Le projet est tellement vital pour la réconciliation de Sfax avec son littoral que le site doit être débarrassé de toute trace d'industries polluantes L'exaspération chronique de la société civile à l'égard du laxisme des pouvoirs publics vis-à-vis de la dégradation préoccupante de la situation environnementale à Sfax, vient d'être ravivée par ce qui est qualifié d'indigence du programme de visite du ministre de l'Investissement et de la Coopération dans la région, à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Environnement, programme réduit à de simples opérations de nettoyage et loin de s'attaquer en profondeur aux véritables problèmes de la région. Tergiversations de l'Etat L'occasion vient d'être saisie par le collectif Environnement et Développement, réunissant sous sa bannière une cinquantaines d'associations, pour rendre public un communiqué où il est reproché au gouvernement sa procrastination ainsi que l'inanité de ses décisions dans le traitement des dossiers de la Siape et du projet Taparura et où il lui est demandé d'activer les résolutions antérieures y afférentes et de rompre avec les tentatives répétées de contourner les décisions des conseils ministériels successifs,relatifs à la fermeture de la SIAPE et à l'aménagement du projet Taparura. Tout en mettant l'accent sur la nécessité absolue de démonter carrément la Société industrielle d'acide phosphorique et d'engrais (SIAPE), avant la fin 2016, la société civile réprouve «le reniement par l'Etat de ses engagements concernant le projet Taparura, dit «projet du Siècle». Déclarations rassurantes Il y a là a priori de quoi s'étonner dans la mesure où, lors de la journée consacrée audit projet, il y a quelques jours à Sfax, le ministre de l'Equipement, Mohamed Saleh Arfaoui, a tenu des propos des plus rassurants : «l'Etat respectera ses engagements relatifs au projet Taparura , adoptés au cours d'un conseil ministériel tenu le 18 janvier», annonçant «l'élaboration d'une étude de dépollution des côtes sud de Sfax et le déplacement de la voie ferrée et des deux stations de voyageurs et de marchandises relevant de la Société nationale des chemins de fer (SNCFT) afin de garantir la liaison entre le projet et le centre de la ville de Sfax». Des promesses en l'air La société civile serait-elle alors en train de défoncer des portes ouvertes ? «Que non ! s'indigne le docteur Anouar Abdelkéfi, membre du comité de pilotage du collectif de la société civile, nous sommes déjà suffisamment édifiés par les expériences tant lointaines que récentes pour avoir la conviction qu'il ne s'agit que de promesses en l'air ! Le souvenir encore vivace de la mésaventure de SfaxEl Jadida et des décisions écologiquement catastrophiques ayant entraîné un sevrage douloureux des citoyens du plaisir de la baignade et même des divers activités et sports nautiques, nous amène à être plus vigilants et plus précautionneux. Rendez-vous compte ! La NPK, la SIAPE, les Salines, le déplacement de la voie ferrée, Granifos, le transport à ciel ouvert du phosphate et du soufre, etc. Tout un enchevêtrement de facteurs qui ont fini par établir un barrage physique, sanitaire et psychologique (fort sentiment de frustration et de nostalgie), entre la ville et son littoral, durant une cinquantaine d'années». Il est évident, ainsi, que le fléau de la pollution s'étant inscrit dans la durée, la suspicion a pris racine, comme en témoignent les réactions des militants de la société civile . De nombreux indices concordent à révéler que le ministre de l'Equipement n'a pas l'intention de mettre en application les accords conclus concernant la stratégie citoyenne relative aux projets environnementaux dans la région. Son souci majeur est de vendre le projet, quelles que soient les conditions. D'ailleurs, le pouvoir central n'a pas bougé d'un iota par rapport à ses modes de fonctionnement déjà connus sous l'ancien régime. Il continue d'ignorer les propositions et autres études élaborées à l'échelle locale, a poursuivi M. Abdelkefi. Stratégie régionale cohérente Pour ce qui est du projet Taparura, Anouar Abdelkéfi fait remarquer l'adoption sur le plan régional d'une stratégie cohérente, adoptée en parfaite concertation avec l'ex-direction du projet. « La stratégie est le fruit d'un travail minutieux et du concours fécond d'experts locaux, nationaux et internationaux notamment marseillais et barcelonais dont les expériences présentent pas mal de similitudes avec celles de Sfax. Comble du paradoxe, après avoir été entérinées par une commission interministérielle composée des principaux ministères concernés par le projet, puis adoptées, le 20 novembre 2012 par un conseil ministériel, les sept conditions de réussite du projet, définies de façon collégiale à Sfax, ont été malheureusement ignorées par la suite, avec les changements successifs de gouvernement». Revirement ministériel Notre interlocuteur rappelle à ce propos que le Conseil a recommandé d'accélérer l'application des sept conditions retenues. Mais ne voilà-t-il pas que le ministre de l'Equipement a fini par opter de façon unilatérale pour un plan d'aménagement urbain (PAU), mettant en bémol les conditions de réussite du projet. «Cela veut dire que celui-ci qui devait être la continuité de Sfax sur la mer et se situer en plein centre-ville (continuité des deux avenues Ali Belhouane et Habib Bourguiba), va être accessible à 5 km du centre-ville, a expliqué M. Abdelkefi. Sous prétexte que le déplacement de la gare constituerait un problème difficile à résoudre. D'autre part, la fermeture de Granifos, et la fin des transports à ciel ouvert du phosphate et du soufre sont constamment remis aux calendes grecques. C'est ce qui explique notre refus de cette démarche qui consiste à abandonner une stratégie citoyenne participative étalée sur quatre ans au profit d'une initiative centrale verticale imposée». Ainsi, pour le collectif de la société civile, il n'est pas question de transiger sur la continuité et la communion entre le site de Taparura et le centre-ville. De plus, le projet est tellement vital pour la réconciliation de Sfax avec son littoral que le site doit être débarrassé de toute trace d'industries polluantes. Le mot d'ordre est, à ce propos, sans ambages : «Nous sommes déterminés à nous opposer par tous les moyens légaux à toute initiative contraire».