Les sciences et les technologies ont de plus en plus d'influence sur la vie des gens. Les avantages que l'humanité en a récemment tirés sont sans précédent dans l'histoire de l'espèce humaine. Mais lorsqu'on jette un coup d'œil sur la position de la femme arabe dans l'enseignement supérieur et son implication dans la recherche scientifique, on remarque un certain déphasage entre le nombre important des étudiantes inscrites dans les universités et le nombre des chercheurs impliquées dans des mastères ou des thèses de doctorat en sciences appliquées et technologiques. Ce décalage nous fait poser cette question : qu'est-ce qui empêche la femme de s'investir dans la recherche, alors que le pourcentage des étudiantes inscrites dans certains établissements universitaires, ainsi que leur taux de réussite, restent de loin plus importants que ceux de leurs homologues de la gent masculine? Cette problématique a été traitée brillamment dans le 5e numéro de la revue Sawt al mar'a al arabiya (La voix de la femme arabe), parue en juillet 2010. Synthèse. Les femmes arabes sont de plus en plus nombreuses dans la plupart des champs de la vie économique, sociale et politique, mais elles restent particulièrement peu présentes dans la recherche scientifique et le développement technologique. Malgré une présence significative (et parfois majoritaire) des femmes à l'issue des études universitaires, le taux de femmes aux différents échelons de la carrière scientifique va en s'amenuisant, pour devenir presque homéopathique au sommet de la hiérarchie. Cette situation doit être corrigée du point de vue de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, qui est une exigence démocratique et une priorité pour le développement des peuples. De plus, il serait préjudiciable de passer à côté de l'enrichissement que représente une plus grande implication des femmes dans la recherche, à la fois du point de vue des méthodes, des thèmes d'intérêt et des objectifs assignés à l'effort de recherche. La femme et l'enseignement supérieur En effet, les universités et les établissements d'enseignement supérieur (EES) peuvent jouer un rôle primordial dans le développement du capital humain et des systèmes d'innovation. En ces temps de mondialisation, la croissance et le développement se concentrent autour de régions spécifiques dotées d'infrastructures propres à favoriser l'innovation et qui bénéficient d'une main-d'œuvre qualifiée et créative. Les EES peuvent aider les villes et les espaces régionaux auxquels ils appartiennent à devenir plus innovants et mondialement compétitifs. Au milieu des années 90 du siècle dernier, plusieurs pays arabes ont fait de l'enseignement supérieur l'essentiel de leurs orientations, en réalisant des réformes touchant les grandes lignes de la programmation pédagogique des établissements d'enseignement supérieur, à travers des projets de loi et des décrets pour mieux booster la qualité de l'enseignement au sein de ces établissements et élever leurs niveaux, sans oublier l'augmentation des budgets alloués aux universités. Selon certaines études, on a noté une nette élévation des investissements destinés au secteur de l'enseignement supérieur durant cette époque pour atteindre 96 milliards de dollars américains en 1996, contre seulement 4 milliards en 1990. Ce qui signifie une augmentation annuelle de 15% (un chiffre qui représente 81% du revenu global dans le monde arabe). Ces chiffres ont contribué à l'augmentation du nombre des universités et des établissements d'enseignement supérieur : 175 universités en 1997, 137 facultés et 473 écoles supérieures. A cette époque, le monde arabe a dénombré à peu près trois millions de diplômés universitaires contre dix mille avant la Seconde Guerre mondiale. A noter aussi que le nombre des professeurs a, aussi, été revu à la hausse. Dans cette même continuité, l'Unesco, à travers son bureau régional de l'éducation dans les Etats arabes, a publié en 2009 un rapport sur les réalisations dans le secteur de l'enseignement supérieur durant une période de 10 ans (entre 1997/1998 et 2007/2008). Ces réalisations sont au nombre de 17 et se résument ainsi : l'augmentation du nombre des étudiants dans l'enseignement supérieur de l'ordre de 25,6%, en moitié due à l'augmentation de la population dans la région (de 2.293 millions à 3.198 millions) et l'autre moitié due à l'augmentation de la demande sociale pour des études supérieures. Ce même rapport signale qu'en 2008 et dans la plupart des Etats arabes, le taux de la gent féminine dans l'enseignement supérieur a atteint les 50% et 60% dans certains pays, alors que dans d'autres pays le pourcentage n'a pas dépassé les 30%, ce qui signifie une certaine inégalité des chances au détriment des femmes. Malgré l'équité et l'égalité de chances enregistrées dans 11 pays parmi 17, le bilan reste assez négatif dans plusieurs pays tel qu'en Egypte, en Irak, en Mauritanie, au Maroc, en Syrie et au Yémen. D'autre part, le rapport a enregistré un certain déséquilibre dans les spécialités. Ainsi, les 2/3 des étudiantes dans tous les Etats arabes, même dans les pays où le pourcentage de filles dépasse celui des garçons, privilégient les études en sciences humaines et sociales (Lettres, arts, management et sciences sociales) et le 1/3 restant se rue vers les sciences de la vie et de la santé. La recherche scientifique et la femme : le maillon faible En outre, le rapport a pointé du doigt la faible représentation de la femme dans le domaine de la recherche scientifique (inscrites en mastère et/ou en thèse de doctorat). Le pourcentage des étudiantes inscrites en mastère n'a pas dépassé les 5,4% en 2008 alors qu'en 1998, on en comptait déjà 4,9%. En parallèle, pour les inscrites en thèse de doctorat, le rapport a révélé aussi une faible progression du pourcentage avec 1,3% en 2008 contre 0,9% en 1998. Et de 5 millions d'étudiants, on n'a pu cerner que 63,9 mille inscrits en thèse de doctorat et 273,2 mille en mastère. En revanche, tous les rapports nationaux réalisés dans les Etats arabes sont unanimes sur le fait que la recherche scientifique dans le monde arabe reste victime d'une infrastructure faible et inappropriée où l'étudiant est tout le temps handicapé par un manque de matériels dans les labos et les unités de recherches‑; une programmation qui ne favorise pas la recherche, où le chercheur est condamné à faire de la recherche pour la recherche alors que dans d'autres cieux la recherche reste étroitement liée à la sphère économique du pays et travaille en symbiose. D'autre part, la recherche scientifique dans le monde arabe accuse un manque de financement sans parler de l'immigration des compétences et de la matière grise vers l'étranger ce qui paralyse amplement l'évolution de la recherche dans la région. Néanmoins, malgré une forte présence de la gent féminine dans l'enseignement supérieur, les chiffres nous révèlent une faible implication de la femme dans les études scientifiques analytiques et technologiques. Et cela est dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord, il y a toujours une inégalité entre l'homme et la femme dans les sciences. Ensuite, il y a un certain décalage dans le niveau scientifique et technologique entre les pays arabes. Ainsi, dans certains pays, les filles représentent le grand pourcentage sur tous les niveaux d'études avec des résultats toujours meilleurs par rapport à ceux des garçons. D'autre part, la majorité des filles choisissent les branches de lettres et de sciences humaines (72,7%), d'autres sélectionnent les branches des sciences de la vie et de la santé (61,7% en médecine). A noter que plusieurs branches scientifiques dans plusieurs pays arabes restent exclusivement destinées à la gent masculine telles que : les sciences physiques et de la matière, les mathématiques, l'ingénierie. En Tunisie, la femme est très bien représentée dans le domaine de la recherche scientifique où elle présente des pourcentages semblables à celles qu'on trouve dans des pays développés comme La France, par exemple. En effet, 28% des chercheurs en sciences de base sont de sexe féminin. La plupart d'entre elles se concentrent dans les branches des sciences de la vie et biologiques (45% des chercheurs), en sciences physiques et ingénierie (15%). La Tunisie, un exemple à suivre Ainsi, pour que plusieurs pays puissent suivre le chemin emprunté par la Tunisie, plusieurs mesures doivent être prises pour une meilleure intégration de la femme arabe dans la recherche scientifique. Les femmes arabes devraient être encouragées à poursuivre des études supérieures jusqu'au mastère et au doctorat et à rejoindre les programmes de développement professionnel accessibles aux titulaires d'un doctorat. Des centres de recherche, qui montrent une ouverture aux femmes devraient être encouragés et soutenus et des centres d'information et de documentation, devraient être créés pour suivre la situation des femmes arabes dans les sciences et technologies, enregistrer les lois et règlements relatifs aux femmes et évaluer les activités des femmes arabes dans ces domaines. Des centres d'innovation et de créativité devraient être fondés et les femmes encouragées à les rejoindre. De plus, la recherche devrait être encouragée et des récompenses devraient être accordées aux meilleurs parmi les chercheurs. Un soutien devrait être apporté à la participation des femmes aux conférences internationales, séminaires et réunions dans le monde arabe et ailleurs, afin de développer leurs relations avec d'autres experts internationaux, arabes et non-arabes, en vue d'améliorer leurs compétences. Il conviendrait de créer des bases de données relatives aux femmes arabes spécialistes en sciences et technologies, et de préparer la publication périodique d'une bibliographie comportant leur curriculum vitae et leurs réalisations. Les informations recueillies devraient être diffusées dans les pays arabes et les organisations internationales au moyen de réseaux d'information comme l'Internet. Tous les moyens de communication, y compris les mass-média, ainsi que la promotion professionnelle doivent être utilisés pour favoriser la participation des femmes aux conférences internationales, séminaires et réunions dans le monde arabe et ailleurs, afin de les mettre davantage en contact avec l'expertise internationale, en vue d'améliorer leurs compétences. Inciter les sociétés civiles à adopter la recherche scientifique et y encourager l'intégration de la gent féminine. Il reste à rappeler que la Tunisie a été parmi les pays pionniers en créant des associations traitant ce sujet, à l'image de l'Association de la Femme et les Sciences, créée en 1998 et qui œuvre à encourager la femme et surtout les jeunes filles à s'investir davantage dans les sciences et les recherches scientifiques et technologiques tout en mettant en valeur les efforts de la femme dans ce domaine. Enfin, créée un Prix de la recherche scientifique à l'échelle arabe comme c'est le cas en Tunisie depuis 2008 où sur l'initiative de Son Excellence le Président M. Zine El Abidine Ben Ali. Ce prix récompense la meilleure recherche scientifique dans le domaine des sciences et technologies de l'environnement, élaborée par une compétence féminine, de nationalité tunisienne, ayant fait l'objet d'une publication.