«La loi est faite mais elle est encore imparfaite», cela s'applique parfaitement à la loi organique portant création du Conseil supérieur de la magistrature adoptée, mercredi 23 mars, à l'unanimité des députés présents au palais du Bardo. On attend toujours l'avis de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois qui pourrait rejeter pour la 3e fois le texte pour inconstitutionnalité «L'Assemblée des représentants du peuple est une autorité souveraine et seuls les députés assument la responsabilité politique quant au contenu des lois», assure Mohamed Fadhel Ben Omrane, chef du bloc parlementaire de Nida Tounès, lors de la discussion, mercredi 23 mars, du projet de loi organique portant création du Conseil supérieur de la magistrature (voir l'article de notre consœur Hella Lahbib dans notre livraison du mercredi 24 mars). Les propos du député nidaïste sont on ne peut plus clairs et tranchants. On peut en déduire que nos parlementaires ont décidé de mettre un terme définitif aux palabres interminables qui ont accompagné le texte de loi en question rejeté pour inconstitutionnalité, à deux reprises, par l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. On peut comprendre aussi des propos de Mohamed Fadhel Ben Omrane que les députés ont décidé d'adopter le projet de loi revisité par la commission parlementaire de législation générale tout en sachant que l'Instance pourrait le considérer, de nouveau, comme anticonstitutionnel au cas où elle maintiendrait ses avis antérieurs selon lesquels la commission n'a pas le droit d'introduire sur le projet présenté par le gouvernement des changements au point d'en faire un véritable deuxième projet. En tout état de cause, les Tunisiens doivent attendre encore deux ou trois semaines pour savoir si l'Instance va avaliser le projet de loi tel qu'adopté par l'ARP ou si elle va le considérer, de nouveau, comme anticonstitutionnel. Y aura-t-il un troisième rejet ? Le professeur de droit constitutionnel Kaïes Saied précise à La Presse : «Pour le moment, la loi est faite mais elle est encore imparfaite. Tant qu'elle n'est pas promulguée par le président de la République et qu'elle n'est pas publiée dans le Journal Officiel de la République Tunisienne, elle n'a aucune existence juridique. Aussitôt qu'elle lui sera soumise par le président de l'ARP, le chef de l'Etat doit envoyer la loi en question à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. C'est l'article 23 portant création de l'Instance qui prévoit cette procédure. Et c'est bien au niveau de cet article précisément que va se déclencher une bataille juridique sans précédent dans l'histoire de l'Instance. L'article en question stipule, en effet, que l'Instance a droit à une seconde délibération en cas de déclaration d'un projet de loi anticonstitutionnel. Or, il se trouve que cette deuxième délibération a été déjà effectuée. Maintenant, il s'agit de savoir si l'Instance a droit à une troisième délibération ou non. Dans l'article 23, on se limite à la deuxième délibération. Toutefois, on accorde à l'Instance le droit de contrôler l'application de ses avis. En plus clair, on a laissé la porte ouverte à l'infini. Ce qui revient à dire que l'Instance pourrait faire prévaloir son droit à une troisième délibération qui pourrait aboutir à un troisième rejet du projet de loi au cas où elle tiendrait à son droit à contrôler l'application de ses avis». Les députés mécontents, même si le projet de loi est adopté à l'unanimité des parlementaires, peuvent-ils introduire un nouveau recours auprès de l'Instance ? «Il n'est pas spécifié que la règle des 30 députés au moins ayant le droit de s'adresser à l'Instance ne peut s'exercer qu'une seule fois. Sauf que cette fois, si les députés contestataires décident de recourir à l'Instance, leur opposition concernera un nouveau projet puisque le projet adopté est totalement différent du projet soumis au Parlement par le gouvernement. Rien ne les empêche de saisir de nouveau l'Instance», conclut notre interlocuteur.