La Tunisie et le vide des mots    Leoni Tunisie lance le photovoltaïque et réduit sa facture d'électricité de 40%    Le Groupe chimique tunisien investit 140 millions de dinars dans des projets environnementaux à El Mdhilla    Octobre Rose : l'Association Ahna Maak se mobilise pour la prévention du cancer du sein    Météo : Températures Agréables et Ciel Partiellement Nuageux en Tunisie    Gabès, Ahmed Souab, Riadh Mouakher… Les 5 infos de la journée    Les forces de l'occupation ont annoncé la libération de 1966 prisonniers palestiniens    Complexe Chimique de Gabès : début des opérations de diagnostic par une équipe conjointe d'inspection de l'industrie et de l'environnement    Gabès : 26 élus du Conseil national des régions se solidarisent avec la population et réclament un plan d'urgence environnemental    Gestion des déchets : vers la création de quatre unités de valorisation dans le Grand Tunis    Reprise du train matinal entre Le Kef et Tunis à partir du 14 octobre    Usage de la langue des signes dans divers domaines: un projet de loi à l'étude    Nouveau système en Europe : votre façon de voyager va changer    Khaled El-Enany élu à la tête de l'UNESCO avec un soutien record    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Signature d'une lettre de mandat entre l'UBCI et la BERD pour la mise en place d'une ligne de crédit verte    Calme précaire à Gabès après une vague de protestations... les habitants attendent une réaction de l'Etat    Thon rouge : vers une réforme pour protéger les petits pêcheurs tunisiens    Jugement de non-lieu en faveur de l'ancien ministre de l'Environnement, Riadh Mouakher    Bou Salem : Khadija, 56 ans, emportée par la crue de l'oued Dzira    Choc en Tunisie : près de la moitié des enfants ont déjà essayé de fumer, ne serait-ce qu'une seule fois    Ciel voilé par moments et températures inchangées ce lundi    Testour se prépare pour la 9e édition du Festival de la Grenade !    Festival International du Film du Caire: sept films tunisiens en compétition    MENA Rock Festival 2025 : Tunis fait vibrer le monde au rythme du rock et du métal (line up)    Le festival Vues sur les Arts revient pour une 6ème édition à l'Agora La Marsa et l'Agora Djerba    Choisir l'Etat, pas l'entourage    « Des ministères complices du désastre écologique à Gabès » : l'accusation du député Abdessalem Dahmani    Cinquante milliards de dollars, c'est ce que coûtera la reconstruction de Gaza    Selon une étude canadienne, l'utilisation excessive des écrans nuit aux résultats scolaires    Règlements : ce qu'il faut savoir sur les contrats des joueurs professionnels    L'ailier dribbleur des Aigles de Carthage : Elias Saâd, le booster offensif    La dernière impression compte...    La France a un nouveau gouvernement    L'ONU : Réforme indispensable ou réforme impossible ? Un ouvrage collectif qui servira de référence    Document – La conférence de l'Ambassadeur Ahmed Ounaïes sur « L'ordre régional et international de notre temps »    Lassad Yakoubi : l'arrestation qui interroge    Douze sculpteurs en exposition collective : Mémoire de la main (Album photos)    Contrôle aux frontières simplifié et sécurisé : le système EES arrive    Sidi Bou Saïd parmi les 10 plus beaux villages blancs du monde !    Tunisie : Le film "Le Pont" de Walid Mattar primé au Festival du Film Arabe de Fameck    Un avocat célèbre poursuivi pour blanchiment d'argent et corruption    Tunisie : lancement d'un projet ambitieux de modernisation du Colisée d'El Jem    Hend Chaouch : 30 ans de passion et d'audace au cœur du désert tunisien    Jamila Boulakbeche explose les records tunisien et arabe à Martigues    Tunisie vs São Tomé-et-Principe : guide complet pour regarder la rencontre    Tunisie : Amal Fattoum nommée à la tête de la Pharmacie centrale en remplacement de Chokri Hammouda    Cette image de Ronaldo avec un keffieh et le drapeau palestinien est générée par IA    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« Jeu » joue !
FLEAU
Publié dans Le Temps le 30 - 11 - 2009

Ils sont discrets, secrets même, les parieurs tunisiens, les «Qammaras » qui s'adonnent aux paris risqués, qui soufrent d'une addiction, d'une forte dépendance. Joueurs et plus rare joueuses, ont un point commun : la honte de cette addiction, de ce vice plus ou moins caché. Il y a une heure précise, celle où ils deviennent nerveux, irritables : c'est l'heure des courses sur les hippodromes français.
En fait, cela commence dès le matin avec une foule bigarrée globalement estimée à cinq mille personnes dans le grand Tunis : il y a là des petits fonctionnaires, des ouvriers, des artisans modestes des maçons et des peintres en bâtiments qui ne savent même pas lire... Ils tentent tous de décoder des feuilles dactylographiées, toujours les mêmes depuis des décennies. On y trouve les courses du jour, les noms des chevaux, des jockeys, des entraineurs...
Et il y a des spécialistes qui semblent connaître les futurs gagnants et qui conseillent les parieurs avec beaucoup de zèle, puisqu'ils peuvent être rétribués en cas de gain. C'est à se demander pourquoi ils ne parient pas eux-mêmes, tant ils sont sûrs de donner le tiercé ou le quinté dans l'ordre. Puis vient le moment où il faut se décider à cocher les cases qui rapporteront une fortune...

Des conséquences graves
Cela se déroule dans certains cafés et autres bars mal famés où de mystérieux personnages inscrivent des chiffres sur de petits bouts de papier, des tickets mal découpés, remplis de chiffres mal écrits puis ils encaissent des sommes relativement importantes qu'ils cachent rapidement au fond de leurs poches, le regard toujours inquiet...
Et se déroule la course et la plupart des joueurs perdent leur mise. Une situation qui a fait dire à un humoriste à propos de ces paris à distance : « les chevaux courent en France et les ânes parient à Tunis. » Ils retournent alors chez eux où ils passeront leurs nerfs sur leur femme et leurs enfants qu'ils privent de tout : argent, amour et attention...
Mais il n'y a pas que les courses : d'autres jeux attirent les jeunes aujourd'hui. C'est ainsi que l'an dernier, près d'un demi million de tunisiens ont joué au fameux Promosport, ce jeu de pronostics sur les résultats des matches de foot qui se déroulent en Tunisie et ailleurs... Durant Ramadan, c'est dans les maisons et dans les cafés que l'on parie en jouant aux cartes par petits groupes, discrètement, dans une parfaite illégalité...
Conséquence de l'addiction selon un sociologue, c'est que « en plus des habituels drames sociaux et familiaux que cette addiction crée, les jeux de hasard risquent de déprécier la valeur du travail et de l'effort et c'est que nous constatons aujourd'hui chez une partie de la jeunesse. Ils vivent dans l'espoir de faire un « coup », de gagner à un jeu, de réussir dans la chanson grâce au système de la Nouvelle Star ou à un rôle dans un feuilleton TV. »

Des témoignages émouvants
Quelques hommes et une seule femme nous ont apporté leur témoignage sous le sceau du secret. La plus sombre histoire est celle de ce quadragénaire, simple standardiste dans une grande société qui avoue, gêné : « Je suis arrivé dans cette obsession du jeu sans même m'en apercevoir et je me suis mis à avoir des crises, avec tremblements et sueurs. J'ai englouti une fortune entre courses de chevaux, Promosport et jeux de cartes. Il m'est arrivé de faire des chèques sans provision, d'emprunter de l'argent à mes proches sans jamais le rendre, à vendre le peu de choses que j'avais acheté, comme ma télé, mon frigo ou mon portable. » Son calvaire et celui de sa famille continue encore aujourd'hui...
La dame qui s'est confiée à nous est une technicienne dans un laboratoire, qui a appris à jouer aux courses grâce à l'un de ses collègues. Elle cochait les chiffres au hasard, mais c'est lui qui allait déposer les tickets au café du coin. « Cela a duré plusieurs années et m'a coûté plusieurs milliers de Dinars. Depuis j'ai rencontré l'homme de ma vie avec qui je suis mariée et j'ai eu deux enfants et tout cela s'est arrêté. Du coup, je ne peux même plus voir des chevaux courir à la télévision ! »
Autre joueur invétéré : c'est un ancien banquier à la dérive, qui pense que son addiction est « le résultat d'un conflit avec mes parents qui date de l'adolescence. Je cherchais alors toutes les formes d'automutilation, de destruction physique et psychique. J'avais très peu de recul sur ma vie et sur les conséquences de mes actes. C'était comme une drogue : j'étais accro et je l'ignorais. » Il s'est alors permis de détourner des sommes de plus en plus importantes qu'il comptait rembourser en gagnant aux cartes, jusqu'à ce que ses manigances soient découvertes, avec un renvoi définitif à la clé...
Le plus dramatique c'est un ancien commerçant qui gagnait très bien sa vie et qui s'est mis à jouer aux cartes, perdant peu à peu ses nombreuses propriétés, ses belles voitures, son niveau de vie et enfin sa belle villa. Il loue aujourd'hui une petite chambre sur les toits, au centre ville, après avoir été abandonné par sa femme et ses enfants. « Je suis au bord du suicide et je m'en veux à mort d'avoir tout raté, mais je n'y peux rien ! C'est une maladie dont je ne peux guérir, un vice que je subirais toute ma vie... »
Le plus pénible dans l'addiction au jeu, c'est la souffrance de l'entourage du joueur, qui vit le drame de manière assez poignante. Une jeune fille évoque ce qu'elle et sa mère ont vécues : « on ne savait pas comment réagir, on se sentait impuissantes et on souffrait beaucoup de cette situation dans laquelle nous étions entraînées malgré nous. »

Les conseils du « psy »
Un psychologue affirme que les parents des joueurs finissent par « ne plus supporter ses mensonges, ses promesses qu'il ne tiens jamais. Ils savent qu'ils ne peuvent pas lui faire confiance et ont toujours des doutes sur ses promesses. Ils vivent dans la crainte de découvrir de nouvelles dettes qu'il a contractées en secret ils font tout pour trouver des solutions à la situation financière catastrophique de la famille »
Et notre psy qui a eu l'occasion de travailler sur le sujet lorsqu'il était étudiant en France d'avancer quelques conseils aux proches : « ne restez pas seul avec ce problème et demandez l'aide d'un spécialiste. N'acceptez pas qu'il vous culpabilise mais ne le culpabilisez pas non plus. Et surtout ne payez pas ses dettes. Encouragez-le à parler et à dire ce qu'il ressent et essayez de trouver des loisirs ou des activités loin du lieu où il joue. Essayez de vous protéger financièrement et rompez votre isolement en vous confiant à vos proches. »
Un proverbe tunisien pour finir, qui vous donnera une idée précise sur la manière dont nos ancêtres jugeaient les obsédés du jeu. Ils disaient : « Elf khammar khir min qammar » (mille alcooliques valent mieux qu'un joueur). Et tout le monde sait que la sagesse populaire a toujours raison...


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.