Sfax, la mal-aimée, a toujours été marginalisée Par Moncef KAMOUN* LA ville a connu quatre décennies d'oppression et d'abandon. Habib Bourguiba, d'abord, qui se méfiait de ceux qu'il surnommait les «Sfaxistes», a bien abandonné la ville. En 1952, Sfax a vu s'implanter la Siape, une usine extrêmement polluante à 4km du centre-ville, puis dans les années 60, Bourguiba, conseillé par ses proches fidèles sfaxiens, a donné l'ordre de construire une usine aussi polluante : la NPK, qui a été implantée au bord de la mer de l'autre côté de la ville comme si c'était pour mieux polluer Sfax et sa mer. Quant à Zin El Abidine Ben Ali, il avait peur de tout ce qui bougeait à Sfax. Alors il n'a pas seulement poursuivi l'abandon de la deuxième ville du pays mais il a aussi attaqué toutes les entreprises créées par les élites de Sfax au point de prendre de force le contrôle des meilleures d'entre elles dans tout le pays. Sfax l'unique ville côtière au monde qui tourne le dos à la mer La pollution n'est pas uniquement provoquée par des déchets solides mais aussi des déchets liquides et la pollution atmosphérique. La production d'une tonne de phosphate dégage 5 tonnes de phosphogypse. C'est ainsi que la Siap a cumulé le phosphogypse résultant de son activité dans une montagne de 63 mètres de hauteur avec une base au sol sur les rives de la mer égale à deux fois la surface de la médina de la ville de Sfax. Les unités de traitement de phosphate telles que la NPK et la Siape ont fortement contribué à la dégradation de l'environnement. La zone située au sud des ports fait l'objet de rejets des eaux traitées par la station d'épuration de l'Onas et des rejets de la Siape. C'est ainsi que la pauvre ville se trouve obligée de tourner le dos à la mer La qualité de la vie et l'état des infrastructures et des équipements publics sont indignes de Sfax. Elle a aujourd'hui un taux de mortalité nettement supérieur à la moyenne nationale en raison d'une pollution qui sévit depuis les années 50 et un taux de mortalité sur les routes supérieur à la moyenne nationale en raison de l'état des routes. Aujourd'hui, toute l'infrastructure de Sfax est loin d'être à la hauteur de sa population et de son dynamisme économique. Taparura ou le rêve impossible En1985, la société d'aménagement des côtes nord de la ville de Sfax a vu le jour. Elle est connue sous le nom de projet Taparura, un projet urbain situé au nord de la ville. Il vise à transformer une zone de 420 hectares située sur la côte, impactée par des rejets industriels (phosphogypse et métaux lourds), en un quartier urbain et touristique. Sur les 420 hectares, 260 devraient être gagnés sur la mer Méditerranée. 21 ans après, en 2006, les travaux de la première phase ont débuté. Il s'agit de travaux de dépollutions et de remblaiements, qui consistent à décaper une zone de 400 hectares, d'excaver un volume de 4,3 millions de m3 de sol pollué (phophogypse et métaux lourds). Les travaux ont coûté près de 90 millions d'euros, financés en grande partie par la Banque européenne d'investissement (BEI) et les gouvernements belge et français. Taparura ou le projet des promesses Ils sont tous passés par Taprura en visitant Sfax. D'abord Ben Ali et ses ministres avant la révolution. Après le 14 janvier, tous les autres sont passés par Taparura. Le chef du gouvernement provisoire, Ali Laârayedh, qui annonce un mardi 18 juin 2013 le transfert de la station ferroviaire de la ville de Sfax, qui entrave l'accès à la zone du projet M. Hédi Larbi, ministre de l'Equipement, de l'Aménagement du territoire et du développement durable du gouvernement de Mahdi Jomaâ Et M. Hafedh Laâmouri, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, qui a déclaré en visitant Sfax que la réalisation du projet Taparura sera relancée avant la fin 2014, et qu'un conseil ministériel sera consacré à ce projet. Mais sur le terrain rien ne bouge et Sfax attend. En fait, la prochaine phase la plus importante consiste en la viabilisation. Quelque 260 hectares seront aménagés et destinés à la création d'une ville de 22.000 habitants, 4.700 logements, des zones de tourisme (d'affaires et balnéaire, 2.600 lits), une plage de 3 km de long, des équipements commerciaux, administratifs, de santé, d'enseignement, sportifs, de loisir et de culture, des parkings souterrains et en surface, des espaces verts et, naturellement toute l'infrastructure de base nécessaire. On entame donc la phase la plus dure à résoudre parce qu'il faut des décisions politiques (déplacement de la voie ferrée et l'avenir du port). Il faut aussi et surtout des moyens financier estimés à 4 millions de dinars. Alors ce n'est certainement pas une direction publique classique qui pourrait résoudre ou même convaincre des décideurs indifférents et les investisseurs étrangers Pour que Taparura devienne réalité Le projet est grandiose certes mais rien n'est impossible quand on décide de réaliser nous-mêmes nos rêves. Il faut croire pour y arriver et être passionné et fonceur, car un véritable entrepreneur bâtit son entreprise par passion. Il faut à notre avis une équipe pluridisciplinaire qui croit au projet et à son importance pour la ville de Sfax qui a été privée de sa mer pendant plus que 40 ans. Une équipe formée par des personnes qui saventse donner le pouvoir d'agir quand les choses deviennent difficiles. En effet, croire en soi, c'est se permettre de voir ce que nous voulons et se donner l'énergie dont nous avons besoin pour l'obtenir. Croire en soi, c'est se battre encore et encore sans jamais renoncer. Je peux vous garantir que toutes les personnes qui obtiennent des résultats hors du commun ont cette incroyable capacité de croire en leur potentiel quoi qu'il arrive. Peu importe les difficultés qui se dressent sur leur chemin. Vos croyances deviennent réalités. Il n'existe pas de grande réussite sans un engagement profond, l'engagement de continuer, de persévérer quoi qu'il arrive, l'engagement d'affronter les obstacles avec courage. Ce qui fait vraiment la différence, c'est votre aptitude à croire en vous, à croire que vous allez pouvoir le faire, que vous allez réussir. M.K. *Architecte