » Il s'est alors permis de détourner des sommes de plus en plus importantes qu'il comptait rembourser en gagnant aux cartes, jusqu'à ce que ses manigances soient découvertes, avec un renvoi définitif à la clé...
Le plus dramatique c'est un ancien commerçant qui gagnait très bien sa vie et qui s'est mis à jouer aux cartes, perdant peu à peu ses nombreuses propriétés, ses belles voitures, son niveau de vie et enfin sa belle villa. Il loue aujourd'hui une petite chambre sur les toits, au centre ville, après avoir été abandonné par sa femme et ses enfants. « Je suis au bord du suicide et je m'en veux à mort d'avoir tout raté, mais je n'y peux rien ! C'est une maladie dont je ne peux guérir, un vice que je subirais toute ma vie... »
Le plus pénible dans l'addiction au jeu, c'est la souffrance de l'entourage du joueur, qui vit le drame de manière assez poignante. Une jeune fille évoque ce qu'elle et sa mère ont vécues : « on ne savait pas comment réagir, on se sentait impuissantes et on souffrait beaucoup de cette situation dans laquelle nous étions entraînées malgré nous. »

Les conseils du « psy »
Un psychologue affirme que les parents des joueurs finissent par « ne plus supporter ses mensonges, ses promesses qu'il ne tiens jamais. Ils savent qu'ils ne peuvent pas lui faire confiance et ont toujours des doutes sur ses promesses. Ils vivent dans la crainte de découvrir de nouvelles dettes qu'il a contractées en secret ils font tout pour trouver des solutions à la situation financière catastrophique de la famille »
Et notre psy qui a eu l'occasion de travailler sur le sujet lorsqu'il était étudiant en France d'avancer quelques conseils aux proches : « ne restez pas seul avec ce problème et demandez l'aide d'un spécialiste. N'acceptez pas qu'il vous culpabilise mais ne le culpabilisez pas non plus. Et surtout ne payez pas ses dettes. Encouragez-le à parler et à dire ce qu'il ressent et essayez de trouver des loisirs ou des activités loin du lieu où il joue. Essayez de vous protéger financièrement et rompez votre isolement en vous confiant à vos proches. »
Un proverbe tunisien pour finir, qui vous donnera une idée précise sur la manière dont nos ancêtres jugeaient les obsédés du jeu. Ils disaient : « Elf khammar khir min qammar » (mille alcooliques valent mieux qu'un joueur). Et tout le monde sait que la sagesse populaire a toujours raison...


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.