Par Jawhar CHATTY Il paraît que Habib Essid se sent seul. C'est du moins ce qu'il a confié hier, au cours d'une rencontre informelle, à des rédacteurs en chef de la presse écrite. L'homme n'est pourtant pas du genre à se lamenter. Les jérémiades ne sont guère dans ses fibres non plus d'ailleurs que ce penchant aux confidences. Si donc le chef du gouvernement dit se sentir seul, c'est que vraiment il doit se sentir seul. Ce qui, pour un chef d'équipe, est une situation pour le moins paradoxale, inconfortable. En évoquant sa « solitude », le chef du gouvernement avait sans doute pris le soin de préciser que c'est en rapport avec le peu d'entrain dont avaient fait preuve les députés lors du débat, et surtout du vote, à l'ARP du nouveau statut de la BCT. Un projet de loi qui, rappelons-le, a été adopté avec 73 voix pour, 25 abstentions et 5 voix contre. Sur les 217 députés que compte le Parlement, seuls 103 étaient ce jour-là présents à l'hémicycle. Mais un projet de loi, émanant donc du gouvernement, qui a de peu failli tomber à l'eau. La torpille venait d'Afek Tounès. Trois députés de ce parti de la coalition gouvernementale avaient fait le choix de s'abstenir de voter, faisant de la sorte voler en éclats le principe de la solidarité gouvernementale et, du même coup, la cohérence du gouvernement et l'autorité de son chef avec. Habib Essid connaissait la fragilité inhérente à toute coalition, surtout quand il s'agit d'une coalition politique. Il avait néanmoins accepté d'être à la tête d'un gouvernement où les quatre forces politiques qui le composent ne pouvaient être que des forces centripètes, au mieux des forces d'inertie en l'absence d'une vision et d'un programme commun qui aurait joué le rôle de fédérateur. Sans doute comptait-il sur un capital d'indépendance politique, de sérénité, d'endurance à la tâche que tout le monde lui reconnaît pour faire converger un tant soit peu ces forces diffuses. Dans cette ambitieuse entreprise, le chef du gouvernement pouvait aussi compter sur un allié de poids : l'Administration. Le soutien de celle-ci aura jusque-là été infaillible comme peut bien sûr l'être une grande famille. A telle enseigne que d'aucuns n'hésitent pas à parler indifféremment de partitocratie et d'administrocratie pour pointer du doigt les causes du blocage d'une machine qui n'arrive toujours pas à démarrer. Le chef du gouvernement avait sans doute aussi cru pouvoir trouver auprès des uns et des autres un sens de la responsabilité, une solidarité et un engagement qui soient réellement à la hauteur des défis et des difficultés que connaît depuis quelques années le pays. C'était, sur ce point précis, un peu oublier que les petites manœuvres et les petits calculs politiciens inhibent, très souvent et sous le couvert de la realipolitik, l'engagement citoyen. Le chef du gouvernement dit se sentir seul. Pourtant, comment peut-on l'être quand on a le soutien du Président de la République, a fortiori quand celui-ci est Béji Caïd Essebsi ?! Le chef de l'Etat a encore ce vendredi, dans un entretien télévisé sur BBC Arabic, réitéré son soutien au chef du gouvernement. A moins que...