Les chiffres ont envahi les plaques de nos rues. Alors que notre histoire foisonne de célébrités auxquelles on devrait rendre hommage en attribuant leurs noms aux avenues et aux rues des cités. Il est fréquent de voir, surtout dans nos nouvelles cités périphériques, des noms de rue composés essentiellement de chiffres au lieu des lettres et de noms grandissimes. Une solution de facilité incolore, inodore... et de la platitude à revendre... Rendant la mémorisation difficile et les recherches de ces rues ainsi que leur localisation encore plus difficiles. Certaines communes ont préféré nous éclairer et nous donner des leçons interminables de sciences naturelles en puisant à tour de bras dans le lexique de la géographie botanique et les diverses espèces végétales. Ceci, sans parler de l'orthographe des terminologies souvent massacrée. Ajouter à cela la traduction parfois boiteuse et inexacte des vocables. Du n'importe quoi... et du n'importe comment... «musiqué» par n'importe qui! Puisque les services concernés ne sont pas forcément tenus par des cadres ès qualités. Où l'on case parfois des gens qu'on aurait eu du mal à caser ailleurs... Au lieu d'y affecter des éléments qui brillent par leur savoir, leur savoir-faire et leur culture générale. Pour optimiser l'intérêt de ces plaques, au cas où l'on se serait résolu à rendre, par leur biais, des hommages posthumes à nos célèbres ancêtres, l'on serait bien inspiré si l'on songeait à les assortir de petits écriteaux disant aux profanes qui sont exactement ces personnages. Car, notre société, à commencer par beaucoup de nos jeunes, semble souffrir d'un déficit culturel fort regrettable. Ceci était dû à un déficit de curiosité et à une grande désaffection pour le savoir, à travers la lecture. Et les recensements fraîchement opérés à ce sujet ne sont pas là pour nous contredire. Et même l'outil informatique dit magique n'a eu aucun effet, magique, sur la triste tendance de nos jeunes à tourner le dos à la culture générale. Et Internet, cet instrument fabuleux d'échange d'informations et de formation, est devenu, pour beaucoup, une source de désinformation et un facteur d'abrutissement. Puisque facebook, twitter, etc. ont tôt fait de surclasser et damer le pion à Google, Wikipedia, et... Idem pour les programmes télévisés. Rotana tarab, Rotana aflam, Star Académie et compagnie ont fait perdre l'esprit des petits esprits parmi la jeunesse féminine. Celle-ci n'ayant bon esprit et de curiosité que pour connaître l'issue des compétitions artistiques, les noms des heureux nominés et des malheureux éliminés. Aucune attention et aucun intérêt ou presque pour le film documentaire qui, à défaut de lecture et de documentation, aurait pu combler, à moindres efforts, le déficit culturel. Tenez, il n'y pas si longtemps, alors que j'étais absorbé par mes travaux rédactionnels sur le fond sonore et la musique douce de ma radio, j'ai été subitement soustrait de ma profonde concentration par une émission de variétés en direct. Une intervenante, hors de ses gonds, s'accapara l'antenne pour protester énergiquement contre le nom attribué à la rue où elle réside, celle de Mosbah Jarbouâ ! L'intéressée se dit malade de cette appellation de «mauvais goût». «Ayant, précise-t-elle, toujours du mal et de la gêne à indiquer et localiser son adresse». Surtout qu'elle s'avoue allergique aux rats, aux souris et à toute cette catégorie de mammifères ! Aussi éberlué et scandalisé que moi par cette bavure, l'animateur perd ses mots et ne semble pas trouver la bonne manière de stopper l'élan de l'intéressée et de lui démontrer son absurdité. Il s'est contenté, dans une colère rentrée, de dire deux mots sur le passé glorieux de ce combattant, originaire de Béni Khédache (Médenine), qui a mené farouchement la rébellion contre la France coloniale, et s'est fait tuer en 1958 par un raid aérien. C'était pourtant facile à savoir. Il suffisait de taper sur le clavier pour nous éviter le ridicule et éviter de se ridiculiser !