Par Khaled TEBOURBI Les festivals démarrent.Comment vont-ils ? Sur ce que montrent les débuts de «Hammamet» et de «Carthage», bien, plutôt bien:les publics affluent, sourires aux lèvres, malgré les prix, toujours hauts , bien que «revus». Sur ce qu'en présentent les directions, mieux. A certains égards, «exagérément» mieux. Le discours festivalier prend comme de l'enflure cette année. Distille un semblant de «cocorico». L'impression est celle d'une confusion(en tout cas non avenue pour le moment)entre culture -loisir et culture-projet. La culture- loisir désigne, précisément, l'organisation de festivals. D'événements saisonniers ayant selon les cas(selon les destinataires, selon les endroits)ou vocation d'œuvres-spectacles, ou de programmes d'animation. La culture-projet est la culture de la réforme. La «macro-culture». Celle des structures et du développement. Lors des deux à trois premières décennies de l'indépendance, on l'appelait «la culture des bâtisseurs», par référence aux ministres de Bourguiba, Messaâdi, Klibi et Béchir ben Slama, notamment, qui lancèrent, eux aussi, des festivals à travers le pays, mais qui, simultanément, en amont, dotaient les régions de maisons de la Culture, de théâtres, de troupes de théâtre, introduisaient des clubs de musique, de cinéma dans les écoles et lycées. Pour tout dire, c'étaient les grands commis de l'éducation et des arts qui ne se suffisaient guère de mobiliser «par à-coups» des artistes, des spectacles ou des événements, mais qui mettaient toute leur conviction et toute leur imagination, toute leur influence et tout leur poids, pour les inscrire dans la continuité et la durée, pour les intégrer au corpus d' une véritable stratégie. Evidemment, tout cela a basculé depuis Ben Ali. Les dictatures ne concèdent à leurs peuples que des «jeux». Ce qui les divertit, les amuse, les conforte dans leurs «petits penchants». Ainsi elles les maintiennent «en l'état». Et six ans, après la révolution, on ne peut pas dire que la tendance a vraiment changé. Les intentions, sans doute, oui ; les volontés, peut-être, aussi. Les trois derniers ministres de la culture, rendons-leur cette justice, ont essayé de fonctionner à l'écart des luttes politiciennes ; ils ont eu leurs plans de réformes, ils ont même initié quelques actions. Mais on sait ce qu'il en fut ; ce qui a suivi. Instabilité, d'abord. Le plus gros des handicaps, ensuite : cette économie qui vacille, de l'avis des experts, de l'aveu des gouvernants , qui se «surajoute» à un financement public dépassant, juste, le zéro et quelque pour cent. Le parent pauvre du budget national n'a, dans l'immédiat, pour perspective que de camper dans son pécule, peut-être même de manquer encore de moyens, en attendant un bien improbable retournement de priorités. Il faut dire tout ça aux publics des arts, aux publics des festivals, aux publics du spectacle. Il faut leur dire ce qu'il en est, vraiment, de la culture (du parent pauvre des budgets), si elle ne recouvre encore que de simples loisirs, si elle peine à réaliser sa vocation de développement. Les «enflures» et les «cocoricos» ne servent qu'à ceux qui y trouvent leur intérêt.