Pointer avec sa caméra oppression, censure et violence et se ranger du côté de l'espoir, au programme des films au Fort de Bizerte. Du 9 au 12 juillet, la ville de Bizerte et son Fort espagnol renouent avec le cinéma de plein air. Comme l'année dernière, c'est juste après l'Aïd que vont avoir lieu les rencontres cinématographiques de Bizerte dans leur 5e édition. L'événement organisé chaque année par l'association Bizerte cinéma, présidée par Mohamed Salah Fliss, propose à son public projections, débats, ateliers et table ronde. Le coup d'envoi sera donné samedi soir avec un spectacle musical de la troupe Mnara, suivi du documentaire «No land's song». Ce film qui a beaucoup fait parler de lui est réalisé par l'Iranien Ayat Najafi et est sorti en mars 2016 en France. Sa thématique à mi-chemin entre le culturel et le politique donne une image différente de l'Iran et tente de briser un grand tabou de ce pays fascinant et mystérieux à la fois. «En Iran, depuis la révolution de 1979, les femmes n'ont plus le droit de chanter en public en tant que solistes. Une jeune compositrice, Sara Najafi (sœur du réalisateur), avec l'aide de trois artistes venues de France, va braver censure et tabous pour tenter d'organiser un concert de chanteuses solo». Le combat de ces artistes est filmé et retracé par Ayat Najafi qui va dire dans le film si elles sont parvenues à réaliser leur rêve. L'une des chanteuses embarquées dans l'aventure est la Tunisienne Emel Mathlouthi, avec les Françaises Elise Caron et Jeanne Cherhal. Leur projet musical tourne autour d'un chant traditionnel révolutionnaire iranien, «Morg-e Sahar» (L'oiseau de l'aube), interprété pour la première fois dans les années 20 par la chanteuse mythique Qamar. Quant à la démarche du film, son réalisateur explique qu'il a opposé la détermination et la «fausse naïveté» de Sara aux interdits rencontrés. «Cela nous a permis de filmer et d'enregistrer (en caméra cachée) toutes ses démarches auprès des autorités, ses rencontres avec les représentants politiques et religieux, et d'éclairer la "logique" de la censure qu'impose le régime», résume-t-il. Le lendemain, la soirée sera dédiée à la Palestine avec la fiction «Girafada» (2014) de Rani Massalha. Elle a comme personnage principal Ziad, un garçon de 10 ans solitaire et rêveur, qui vit avec son père veuf Yacine, vétérinaire au zoo de Qalqilya, le seul de Cisjordanie. Ziad a noué un lien fort avec le couple de girafes du zoo, Brownie et Rita, dont il s'occupe personnellement... La suite des événements va impliquer la seconde Intifada, l'opération Rempart à ce moment-là déclenchée par l'armée israélienne et une aventure humaine pour sauver la vie des animaux du zoo. Cette soirée sera suivie le 11 juin par une projection de courts-métrages tunisiens : «Saida Manoubia et l'Islam soufi» de Emna Ben Miled et Samed Hajji, «Kabrane» de Charfeddine Ferjani, «Pousses de printemps» de Instissar Belaïd et «Ici et maintenant» de Abdallah Chamekh. Au programme de la clôture, un récital de Ihsen Laribi et la projection du documentaire libanais «74, la reconstitution d'une lutte», réalisé en 2011 par Rania et Raed Rafei et qui porte sur «une révolte étudiante à Beyrouth dans les années 70 vue à travers le regard de jeunes militants de gauche d'aujourd'hui». Oppression, censure et violence sont les thèmes clés de la programmation de cette 5e édition des rencontres cinématographiques de Bizerte. Les films qui questionnent l'absurdité du monde seront accompagnés par une réflexion sur «Images et violence, violence de l'image», lors d'une table ronde organisée le 10 juillet matin au cinéma le Majestic, avec comme intervenants Annie Berger, Anne Grange, Kamel Ben Oueness et Mohamed Salah Fliss. La naissance de cette salle de cinéma qui persévère a d'ailleurs été annoncée durant la précédente édition des rencontres. Comme chaque année, celles de 2016 prévoient un atelier de tournage animé cette fois par Samed Hajji. Un bulletin quotidien réalisé par Naceur Sardi et Habib Meddeh sera distribué quotidiennement au public, du 9 au 12 juillet au Fort de Bizerte.