Par Khaled TEBOURBI Peu de bons concerts cet été, mais de vives palabres «festivalières» sur les chaînes, les antennes et tout particulièrement sur Facebook : à quoi cela est-il dû. A l'encombrement des spectacles sans doute, peut-être aussi à la surmédiatisation qui l'a relayé. Il est une autre cause : tout le monde est juge des musiques et des chants. Pas que les «peoples» pas que le grand public : c'était déjà chose courante, la nouveauté, cette année, est que ce sont les protagonistes eux-mêmes qui s'arrogent le dernier mot. On en a vu qui, dès leur descente de scène, se sont empressés de clore les débats, décrétant leur réussite, et épinglant au passage tous ceux qui «osent suggérer» le contraire. Haro sur la critique surtout : de quoi se mêle-t-elle, donc, quand plus personne n'a besoin de son avis? Bref, plus de valeurs, plus de références, plus de hiérarchies musicales, que des impressions, des goûts et des couleurs, des penchants, des affirmations, des auto-proclamations; ma parole contre la tienne : un vent de poujadisme souffle sur la chanson. De quoi attiser les inquiétudes. Où va la musique, en effet, si au lieu de combattre la crédulité générale, des artistes cherchent à en tirer bénéfice? A ces extrêmes, la dérive n'est certainement pas loin. Vite comblées, vite déçues Où résidait la faille? Pour ne prendre que l'exemple de «Carthage 2010», l'erreur, nous semble-t-il, a été de «donner à chacun sa chance», sans trop regarder aux profils, aux parcours, aux dossiers. On ne programme pas sans risques des chanteurs qui n'ont pas l'expérience des grandes scènes, pas d'auditoires, pas vraiment de répertoires. A dire vrai, c'était les condamner d'avance à l'échec. Et les artistes supportent mal l'insuccès. Les plus fragiles ne l'admettent guère. Les palabres médiatiques, les dénonciations et les invectives sur le web viennent de là, de ces ego frustrés, blessés, de ces vanités vite comblées, vite déçues. Il eût fallu tout prévoir : l'impréparation, les mauvaises prestations, les manques d'audience, les échecs, le tollé. On n'y a pas pensé quand cela tombait sous le sens, quand il était encore temps, qu'on en tire au moins la seule, l'unique leçon : ne plus se fier qu'aux meilleurs de la place, ceux qui sont «armés pour», ceux qui font et tiennent l'affiche. Pas d'égalitarisme qui vaille dans l'art. Les autres doivent d'abord faire leurs preuves. Ils attendront. D'une critique d'accompagnement Chahrazed Hellal trouve la critique de son récital aux nuits d'El Abdellia (La Presse du 26-08) «plutôt dure» sinon «injuste». Elle nous le dit, néanmoins, avec politesse et retenue. Elle n'est pas allée crier son dépit sur Facebook, c'est déjà bon signe. Reste qu'il faut que l'on s'entende sur un point : si la critique se fait pointilleuse, c'est que l'artiste vaut bien le déplacement. C'est le principe de la vieille garde du journalisme culturel et on s'y maintient. Le but est d'accompagner les talents, d'essayer de les orienter vers les meilleurs choix de carrière, de leur éviter la tentation des chemins faciles. D'où la sévérité, la dureté et parfois les injustices à leur égard. Chahrazed Hellal fait partie des rares belles voix révélées au seuil du nouveau millénaire. Le bon cru de «la génération 2000», les Rihab Essghaïer, Hassan Dahmani, Olfa Ben Romdane, Mehrezia Ettouil, etc. la relève la plus sûre pensait-on alors, pense-t-on encore. Cette petite et nouvelle élite tarde cependant à s'affirmer, à avancer par elle-même, à imposer son label propre, ses propres créations, sa propre personnalité. Et le fait qu'elle se confine toujours dans les imitations et l'interprétation des répertoires anciens nous incite à réagir. Les années passent vite et il est à craindre que ce précieux potentiel vocal ne s'effrite ou ne se banalise. Ce risque, seul, motivait notre écrit. Et non point le plaisir creux de rédiger un article contrariant. Les reproches faits au récital de Chahrazed Hellal étaient de cet ordre. Ni plus, ni moins. Bonne continuation.