Tunisie : La famille Mzali fait don d'une bibliothèque personnelle à la Bibliothèque nationale    Tunisie : le retour de la confiance ?    Crise des prix mondiaux : l'huile d'olive tunisienne cherche son second souffle    The 2025 Media Cooperation Forum on Belt and Road à Kunming : Quand les médias deviennent des ponts entre les civilisations    La Flottille de la Liberté mondiale en route vers Gaza : plus de 50 navires en mission humanitaire    Ordre des avocats, conseil ministériel, flottille Al Soumoud…Les 5 infos de la journée    Charlie Kirk : son meurtrier présumé dit avoir agi par « haine »    La mission de la Tunisie à Genève condamne l'agression de l'entité sioniste contre le Qatar    Conseil ministériel : vers une accélération de la transformation digitale de l'administration    Foot – Ligue 1 (6e journée) : Les résultats des matchs    La légende hollywoodienne Robert Redford décède à 89 ans    Voici la Liste des Membres du Nouveau Conseil de l'Ordre des Avocats    Algérie : Le ministère de l'Education tranche – pas de shorts ni de maquillage à l'école    Tunisie : 150 migrants guinéens bénéficient d'un retour volontaire de l'OIM    Décès de Robert Redford légende du cinéma américain    INS : baisse historique des mariages et des naissances en Tunisie    Seoul: le ministre de la Santé Mustapha Ferjani discute des opportunités de coopération avec son homologue sud-coréenne    Le SNJT exige la fin des poursuites sous décret 54 contre journalistes et blogueurs    Fraude à la farine : 4,7 tonnes saisies et boulangerie de la Mnihla fermée    Le Village d'enfants SOS autorisé à collecter des fonds pour les enfants palestiniens    Opportunité pour les filles tunisiennes de devenir ambassadrice d'une journée    Les virements bancaires, pilier du système financier tunisien en pleine expansion    Pourquoi l'Etat met-il fin à la prolongation des contrats CIVP dès octobre 2025 ?    Chine : lancement réussi d'un satellite d'essai    Trump attaque le New York Times pour 15 milliards de dollars !    Nafti renforce la coopération Arabo-Africaine à Doha    Ligue 1 – championnat national (6e journée) – JSK : Prudence...    Maher Kanzari face à la commission    Fadhel Jaziri (1948-2025): La pensée et le spectacle    Ooredoo Tunisie apporte espoir et sourires à 400 enfants de Kafel Elyatim pour la rentrée scolaire    Décès de Radhouane Ben Salah, figure marquante de l'hôtellerie tunisienne    Olivier Faure (PS) appelle à faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre    Le message de Nafaâ Laribi au nouveau conseil de l'Ordre des avocats    Mondial Volley 2025 : La Tunisie s'incline face à l'Iran avant d'affronter l'Egypte    Pourquoi les islamistes et les kaïssistes redoutent le nouveau conseil de l'Ordre des avocats    Entre position et positionnement : la géographie ne suffit pas à comprendre la politique internationale    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    Rentrée scolaire: le Président de la République Kaïs Saïed réaffirme son engagement pour l'égalité des chances pour tous    Enthalpie et âme: une poétique de l'énergie vitale    Lutter contre le harcèlement sexuel des enfants et adolescents : Le FTDES publie deux guides numériques    Ons Jabeur en passe d'ouvrir une nouvelle académie pour jeunes talents à Dubaï    Dar El Kamila à La Marsa ouverte au public pour les Journées européennes du patrimoine 2025    Hannibal Mejbri offre un immeuble estimé à un million de dinars à SOS villages d'enfants    L'artiste Wadi Mhiri décédé à l'âge de 60 ans    Le gouvernement prépare l'inscription de Sidi Bou Saïd au patrimoine mondial de l'Unesco    Les trois savants auxquels Abdelmajid Charfi témoigne de sa profonde reconnaissance    Le futur champion tunisien Rami Rahmouni sur le point d'être naturalisé en Arabie Saoudite    La FIFA donne raison à la Fédération tunisienne : les joueurs avertis !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



20 mars 1956-20 mars 2022: Hommage au « Zaïm », le leader de l'indépendance de la Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 03 - 2022

La Tunisie commémore, en ce jour du 20 mars 2022, le 66°anniversaire de son indépendance. Mais pour en arriver là, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts.
En effet, faut-il rappeler que le dix-neuvième siècle a été le siècle de la colonisation de la plupart des pays africains par les puissances européennes qui, grâce à leur développement économique qui a engendré leur puissance, ont décidé, en utilisant, la ruse, la force et des subterfuges pour le moins qu'on puisse dire inacceptables, de conquérir de vastes régions en Afrique, au Moyen–Orient et en Asie, pour l'exploitation de leurs importantes ressources minières et constituer, pour certaines d'entre elles, d'immenses empires, d'où de vastes marchés pour leur économie. C'est dans ces conditions qu'eut lieu, le 5 juillet 1830, l'occupation de l'Algérie par la France. Celle-ci, après avoir maîtrisé la situation dans cette nouvelle colonie, décida d'étendre son pouvoir aux deux pays frontaliers à l'Algérie, la régence de Tunis à l'est et le sultanat du Maroc à l'ouest. Il y a lieu de signaler que cela n'a pas été du tout facile et beaucoup de résistance et de nombreuses révoltes populaires ont eu lieu, aussi bien en Algérie qu'en Tunisie et au Maroc et n'ont pu être matées que par des bains de sang.
La Tunisie qui, après avoir pris son mal en patience durant près d'un demi-siècle, a vu, au début du vingtième siècle, sonner le réveil d'une certaine élite parmi les patriotes tunisiens. Celui-ci se concrétisa par la création d'un parti politique qui se posa, sérieusement, au pays et se développa assez rapidement. C'est ainsi que le Parti du «Destour» a été créé par Abdelaziz Thâalbi en 1920. Ce parti, composé essentiellement d'intellectuels, ne voulait pas recourir à des actions violentes et espérait, de la France, une meilleure compréhension des revendications tunisiennes. Mais ce ne fut, malheureusement, pas le cas. C'est alors que Habib Bourguiba, ayant terminé ses études supérieures en France et non satisfait des méthodes de travail de la direction du Parti destourien et soutenu par de jeunes intellectuels, fit sécession et créa, en 1934, un autre parti dénommé «le Néo-Destour».
Aussi, faut-il demander, aujourd'hui, aux jeunes et aux moins jeunes de nos concitoyens qui ne savent de Bourguiba que le nom et qui ont entendu certaines médisances le concernant, ce qu'ils connaissent de Bourguiba et de son œuvre ? Pour ma part et faisant partie de la génération de l'indépendance, je vais essayer de leur donner mon point de vue sur cet Homme exceptionnel, sur sa vision et sur sa stratégie, quant à la lutte pour l'indépendance de notre pays. Au fait qui est Habib Bourguiba ?
De tous les hommes d'Etat d'une époque qui en connaît beaucoup de flamboyants ou d'abusifs, Habib Bourguiba est probablement celui dont le nom se confond le plus totalement avec la fondation et les premiers développements d'un Etat. Fondateur de la première organisation qui posât avec sérieux le problème de l'indépendance, militant, chef de parti et d'insurrection, négociateur, prisonnier, libérateur du territoire, fondateur de l'Etat, « Combattant suprême » et guide incontesté, il aura dominé de sa puissante personnalité la vie du peuple tunisien et imprimé sa marque et sa pensée, pour le meilleur et pour le pire, sur le nouvel Etat. De retour à Tunis, nanti de diplômes et profondément imbu et séduit par le système politique de la France et par toutes les libertés dont jouissaient les Français, il constata le cruel décalage entre les principes libéraux, base de l'enseignement qu'il a eu à Paris et les pratiques quotidiennes coloniales. Très vite, il milite au sein du « Destour » dont il découvre la vanité et l'inefficience. Il lui faut donc transformer, rajeunir et muscler ce parti dont les chefs préfèrent plutôt les réunions de salon. Entouré d'un groupe de jeunes intellectuels, il provoque une dissidence et convoque, à Ksar Helal au Sahel, en 1934, un congrès où est fondé le « Néo-Destour ». Le nouveau parti tranche avec l'ancien : il n'est plus aristocratique mais populaire ; il n'est plus exclusivement, urbain mais largement rural ; il n'est plus intégriste, refusant le « tout ou rien » et accepte la négociation avec le pouvoir colonial.
Bourguiba développe également sa propre doctrine qu'il appelle « bourguibisme » mais qui s'apparente au pragmatisme. Elle est fondée sur le réalisme politique et économique qui se fonde sur la croyance qu'« aucun domaine de la vie ne doit échapper au pouvoir humain de la raison »: c'est ce qu'on appelle, communément, la politique des étapes.
C'est ainsi qu'est née l'organisation qui restera longtemps le seul parti moderne du monde arabe, qui fera passer la société musulmane de l'âge théologique à l'âge politique, et le groupe oriental du style de la caravane conduite par le « zaim » prophétique, à celui de l'organisation de masse appuyant le leader politique.
Un tel appareil attire sur lui les foudres du colonisateur. Bourguiba est arrêté en 1934, puis en 1938. Libéré par les Allemands en 1942, durant la Seconde Guerre mondiale alors qu'il était en prison au Fort St-Nicolas à Marseille, il sait ne pas se laisser séduire par les forces de l'Axe et joue, courageusement, la carte des démocraties, celle des Alliés.
Ceci lui vaut l'estime durable des Américains mais non des Français qui mettront longtemps à comprendre que, dans le monde arabe, il représente une chance exceptionnelle d'entente avec l'Occident. La lettre qu'il adressa de la prison de Fort St-Nicolas à Marseille à ses camarades du Bureau politique du Néo-Destour ( au Dr Habib Thameur), la plus haute instance du Parti, dans laquelle il leur ordonnait de ne pas aider ou soutenir les Forces de l'Axe ( Allemagne, Italie et Japon) et d'être du côté des Alliés, pour se trouver avec les vainqueurs à la fin de la guerre, restera célèbre et inoubliable par les Américains et démontrera ses grandes qualités, de visionnaire et de fin politique.
Arrêté, encore une fois et ce sera la dernière, par la France le 18 janvier 1952 et placé en résidence surveillée d'abord à Tabarka, interné ensuite à l'île de La Galite et puis à Remada avant son transfert en France, il donna l'ordre à la guérilla de répondre aux exactions de la «main-rouge» qui assassina plusieurs nationalistes dont feu Hedi Chaker, membre du Bureau politique du Néo-Destour, le grand leader syndicaliste et nationaliste Farhat Hached l'ayant été par des agents des services spéciaux français le 5 décembre 1952, l'ancien Président français, François Hollande l'ayant confirmé lors de sa visite en Tunisie, après la révolution. Ce n'est qu'en 1954 que le chef du gouvernement socialiste, Pierre Mendes-France, tend la main à Bourguiba qui l'accepte. Un an après, la Tunisie est autonome, deux ans plus tard, elle est indépendante.
Aux jeunes et aux moins jeunes qui n'ont pas vécu la période de gouvernance du Président Bourguiba et qui croient, comme certains de ses adversaires politiques le propagent, que Bourguiba était un dictateur, je leur dirai dans quel état il a trouvé notre pays le 20 mars 1956:
a- à l'indépendance, la Tunisie comptait près de quatre millions d'habitants dont près de 80 % étaient analphabètes,
b- douze ans plus tôt, notre pays a connu les affres de la Seconde Guerre mondiale et ses énormes dévastations causées du sud au nord, et tous les dégâts n'avaient pas, à l'indépendance, encore disparu,
c- en 1956, notre pays ne comptait qu'une dizaine de lycées et collèges et qu'en 1987, date de la retraite du Président Bourguiba, il en a laissé plus de cinq cents.
De son œuvre gigantesque, l'Histoire retiendra qu'il a été :
1- le fondateur de l'Etat tunisien moderne,
2- l'émancipateur de la femme avec la promulgation, dès 1956, du Code du statut personnel, unique dans le monde musulman, ce code qui reconnaît à la femme les mêmes droits que l'homme,
3- et celui qui a généralisé l'enseignement qui deviendra obligatoire, pour les garçons comme pour les filles et gratuit pour tous.
Faut-il rappeler que la stratégie de Bourguiba se signalait par la politique des étapes dans, le double but, d'une part, d'éviter de causer trop de pertes en vies humaines et d'autre part, de tranquilliser le colonisateur pour qu'il cède, au coup par coup, à nos demandes.
L'histoire retiendra que sa stratégie a été payante puisque le pays a obtenu son indépendance sans trop de dégâts et en établissant de nouveaux et intéressants rapports avec la France, post-colonisation, dans le but de bénéficier de son soutien économique et financier, ô combien important à ce moment-là.
Aussi, en comparant la lutte pour l'indépendance de notre pays et les dégâts engendrés par celle-ci par rapport à d'autres pays, nous remarquons qu'il n'y a aucune commune mesure et ceci est dû à l'intelligence, à la démarche, au savoir-faire et à l'ingéniosité de Bourguiba, le chef du parti politique qui a organisé et dirigé cette lutte.
Les grands hommes se font remarquer par leur courage, par leur vision, par leur ténacité et par leurs choix politiques. Quelques heures, seulement, après le bombardement du quartier général de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) à Hammam Chott, banlieue de Tunis, par l'aviation israélienne le 1° octobre 1985, le président Bourguiba, voulant passer un message très fort au président américain, convoqua l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique avant la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, suite à la plainte de la Tunisie contre l'agression israélienne. Le président Bourguiba lui a dit ce qu'il voulait dire au président américain. Et en conséquence à ce message, la motion condamnant Israël a été approuvée par le Conseil de sécurité de l'ONU par 14 membres pour, zéro contre et une abstention (celle des Etats-Unis d'Amérique) et ce fut l'unique fois où les USA se sont abstenus, lors d'un vote condamnant Israël. Ce succès diplomatique est du, essentiellement, à la considération dont jouissait le président Bourguiba auprès des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.
C'est pourquoi il est besoin de rappeler à nos concitoyens qu'en ce jour anniversaire de notre indépendance, le moins qu'on puisse faire est d'avoir une pieuse pensée pour ce grand homme et de rendre le plus vibrant des hommages à ce grandissime leader que fut Bourguiba, pour tout ce qu'il a fait pour l'indépendance et la liberté de notre pays et au prestige qu'il a conféré à la Tunisie dans le monde entier. La seule remarque qu'on puisse lui faire est qu'il n'a pas encouragé la création d'autres partis politiques et peut-être avait-il ses propres raisons pour ne pas l'avoir fait à cette époque. Mais était-ce une urgence alors que les priorités étaient aussi nombreuses qu'inquiétantes (lutte contre l'analphabétisme, chômage angoissant, niveau de vie du peuple lamentable, infrastructure dans tous les domaines presque inexistante, manque flagrant de centres de santé publique, etc.).
Bourguiba figurera, éternellement, parmi les Immortels enfantés par notre pays. Si un jour, nous avons un Panthéon tunisien, il est certain que ce grand leader y sera parmi les éternels comme Hannibal, St Augustin, Ibn Khaldoun, Tahar el Haddad, Abdelaziz Thaalbi, Aboul Kacem Echabi, Moncef Bey, Farhat Hached et tant d'autres que Dieu les accueille tous dans son Eternel Paradis.
Que Dieu veille et protège la Tunisie éternelle, l'héritière de Carthage et de Kairouan.
B.B.
(*) Issu de la 1er promotion d'officiers issue
de St Cyr, France (la Promotion Bourguiba),
ancien sous-chef d'état-major de l'armée de terre,
ancien gouverneur


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.