Ban Ki-moon et Guy Ryder, respectivement secrétaire général de l'ONU et directeur général de l'OIT, se sont montrés disposés à soutenir la Tunisie dans la promotion de l'emploi. Des mesures urgentes pour inciter à l'initiative privée et encourager l'entreprise à opérer des recrutements Suite à des délibérations consensuelles abouties, au bout de trois jours, du 15 au 17 de ce mois, la conférence nationale sur l'emploi a été clôturée, hier matin à Tunis, sous haute protection sécuritaire. Une manifestation d'envergure qui a vu la participation des ambassadeurs et cadres consulaires des pays frères et amis accrédités à Tunis, des membres du gouvernement, des élus de l'ARP, ainsi que des partis politiques, des organisations nationales et d'autres représentants de la société civile tunisienne. L'événement a été, également, rehaussé par la présence de grandes personnalités étrangères, dont en particulier MM. Ban Ki-moon et Guy Ryder, respectivement secrétaire général des Nations unies et directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). Leur présence est ainsi qualifiée de significative à plus d'un titre, ainsi que les discours magistraux qu'ils ont prononcés, qui étaient chargés de messages de soutien à la Tunisie dans sa transition démocratique, mais aussi dans l'œuvre de développement et d'incitation à l'investissement pour la création d'emplois. Dans son mot de bienvenue, le ministre de tutelle, M. Zied Laâdhari, s'est félicité de la dynamique de groupe ayant marqué le démarrage du dialogue national sur l'emploi, faisant valoir le débat riche en idées et réflexions déjà instauré depuis deux semaines afin de résorber le chômage, devenu un problème structurel provoquant des dérives comportementales aussi dangereuses que l'extrémisme et l'immigration clandestine. Par conséquent, l'assistance à l'intégration professionnelle, tout en explorant les possibilités d'emploi sous-estimées constitue, bel et bien, l'ultime objectif de ce dialogue dont le contrat social, signé en 2103, est le socle principal. Et d'ajouter que le prix Nobel de la paix 2015, méritoirement décerné au Quartette du dialogue national, en fut l'exemple édifiant. Priorité du gouvernement A l'ouverture officielle, le chef du gouvernement, Habib Essid, a, d'emblée, mis en relief l'intérêt que portent les deux hôtes de la Tunisie à la question de l'emploi tant à l'échelle nationale qu'internationale. Cela étant, au vu de la place qu'occupe notre pays sur la scène mondiale, en tant que berceau du « Printemps arabe », sur la voie de la transition démocratique. Ce qui en fait un cas d'école suscitant estime et considération universelle. Et bien qu'après la révolution, avoue-t-il, de grands pas aient été franchis, il y a encore beaucoup à faire. « On a gagné des batailles dans notre guerre antiterrorisme dont la dernière en date a eu lieu à Ben Guerdane, où armée nationale et forces de sécurité, aux côté de nos concitoyens, avaient, audacieusement, fait montre de patriotisme et de citoyenneté.. ». N'empêche, de multiples défis sont encore là, principalement, générés par la profonde crise dont avait, depuis longtemps, souffert l'ancien modèle de développement et ses répercussions sur la situation post-révolution. Le chômage, dont le taux national a, déjà, dépassé les 15 % en 2015, n'a cessé de frapper de plein fouet un marché du travail en berne. Un état des lieux qui vient d'alerter sur le nombre accru de demandeurs d'emploi qui atteint actuellement plus de 600 mille. Sans pour autant oublier que l'amplification de l'emploi précaire et ses formes arbitraires ont aggravé la situation. Il demeure, aujourd'hui, impératif d'y apporter des solutions radicales, insiste-t-il, soulignant que l'emploi décent est, désormais, la priorité majeure du gouvernement. Toutefois, M. Habib Essid s'est dit conscient que la question de l'emploi ne saura être, uniquement, résolue à la faveur de simples mesures gouvernementales, mais à travers une approche participative impliquant toutes les parties concernées. Une telle démarche, estime-t-il, est de nature à renforcer les principes de concertation et de complémentarité, dans le but de développer le marché du travail, conformément à la teneur du contrat social conclu entre le gouvernement, l'Ugtt et l'Utica. Déclaration de Tunis D'ailleurs, ce qui ressort des ateliers de réflexion puise dans le même sens : promotion de l'emploi, un modèle de développement alternatif équitable, cap sur les secteurs à haute valeur ajoutée et tendance à rompre avec le travail précaire. L'appel à asseoir une stratégie commune s'inscrit dans le droit fil d'élaborer une feuille de route pour le gouvernement, à court, moyen et long termes. Aussi, la « Déclaration de Tunis pour l'emploi » servira-t-elle de document de référence, censé unifier les efforts et mobiliser toutes les forces vives de la société. Cette fameuse « Déclaration », telle que conçue en 11 points stratégiques, incarne un engagement massif de bon gré dans la lutte contre un chômage endémique. L'œuvre s'est focalisée sur l'instauration d'un nouveau modèle de développement capable de créer le plus grand nombre d'emplois décents dans toutes les régions du pays, l'orientation des recrutements publics vers les régions et les secteurs prioritaires, l'amélioration du climat des affaires et du partenariat public-privé, ainsi que la réhabilitation du système éducatif, de manière à garantir cohésion et complémentarité entre la formation des ressources humaines et les nouveaux besoins de l'économie nationale. Il s'agit, de même, de jeter les bases d'un système unifié d'appui à l'initiative privée et à la création de projets, avec l'accompagnement personnalisé et l'assistance requise, d'élever le niveau de l'économie sociale et solidaire, d'exploiter les gisements d'emploi non exploités, de moderniser les services publics de l'emploi et en augmenter les capacités aux plans quantitatif et qualitatif, d'accélérer la mise en place du conseil national du dialogue social. Le tout en se penchant sur une stratégie nationale intégrée qui fasse de l'emploi l'objectif transversal de toutes les politiques sectorielles. L'adresse de l'ONU aux jeunes de la Tunisie Prenant la parole, le secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, a insisté sur l'ampleur de la crise d'emploi à une large échelle, soit quelque 200 millions de personnes dans le monde en chômage persistant dont 30% en Afrique. L'absence des normes les plus élémentaires et d'un travail décent, auxquels s'ajoute la déficience des politiques nationales à ce niveau, pèse lourdement sur l'ordre international. « Ces jeunes exclus et longuement privés des fruits de la croissance sont les plus exposés aux risques de l'extrémisme», prévient-il. Evoquant l'importance de la conférence d'hier, M. Ban Ki-moon est entré dans le vif du sujet, lançant un message phare : « La communauté internationale se tient aux côtés de la Tunisie... ». Pour conclure, le S.G. de l'ONU s'est adressé aux jeunes de la Tunisie : « Vous faites partie de la génération des jeunes que le monde ait jamais connues. Je suis sûr que beaucoup d'entre vous participent aux activités d'associations et de la société civile. Je compte sur votre pouvoir de mobilisation et votre créativité pour provoquer le changement et œuvrer au développement durable en Tunisie. Et vous pouvez, ainsi, compter sur les Nations unies... ». Et de les inciter, tous, à travailler pour « l'édification d'un monde où personne ne sera laissé de côté. Et que chacun ait la possibilité d'apporter sa pierre à l'édifice... ». Le directeur général de l'OIT, a, de son côté, fait valoir l'option du dialogue national comme une forme de négociation et de consensus. Pour lui, il n'est plus à démontrer que le chômage représente, aujourd'hui, une véritable menace au développement et à la stabilité des pays. Outre le flux croissant des chômeurs, juge-t-il, la qualité d'emploi, aussi précaire soit-elle, enfonce l'économie tunisienne dans un cercle vicieux. « Il faut agir ensemble, gouvernement, partenaires sociaux et société civile, afin de réduire les inégalités», plaide-t-il, appelant le secteur privé à s'y mettre de son côté. C'est que la création d'emplois, d'après lui, est la meilleure option pour traiter la question de la migration. Et d'ajouter qu'il faut tirer profit de la coopération internationale : « Nous serons solidaires avec la Tunisie dans la promotion de l'emploi décent, en tant qu'un enjeu national, régional et international », rassure-t-il en conclusion. Mesures urgentes pour l'emploi Par ailleurs, l'Ugtt et l'Utica ont fait part, chacune de son côté, de leur soutien indéfectible à ces efforts, s'engageant à jouer pleinement leur rôle de partenaire dans la réussite du dialogue pour l'emploi. M. Houcine Abassi, secrétaire général de l'organisation ouvrière, s'est focalisé sur l'impératif de penser à d'autres alternatives économiques permettant de générer autant de postes d'emploi, loin de la logique de l'économie du marché. Celle qui, à vrai dire, ne fait que cumuler les crises politiques et creuser les disparités régionales dans le pays, faisant de l'ombre sur le droit au travail décent. C'est pourquoi, préconise-t-il, l'on demande à l'ARP d'adopter le décret portant création du conseil national du dialogue social. Pour lui, c'est une institution qui ne peut plus attendre, si l'on veut rompre avec les mécanismes d'emploi précaire. Et M. Abassi d'interpeller la communauté internationale, l'appelant à se mettre du côté de la Tunisie. Mme Wided Bouchammaoui, présidente de l'Utica, a tenu à défendre, bec et ongles, les intérêts des hommes d'affaires, laissant entendre parler que le dialogue ne se limite pas seulement aux négociations salariales, mais aussi à la productivité et au pouvoir d'achat, afin d'inculquer la culture de l'entreprise. Elle a promis de faire de son mieux pour que le secteur privé soit au rendez-vous avec la promotion de l'investissement et la création de l'emploi. Et de poursuivre que la société devrait faire assurer la responsabilité, face à la perennité lui incombant des entreprises. En tant que mesures urgentes, il a été convenu de prendre des dispositions touchant aux programmes actifs relatifs au marché de l'emploi, à la création des microprojets, l'économie sociale et solidaire et aux opportunités professionnelles encore non exploitées. D'autres mesures aussi intéressantes les unes que les autres ont été prises pour donner impulsion au partenariat public-privé, réglementer le cadre institutionnel et législatif et actualiser la base des données propres à l'emploi à l'étranger, suivant des études périodiques sur les marchés extérieurs prometteurs et à forte employabilité.