Au palais de Carthage, on négocie aujourd'hui la feuille de route qu'aura à appliquer le prochain gouvernement d'union nationale. L'opposition agira en rangs serrés, alors que Nida Tounès et Afek Tounès s'enlisent dans la parlotte comme toujours Aujourd'hui, mercredi 22 juin, le président Béji Caïd Essebsi rencontre de nouveau au palais de Carthage les participants au dialogue national qui ne dit pas son nom sur la formation du gouvernement d'Union nationale auquel il a appelé il y a maintenant trois semaines. Aujourd'hui, le palais de Carthage accueillera les représentants des partis au pouvoir, de l'Ugtt, de l'Utica et de l'Utap et aussi les leaders de Machrou Tounès, d'Al Massar, d'Echaâb, d'Al Joumhouri et peut-être un représentant du Front populaire au cas où on arriverait à convaincre le Parti des travailleurs, l'une des composantes essentielles du Front, de répondre à l'invitation présidentielle. Et la nouveauté, cette fois, est que les partis de l'opposition invités, en dernière minute, sur insistance de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), viendront en rangs soudés munis d'une feuille de route claire et détaillée mise en œuvre par les experts appartenant à ces mêmes partis et à l'Ugtt qui se sont réunis ces derniers jours pour préparer un texte-document qui répond à celui envoyé aux participants par les services de la présidence de la République, le document présidentiel comprenant, en réalité, deux documents, le premier sur les objectifs qu'aura à réaliser le gouvernement d'union nationale et le second sur la structuration de ce gouvernement (réduction du nombre des ministères et possibilité de création de quatre pôles ministériels qui seront dirigés par des ministres représentant les quatre partis de la coalition). Les contenus d'abord, les personnes ensuite Hier, Samir Taïeb, secrétaire général d'Al Massar, a parlé longuement sur une radio privée de ce que les partis de l'opposition diront aujourd'hui au président Béji Caïd Essebsi et aux partis de la coalition au pouvoir. «Nous évoluons au sein d'une coordination qui a élaboré un document portant sur les contenus, les orientations, les priorités et les choix de développement qu'aura à adopter le gouvernement d'Union nationale. Pour le moment, nous considérons que l'heure n'est pas encore au choix de la personnalité qui sera désignée pour former le prochain gouvernement et le conduire. L'essentiel maintenant est de nous entendre sur un programme commun qui sera appliqué par un gouvernement d'union nationale et je me trouve dans l'obligation de rappeler qu'un gouvernement d'union nationale est nécessairement composé de ministres représentant la majorité issue des législatives, d'une part, et de ministres représentant, d'autre part, l'opposition. Mais, il faut tout de même faire remarquer à ceux qui veulent réinventer la roue qu'un gouvernement d'union nationale est obligatoirement dirigé par une personnalité indépendante qui n'appartient à aucun parti et qui n'a d'attache ou de préférence pour aucune formation politique même si sa présence sur la scène est insignifiante». Y a-t-il des personnalités qui pourraient bénéficier du soutien des partis de l'opposition qui agissent désormais en coordination, parlant le même langage et partageant les mêmes objectifs ou priorités ? Samir Taïeb assure : «Tous les noms qui circulent dans les médias et les réseaux sociaux ne répondent pas aux profils exigés. Et puis, nous avons décidé, cette fois, de ne pas refaire les erreurs du passé récent. Nous avons convenu qu'il faut que nous nous mettions d'accord, d'abord, sur les contenus puis nous passerons au choix des personnes». Reste à savoir si l'opposition, en particulier celle non représentée au Parlement, sera présente au sein de la future équipe ministérielle ? Le S.G. d'Al Massar, qui semble s'exprimer au nom de la coordination des partis de l'opposition chapeautée par l'Ugtt, même si on ne le dit pas clairement, répond : «Tout dépendra des résultats du dialogue qui portera aujourd'hui sur la feuille de route que nous allons soumettre à nos partenaires. Au cas où nos propositions seraient retenues, nous serons représentés au sein du prochain gouvernement. Toutefois, nous rejetons l'idée des pôles ministériels qui seront dirigés par des superministres, dans la mesure où cette structuration empêchera le chef du gouvernement d'accomplir sa mission dans les règles de l'art et l'on se retrouvera dans la pratique avec quatre ou cinq gouvernements agissant chacun selon l'agenda du parti qui le soutient». Les nidaistes, toujours désunis Du côtés des nidaïstes, on multiplie les rencontres internes et les déclarations de soutien à l'initiative présidentielle et d'appel à la démission du chef du gouvernement. Parallèlement, aucune position commune ne se dégage de ces réunions et sorties médiatiques ni sur les priorités du prochain gouvernement ni sur la personnalité qui va le former. Zohra Driss ne mâche pas ses mots et déclare : «Quelle œuvre utile a déjà réalisée Slim Chaker pour que Nida Tounès le propose à la tête du prochain gouvernement ?». Lazhar Akremi, le fondateur revenant au parti avec la bénédiction de Si El Béji, préfère, cette fois, se garder d'une petite phrase assassine dont raffolent les journalistes (Et Lazhar manque beaucoup à ses amis journalistes) quand on lui demande son avis sur les chances de Nabil Karoui. Il se contente de dire : «No comment» dans une interview accordée à Tunis-Hebdo du lundi 20 juin. Quant à Nabil Karoui, il assure, de son côté, au journal «Achrâa Al Maghrebi» qu'il n'est pas candidat au palais de La Kasbah ni même à un poste de ministre. «Je fais de la politique pour servir mon pays ni plus ni moins et je n'ai besoin, Dieu merci, ni d'une voiture ni d'une maison». Et ce sont bien son engagement inconditionnel au service de la Tunisie et son attachement à sauver la Tunisie de la dérive qui obligent à dénoncer «les comportements irresponsables de Hafedh Caïd Essebsi» et à lui dénier «la qualité de négocier au nom de Nida Tounès alors que le parti ne lui a pas délégué le pouvoir de le faire». Il va encore plus loin en accusant Hafedh Essebsi de domestiquer le parti et d'y occuper tous les postes de direction comme si Nida Tounès était le ranch de la famille. Au sein d'Afek Tounès, on a le sentiment que les choses ne sont pas en train d'évoluer comme le souhaitent Yassine Brahim et ses camarades. Rym Mahjoub, la présidente du groupe parlementaire du parti, se confond dans les généralités du genre la lutte contre la corruption, l'amélioration du climat d'investissement, etc. et évite les questions sur la personnalité qu'Afek Tounès a choisi de soutenir pour former le gouvernement dont tout le monde attend l'annonce pour vendredi prochain, comme le confie à La Presse une source destourienne. Toutefois, on décèle dans l'analyse de Rym Mahjoub qu'au sein d'Afek Tounès, on est toujours sous la hantise de voir Beji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi couper l'herbe sous les pieds de tout le monde et sortir l'oiseau rare que personne n'attend, «surtout que Nida Tounès et Ennahdha, assure-t-elle, ont décidé d'affronter ensemble les élections municipales approchant à grands pas».