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Dans la gueule du mal-développement
Emprise sur l'entreprise
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 01 - 2012


Par Foued ALLANI
Nécessité suprême, gigantesque challenge, problème à résoudre à la racine. Autant de repères pour rappeler encore une fois qu'un nouveau modèle de développement est à inventer pour notre pays. Car durant ces 55 dernières années d'indépendance, la Tunisie a souffert des effets d'un modèle rafistolé à base d'arrangements et de bricolages qui prétendait lui permettre de se soustraire au sous-développement mais qui n'a réussi, hélas, qu'à la pousser dans la gueule du mal-développement.
Résultat : naissance d'un système miné par les dysfonctionnements de tous genres ayant abouti à un formidable gaspillage (hémorragie des énergies et des ressources «spontanées», à faible débit, mais continu dans le temps), qui lui-même a conduit à un pillage organisé de ces énergies et ces ressources (haut débit en un court laps de temps). Le tout à la faveur d'une série d'impostures aussi bien fondamentales que conjoncturelles plus ou moins définissables (voir: «Gaspillages, impostures et pillages» : supp économie - La Presse du 18 janvier 2012). Un temps fou a été donc perdu ainsi que d'autres ressources aussi précieuses.
Ce système a commencé à se craqueler depuis des décennies, en témoignent les crises répétitives qu'a connues le pays depuis déjà plus de 40 ans. Aujourd'hui, il est en ruine et il est urgent de lui donner le coup de grâce et de le démolir en entier de peur d'utiliser certains de ses fondements dans le nouvel édifice à construire.
Plus nous prenons soin à approfondir l'analyse des causes ayant donné naissance à notre mal-développement, mieux seront les solutions qui aboutiront à la construction d'un modèle de développement plus sain et plus efficient. (voir : «L'auto-analyse, sinon l'autolyse» supp. Economie - La Presse du 11 janvier 2012), où le politique ne pourra se positionner en force dominante par rapport au culturel, au social et à l'économique.
La nébuleuse des dysfonctionnements
Nous avons déjà décrit très succinctement les grandes lignes du mal-développement dont nous sommes victimes. Il est cependant nécessaire et utile d'y revenir avec plus de détails.
Le mal-développement, c'est entre autres ce paradoxe de l'amélioration notable de l'espérance de vie et de la diminution visible de la productivité absolue par habitant (chômage, travail précaire, productivité relativement faible à cause de la pauvreté, de la mauvaise qualité des conditions de travail, de l'alimentation, du transport, etc.) ainsi que la mauvaise qualité de cette vie qui s'allonge. C'est aussi l'amélioration des indices staturo-pondéraux des individus qui ne s'accompagne souvent pas d'une amélioration des performances intellectuelles et créatives.
C'est également l'augmentation des disparités entre les catégories sociales selon les indicateurs choisis (augmentation du pouvoir d'achat avec affaiblissement du taux de fécondité et vice-versa par exemple).
C'est d'un autre côté l'écart flagrant entre les régions d'un côté et entre les zones d'une même région, voire entre les quartiers d'une même ville, d'un autre.
Le mal-développement se caractérise aussi par une consommation non seulement supérieure à la production mais aussi et surtout en inadéquation par rapport à celle-ci, les besoins quantitatifs et qualitatifs atteignent ainsi ceux des sociétés de consommation les plus avancées alors que la production, elle, régresse en quantité et en qualité par rapport à celle desdites sociétés.
Au lieu d'utiliser les technologies de l'information et de la communication (TIC) pour produire, comme ce qui est fait dans les sociétés avancées, les sociétés souffrant de mal-développement les utilisent le plus souvent pour bavarder et se distraire (perdre du temps et oublier les problèmes au lieu d'essayer de les résoudre).
Exemple parmi tant d'autres pouvant illustrer ce fléau, cela sans oublier la faillite des systèmes, scolaire, de sécurité, de santé, de la justice et de solidarité sociale.
Bref, les énergies sont ainsi gaspillées puis transformées en violence. Celle qui va détruire la société de l'intérieur (conflits internes) et celle qui va retomber sur les individus car ne pouvant atteindre les pouvoirs (effet boomerang). Des dysfonctionnements eux-mêmes résultats d'autres encore plus profonds.
Au départ, une mauvaise décolonisation. Tous les pays comme le nôtre ayant été victimes du colonialisme en ont souffert. Dans notre cas, la décolonisation s'est accompagnée d'une petite révolution politique ayant donné naissance, chose formidable et heureuse, à la République.
La réalité a été tout autre car cette république s'est avérée être une vraie dictature avec comme corollaire la formation d'un groupe dominant, contrôlant toute la vie publique et se partageant les dividendes de celle-ci. Même les miettes étaient utilisées pour assurer la dépendance des laissés-pour-compte à cette caste privilégiée.
Un groupe dominant basé sur un hallucinant enchevêtrement d'alliances personnelles, familiales, de récompense et d'appât. Bref, un formidable système à base de népotisme, de clientélisme et d'opportunisme où le pillage est la règle.
Se targuant de lutter contre le tribalisme, le groupe dominant n'a fait que recréer le régionalisme larvaire basé sur l'antinomie du pôle et de la périphérie (al hadhira wal afaq) d'un côté et du citadin et du rural de l'autre. Résultat : une société fragmentée où stéréotypes et blocages divers se sont érigés en vrais idéaux et règles de conduite.
Cela n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de la politique de modernisation prônée par Bourguiba qui, parce que forcée, non planifiée et manquant de relais (les vrais leaders écartés ou éliminés progressivement), n'a été que superficielle. Conséquence : une société traditionaliste (dans le sens obsolète et anachronique du terme) dans un emballage moderne. Exemple : un Etat doté d'institutions, de lois et de structures administratives, mais qui fonctionne avec une mentalité archaïque, c'est-à-dire qu'il est au service de ceux qui le contrôlent et non au service du «citoyen» (celui-ci n'est d'ailleurs pas encore né).
Autre exemple : la femme qui a obtenu tous ses droits ou presque mais qui reste, dans l'imaginaire social, dominée par l'archaïsme, un objet, un outil, un jouet. La femme tunisienne se voit ainsi se tuer dans le travail rémunéré mais aussi dans les charges ménagères. Pire, on lui souffle systématiquement et cyniquement que c'est bien fait pour elle puisqu'elle veut devenir libre.
Mal dans nos têtes
La mauvaise décolonisation a non seulement remplacé le colonisateur et le «makhzen» (famille régnante et alliés) par le groupe dominant Etat-parti-raketteur, mais elle a aussi ancré et approfondi la dépendance culturelle et économique vis-à-vis de l'ancien colonisateur.
Ce dernier n'a fait que régresser sur tous les plans depuis ces trente dernières années, et qui a été le seul gagnant de cette relation de dépendance qui s'érige en écran opaque entre nous et la langue anglaise et la culture anglo-saxonne d'une façon générale et entre nous et les mille et un marchés fructueux à travers le monde. L'évacuation militaire a été suivie, il est vrai, de l'évacuation agraire mais jamais de l'évacuation culturelle et de celle économique. C'est le contraire qui a eu lieu. Ajoutons à cela la dévalorisation à outrance des repères nationaux avec des élites occidentalisées et des masses sous l'influence du Machreq.
Que s'est-il passé donc depuis l'Indépendance et jusqu'à nos jours? En plus d'un peuple parlant une langue bâtarde ne pouvant jamais devenir un outil de réflexion car étant un sous-produit culturel, pire un monstre, donc stérile par définition, nous avons eu droit à une piètre copie du modèle français caractérisé par l'étatisme, le juridisme, le nombrilisme, le pessimisme et l'intellectualisme. Un mimétisme qui non seulement nous coûte très cher mais qui nous empêche aussi de résoudre nos problèmes en partant de notre réalité propre et de nos ressources à nous.
Cherche citoyen désespérément
La dictature née avec la mauvaise décolonisation, en créant le monstre déjà cité (le système qui s'est effondré), a par la même occasion tué dans l'œuf le projet de «citoyen tunisien». Un être qui, en général ,a les pieds en Tunisie, mais consciemment ou inconsciemment le cœur et la tête ailleurs. Un être écrasé par tous genres de pouvoirs. Un être dominé par la terreur fictive et effective. Un être qui se sent étranger dans son pays. Impuissant face à une administration sourde, muette, lourde, coûteuse et souvent absurde (exemple, pour se réinscrire dans une faculté, l'étudiant qui a réussi son examen dans la même faculté doit fournir dans son dossier une attestation de réussite). Impuissant face aux revendeurs ou prestataires de service, face à toute structure, toute entité, même celle qu'il a lui-même choisie ou élue (le simple adhérent d'une petite association est souvent impuissant face au bureau directeur qu'il a lui-même élu).
Bref, le Tunisien n'a jamais pu être un acteur. Même en faisant éclater sa révolution, il se sent aujourd'hui dépassé par les événements et surtout par ceux qui se sont proposés d'eux-mêmes de les créer ou de les gérer. Le Tunisien est aujourd'hui en train d'assister plus ou moins passivement à la naissance d'un nouveau groupe dominant qui risque de remplacer l'ancien.
Or, ce «citoyen», en mal de reconnaissance, dominé, écrasé depuis l'épicier du coin et jusqu'au maire, au délégué, au gouverneur, au ministre et au chef de l'Etat, en passant par l'agent de police, le receveur du bus, l'instituteur, le banquier et autres, et qui sont, à leur tour, chacun écrasés de la meilleure façon possible, ne peut jamais se sentir appartenir à son pays, ni ce dernier lui appartenir. Pour lui, la loi est mise en place pour l'opprimer et non le protéger et le bien public n'est qu'un vulgaire beylik.
Situation tragique qui risque d'empirer si aucun effort d'éducation et de vrai changement n'est entrepris entre-temps.
Car l'attentisme et la «revendicationnite aiguë» risquent de casser à jamais le processus libérateur impulsé par la révolution (la réponse devient impossible face à une demande pléthorique). Et la phase démocratique ,que nous avons entamée effectivement le 23 octobre dernier, risque fort de déraper. Nous poursuivrons donc notre tentative d'analyse dans nos prochains numéros.


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