Vivre à Chebika, en étant chômeur et oisif, c'est piétiner dans du néant en attendant la mort pendant 50 et 60 ans. Quelle absurdité ! Quarante pour cent de la population du gouvernorat de Kairouan ont moins de 35 ans. Autrement dit, on peut avancer, sans se tromper, que c'est une population jeune. Cette jeune génération n'est pas toujours satisfaite de son environnement qu'elle critique d'une manière ou d'une autre.En effet, en dépit de tous les efforts fournis par les responsables à tous les niveaux, des soucis préoccupants subsistent tels que l'abandon scolaire, le manque de loisirs, la délinquance, l'échec scolaire, le phénomène du suicide qui va crescendo et surtout le taux du chômage. Décevant ! Et si certains diplômés du supérieur, n'ayant pu décrocher un emploi stable, arrivent à se débrouiller pour obtenir leur argent de poche, d'autres font tout pour subvenir à leurs besoins quotidiens, et ce, en commettant des délits et des vols à l'arraché ou en adhérant à des réseaux d'immigration clandestine.Ali Farhani, 35 ans, et Nader Selmi, 26 ans, deux jeunes diplômés au chômage, sont pessimistes quant à l'avenir de la jeunesse tunisienne. Nous les avons rencontrés à Chebika, affalés sous un olivier, en train de jouer aux cartes. Désabusés, ils estiment que l'ambiance générale dans le pays est devenue morose et déprimante à cause d'une économie en berne, du développement de la mentalité corporatiste, de la hausse vertigineuse des prix des produits de consommation et du taux élevé de la violence. «En outre, les décideurs politiques, qui ont tourné le dos aux jeunes, vaquent à leurs futures échéances électorales et se chamaillent sur les plateaux radio et télé. En fait, nous vivons dans un environnement hostile et une conjoncture difficile en matière d'études et d'emploi, et ce, à cause de beaucoup de passe-droits, d'absence d'efficacité dans le traitement des dossiers des citoyens, d'absence de transparence dans les concours et les recrutements. Et d'ajouter, « c'est pourquoi nous ne reconnaissons plus notre pays que nous avons envie de quitter une fois pour toutes. Bref, notre espoir pour les élections du 17 décembre 2022 c'est que la Tunisie redevienne comme avant, un havre de paix et de sécurité, de tolérance et de vraie démocratie, ce qui nous fera oublier les sentiments de peur, de méfiance et d'insécurité». Aucun moyen de loisirs ! Leur camarade, Adel Farmassi, 27 ans, qui n'a pas terminé ses études supérieures, à cause de son échec, renchérit : «Ici, dans ce milieu rural, on se sent diminués et marginalisés par rapport aux jeunes citadins qui ont la possibilité de s'épanouir et de s'émanciper ». Pour lui, vivre à Chebika, en étant chômeur et oisif, c'est piétiner dans du néant en attendant la mort pendant 50 et 60 ans. Quelle absurdité ! « Des années se répètent sans aller nulle part. J'espère que l'année 2023 sera porteuse d'espoir avec surtout le dénouement de la crise provoquée par quelques syndicalistes et politiciens que se prennent pour le nombril du monde et qui ne reconnaissent aucune ligne rouge dans leurs revendications», note-t-il. A Kairouan, on manque d'espaces culturels et d'aires de loisir. La maison des jeunes est presque désertée et le complexe culturel Assad Ibn El Fourat souffre de beaucoup de lacunes et il n'est sollicité que pendant de rares festivités, plutôt modestes. De ce fait, les publinets, les cafés et les salles de jeux sont devenus l'échappatoire pour la classe juvénile.Et avec la canicule bien installée, la fermeture de la seule piscine municipale pour cause de travaux de restauration qui traînent depuis plus de 4 ans, les jeunes cherchent par tous les moyens à se rafraîchir quitte à courir à leur perte. Ainsi, le 30 mai dernier, 7 jeunes collégiens de la zone rurale Aouled Khlif (délégation de Haffouz) ont décidé de se rafraîchir dans une source à proximité du Barrage El Houareb. Malheureusement, l'un d'eux, Samir âgé de 12 ans, a trouvé la mort, s'étant embourbé dans la boue et ses amis n'ont pu l'aider à en sortir. Le lendemain, tous les villageois de Aouled Khlif ont organisé un sit-in de protestation pour exiger des responsables locaux la construction d'une clôture autour de cette source de la mort qui a déjà fait 7 jeunes victimes, faute de protection...