L'Argentine produit et exporte un nombre de footballeurs professionnels nettement supérieur à celui de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc réunis. Première question qui saute à l'esprit : pourquoi cet écart énorme ? Eh bien, la réponse est très simple. Dans les trois pays du Maghreb, comme dans l'immense majorité des 55 pays africains, le football est demeuré avant tout un jeu, une source de plaisir, un moyen de divertissement, de loisir et de défoulement. En Europe et dans certains pays d'Amérique du Sud, il est surtout un facteur de croissance économique générateur de ressources et créateur de richesses, un produit qui se vend, bref du business. C'est pourquoi ce football est très en avance et beaucoup plus performant. Pour tenter de combler ce retard dans la vision comme dans la pratique, la Confédération africaine de football a lancé depuis 2007 un projet de modernisation tous azimuts des compétitions africaines interclubs (Champions League et Coupe de la CAF), touchant aussi bien les structures que les principaux acteurs et intervenants en créant le «système des licences des clubs de la CAF». Ce projet a été mis à l'essai dans trois clubs pilotes au Ghana, en Afrique du Sud et en Algérie, et les résultats encourageants, voire prometteurs ont incité à sa mise en application à partir de 2012. Grâce à ce nouveau système, la participation des clubs aux compétitions africaines ne sera plus automatique à partir de 2017 et sera tributaire du remplissement de plusieurs exigences minimales ou «critères» et l'obtention de «la licence des clubs de la CAF». Ces critères sont au nombre de cinq et son répartis en trois paliers : critères impératifs A, indispensables et non négociables pour la délivrance de la licence ; critères impératifs B, obligatoires, qui n'empêchent pas toutefois, en cas de non-respect, d'obtenir la licence, mais avec des sanctions financières notamment établies dans un livret propre à chaque association membre ou fédération ; et critères «de bonnes pratiques», recommandables et souhaitables pour une meilleure professionnalisation des clubs et des compétitions. Les parties prenantes de ce projet sont la CAF, l'association membre appelée «bailleur de licence» et les différentes autorités compétentes (ministère des Sports, ministère de l'Intérieur, municipalité, collectiviés locales, etc.). Elles doivent adhérer pleinement à la réalisation de ce projet et travailler en parfaite harmonie et communion pour sa réussite. Critères sportifs : football de base Les critères sportifs mettent l'accent sur la formation, l'encadrement et la planification du travail avec les jeunes. Deux catégories d'âge sont exigées. Celle de 11 à 15 ans, l'âge d'or de l'apprentissage et de la formation du footballeur de demain, et celle de 15 à 20 ans, l'âge de perfectionnement de la technicité et du sens tactique, l'âge de la maturité. Elles doivent être confiées à des entraîneurs qualifiés et diplômés et bénéficier d'un suivi médical non pas professionnel, mais périodique et rigoureux. Critères d'infrastructure : des stades sécurisés et confortables Le candidat à la licence CAF ou club doit obligatoirement avoir à sa disposition un stade homologué avec un terrain de jeu en gazon naturel ou artificiel, selon les normes de la Fifa et de la CAF, avec un local de contrôle, une salle de contrôle de dopage, des installations sanitaires, des issues de secours, des espaces confortables pour les médias avec Wifi. Ce stade doit être aussi bien sécurisé avec éclairage suffisant pour les matches en nocturne, les fouilles systématiques des spectateurs pour empêcher l'entrée et l'utilisation des pétards, des fumigènes, du laser et de l'alcool. C'est devenu aujourd'hui une réalité : seuls les stades bien équipés, confortables et assez sécurisés attirent la grande foule et permettent le bon déroulement des compétitions. Critères financiers : bonne gouvernance et viabilité Il est grand temps d'en finir avec les associations à but non lucratif, gérées par des amateurs, et de considérer le club comme une véritable entreprise, une entité économique qui doit être confiée à des experts pour améliorer son rendement, ses revenus avec présentation obligatoire d'états financiers annuels certifés par des commissaires aux comptes qui garantissent la transparence et la traçabilité dans les opérations recettes-dépenses, les transactions et donc plus de crédibilité financière pour rassurer les sponsors, les donateurs et les médias acheteurs des droits TV. Ainsi, on passe du modèle purement associatif au véritable management pour plus de revenus et de ressources, pour moins de dépendance et plus d'autonomie financière et avec obligation de résultats. Critères administratifs : savoir-faire et compétence Un président de club qui s'occupe de tout, ça ne se fait plus dans un club professionnel. Par ce projet, les clubs sont tenus de moderniser leur travail au sein de leur administration par la désignation de responsables dans tous les domaines, qualifiés, compétents, rémunérés pour occuper des tâches bien précises, bien réparties et bien spécifiées pour la bonne marche des activités et qui ne s'occupent pas uniquement de l'organisation des matches du week-end, mais qui planifient pour le moyen et le long terme et qui assurent la continuité. Le bénévolat n'a plus sa place dans le football professionnel, même s'il est toléré pour les membres du comité directeur élu. Critères juridiques : respect des statuts de la Fifa et de la CAF Outre le respect de leur règlement national en matière de fiscalité et de détention d'un registre de commerce, la nécessité de leur autonomie et de leur indépendance dans leur prise de décision de participation aux compétitions africaines, les clubs candidats à la licence s'engagent à respecter les statuts, les règlements et les décisions de la Fifa et de la CAF et à reconnaître «la compétence exclusive du Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne pour statuer sur tous les litiges de portée internationale» et l'interdiction de tout recours devant les tribunaux ordinaires. Voilà les cinq critères piliers du projet «système des licences des clubs de la CAF» qui entrera en vigueur pour les clubs tunisiens à partir de l'année 2017. La fédération tunisienne de football va installer dans les prochains mois les deux instances décisionnaires exigées pour sa mise en œuvre, l'OPI ou organe de première instance qui étudie les dossiers de candidature et délivre ou refuse de délivrer les licences, et l'OA ou organe d'appel qui statue sur les appels interjetés et décide en dernier ressort de l'octroi ou du non-octroi de la licence. Les clubs sont tenus, eux, de se préparer à une grande métamorphose pour répondre à ces critères minimaux et avoir l'autorisation de participer aux compétitions de la CAF. Même si des clubs comme l'EST, l'ESS et le CSS ont fait plus de la moitié du chemin. Pour les clubs comme le SG, nouveau promu dans cette compétition, et qui participeront pour la première fois, la délivrance d'une licence exceptionnelle est prévue avec l'accord de la CAF.