Une onzième année de perdue, j'allais écrire une énième. Aujourd'hui, et à cause des terribles conflits et dysfonctionnements qui sont en train de détruire l'Etat et d'effriter la société, l'échec de la transition politique, censée remettre le pays sur les rails, est consommé, et ce, à côté de celui fracassant de la transition économique. Nous voilà au bord du précipice. Celui, comme nous n'avons jamais cessé de le répéter, de la faillite totale, politique, économique, sociale, morale et culturelle. Avec un pouvoir de fait à la tête de l'Etat et les diktats du FMI, à nos portes, nous nous acheminons, en effet, aujourd'hui, vers des situations catastrophiques dues à des mesures qui vont être atrocement douloureuses, car du genre «chirurgie de guerre». Onze ans après le fameux janvier 2011, nous avons perdu un temps précieux qui aurait pu servir aux réformes nécessaires et aussi pour concevoir et mettre en place un nouveau modèle de développement et pour construire le vrai citoyen. Nous sommes, donc, en plein dans une situation politique, sociale et économique catastrophique avec un peuple désorienté à bout et un pouvoir qui, depuis le 25 juillet dernier, se confond avec une seule personne. Une personne, hélas, dépourvue de toute expérience au sein des structures de la société, qui ne possède aucune compétence managériale, diplomatique et autres nécessaires pour son poste ni aucun programme, ni aucun parti qui se respecte pouvant l'aider, qui veut tout diriger, y compris notre manière de penser. Une personne qui a profité de ses pouvoirs constitutionnels sur les armes. Une personne qui a toujours refusé tout dialogue et toute institution démocratiquement élue et qui a annulé la Constitution qui lui avait permis de se présenter, celle qu'il avait juré de respecter et qui, aujourd'hui, est dans un sale pétrin et nous avec. La situation d'avant le 25 juillet était infecte, elle est devenue aujourd'hui plus que pourrie. En réalité, nous avons perdu un temps fou et de précieuses occasions pour devenir un vrai pays émergent, d'abord au cours des dix années qui avaient précédé 2021 et aussi les cinquante d'avant-2011. A cause de la dictature qui a vu le jour en 1956 et tombée en janvier-février 2011, puis à cause de celle du «tout et maintenant» que chaque frange de la société a exercé, à sa manière et pour ses propres intérêts, non toujours propres. Des changements rapides, majeurs ont, à cause de politiques publiques mal étudiées et mal conduites, commencé, depuis des décennies, à transformer la société d'une manière ayant abouti à l'aggravation des problèmes hérités de la période coloniale effective et l'apparition d'autres encore plus graves. D'où l'accumulation des dysfonctionnements et des anomalies.Infantilisé et castré, notre peuple est devenu alors très passif et le plus souvent oisif. Un peuple dont une bonne partie est composée de fonctionnaires et de salariés du secteur public, ronronnant sous la couverture de la sécurité de l'emploi et des congés payés et dont la tête et le cœur penchent en général pour tout ce qui vient de l'extérieur, et une autre, toujours grandissante, vivant dans la précarité et la pauvreté. Un peuple composé en grande partie d'éternelles victimes de ceux qui contrôlent les points d'accès à tous types de pouvoir, celui de l'argent, celui de contraindre par la loi, celui des circuits des informations, celui des connaissances, celui des opinions, etc.Le mal-développement, résultat des pseudo-politiques économiques sociales et culturelles mises en œuvre depuis 1956, ayant abouti à la quasi-faillite du pays en 1986, les puissances occidentales avaient, sous anesthésie générale, décapité l'Etat grâce au fameux coup d'Etat du 7 novembre 1987. Cela afin de permettre aussi bien l'application des consignes du FMI que la préparation du processus d'Oslo afin de diluer la cause palestinienne.Il y a eu alors le désengagement de l'Etat, le démembrement des secteurs vitaux, la domestication des syndicats, la destruction de notre appareil de production de l'intelligence de la créativité et des compétences et une plus grande ouverture commerciale aux dépens de notre appareil productif. Le régime novembriste avait alors mis en place la mafia connue, sous l'œil complaisant de l'Occident, occupé alors à détruire le Proche-Orient et à lutter contre un terrorisme qu'il avait lui-même créé de toutes pièces dans sa guerre contre le bloc de l'Est. Résultat, aggravation de notre dépendance humiliante à tous les niveaux. Dépendance politique, économique, y compris le volet alimentaire, industriel, artisanal et technologique, culturel, sécuritaire, etc. et régression flagrante dans tous les domaines ou presque, avec la perte de deux niches à haute valeur ajoutée, le tourisme de santé et l'enseignement supérieur pour étrangers. Oui, le peuple voulait, en janvier 2011, «provoquer la chute du régime». Celui-ci a, hélas, tenu bon, et il a pris d'autres formes, car l'élément humain n'a pas changé. Mais sans aucune éducation efficace ni aucun encadrement valable depuis la naissance, l'élément humain, livré à lui-même, est devenu, pour une large majorité, un sournois et pernicieux parasite, un énorme fardeau, pire, une terrible tare pour toute activité fructueuse. (*)VII et fin