Annoncer la fin de Rudolf Krol au CA n'en reste pas moins pathétique. Entre un président versatile, un projet sportif qui bat de l'aile et des joueurs inconstants, la courte expérience du Batave tourne jusque-là à la débâcle. Autopsie sur fond de chronique d'un échec annoncé. La récente élimination contre le MOB en Ligue des champions, amère et évitable, n'est qu'une nouvelle couche de revers sur une situation de déboires récurrents. La descente aux enfers n'étonne pas car elle était prévisible! L'échec de l'équipe de football n'est ni accidentel ni fortuit. Nombre de causes directes et indirectes, d'ordre managérial, administratif, médical, disciplinaire, contractuel, technique, physique, sportif et même personnel expliquent ce grave et non moins terrible crash en règle. En un mot, tous les ingrédients pour un fiasco sur toute la ligne. Les plus «subversifs» diront que tout s'est ligué contre le CA, à divers niveaux. Même la malchance et la main invisible arbitrale se sont liguées pour plonger le club dans les méandres de l'insuccès. Cette soirée continentale face à Béjaïa a décidément condensé les quelques mois de Ruud Krol à la tête d'un géant aux pieds d'argile qu'est le CA. Un géant qu'il a tenté d'apprivoiser. En vain, jusque-là. De solution à problème, le coach néerlandais a tout essayé. Les variantes de jeu, le sang neuf, le discours martial, sans pour autant réussir à infléchir la tendance. L'autre facteur explicatif ou plutôt aggravant, plus tangible et cohérent, se trouve être l'exécutif clubiste. Absence de vision et de suite dans les idées. Car n'est pas expert en football qui veut. Depuis l'été dernier, le président a lessivé plus d'un technicien, d'où l'incohérence manifeste du projet sportif, supposé basé sur la stabilité ou du moins le changement dans la continuité. Les vieux démons culturels Sur le plan managérial, le CA a vécu une avant-saison et un début de saison des plus mouvementés. Parmi les principaux acteurs du sacre de la saison dernière, deux poids lourds ont été évincés, à savoir Montassar Louhichi et Sami Elmi. L'entraîneur, Daniel Sanchez, a été contesté, vilipendé, voué à la vindicte populaire clubiste. Tantôt surpris, tantôt sur une voie de garage, tantôt à la porte de sortie, tantôt carrément licencié, l'entraîneur a vécu un effroyable calvaire avant d'être remercié, après seulement quatre journées, et de quelle élégante façon! A l'intersaison, le patron du CA a longtemps rebattu les oreilles et fracassé les nerfs avec sa fameuse et non moins ambiguë «Evaluation», un vrai «serpent de mer», dont tout le monde a parlé mais personne n'en a vu la couleur, ne serait-ce un petit bout de papier, un brin d'évaluation, un soupçon de bilan ou un zeste d'état des lieux. Rien que des écrans de fumée ! Sur le plan médical, la saison n'a pas encore commencé et voilà que le club accuse un nombre impressionnant et «historique» de blessés. Pratiquement la moitié de l'équipe a «squatté» l'infirmerie. Les «ligaments croisés» ne se comptent plus. On dirait que les dieux du stade ont versé leur colère sur les joueurs clubistes. Un tel nombre de blessés frise vraiment l'irrationnel. Est-ce un problème de préparation, de dosage ou de précarité physique? Allez savoir ! Sur le plan contractuel, il n'y a pas de fumée sans feu (spéculations, quoique la rumeur semble parfois fondée). Un bureau directeur qui ferme parfois les vannes (au gré des humeurs) et au fait du Prince. Des ronds-de-cuir qui s'improvisent experts en recrutement avec des bras cassés à la pelle enrôlés. Volet flux sortants, pour combien le CA a-t-il cédé Djabou? Et surtout, Zouhaier Dhaouadi méritait-il de sortir par la petite porte comme ce fut le cas ? Certes, il y a eu les promotions de jeunes tels que Srarfi, Ghazi Ayadi, Ahmed Khelil et Mehdi Ouedhrfi. Mais que faire quand les résultats ne suivent pas ? Et surtout, que faire désormais ? Dès lors que la saison 2015-2016 est pratiquement terminée, il faut tout miser sur ces jeunes joueurs pour le reste du parcours, et ce, dans l'optique de la saison prochaine. Sur le plan sportif ou plutôt psychologique et même idéologique et doctrinal, les défaites ne se comptent plus, sans aucune réaction d'amour-propre ou de fierté. Des joueurs moribonds, nettement au-dessous de leur potentiel, des cadres techniques à la ramasse, sans aucune garantie ni continuité. Un climat malsain entoure l'équipe et plombe les ailes de tout le monde. Un record historique dont le public se serait bien passé, la pire saison sportive, de mémoire de puriste. Sur le plan disciplinaire, en la matière, le CA a battu tous les records. Combien de cas d'indiscipline? Toujours gérés à la «tête du client» et sans aucune vision ni modèle référentiel. Le conseil de discipline n'est qu'une «chambre noire de règlement de compte». D'ailleurs, personne ne connaît sa composition ni son mandat ni son système de décision ! Enfin, sur le plan exécutif, au plus haut sommet de la hiérarchie clubiste, les effets d'annonces et les crises d'ego se multiplient. Chaque jour apporte son lot de caprices et de lubies. C'est comme si on tentait de résoudre la quadrature du cercle ! Bref, ce qui fait du tort au CA, c'est son incohérence interne. Aucune vision vraiment stratégique dans la gestion et le positionnement des décideurs, tenants et aboutissants. Quand on brandit la menace (chantage) de la démission, cela veut implicitement dire que l'on ne va pas honorer ses engagements (désengagements). C'est un danger pour la pérennité de l'association de 1920 (budget de fonctionnement). Ce serait aussi un «vieux démon culturel» du CA. Car depuis presque toujours, notamment depuis plus de trois décennies, le club de Bab Jedid n'a jamais su capitaliser et rentabiliser ses succès sportifs, chaque grand titre donnant lieu à une crise la saison suivante. Au lieu de plancher sur ce mal typiquement clubiste, d'examiner les facteurs de blocage sous toutes leurs coutures pour rompre définitivement avec ce funeste héritage culturel, on continue de souffler sur le feu de la crise qui suit le sacre. De se laisser emporter par les courants contraires et de ramer à contresens. L'exécutif actuel gagnerait à s'en inspirer. Car quoi qu'il en coûte et quoi qu'il advienne, les hommes passent et l'institution clubiste demeure...