En Tunisie, la femme rurale a toujours cristallisé l'attention des acteurs gouvernementaux et de la société civile. En effet, depuis l'avènement du Changement, la femme rurale a bénéficié de plusieurs plans et d'une multitude de mesures présidentielles qui visent à parachever le renforcement et la promotion des ressources humaines féminines dans le milieu rural, l'amélioration de ses conditions de vie, l'habilitation de ses capacités ainsi que la valorisation de sa participation dans la dynamique du développement communautaire. D'autre part, plusieurs études et enquêtes ont été réalisées sur la femme rurale par le Credif (Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme). Et dernièrement, à l'occasion de la fête nationale de la femme, un Conseil ministériel s'est tenu, mercredi 11 août 2010, sous la présidence du Président Zine El Abidine Ben Ali et qui a été consacré à l'examen de la concrétisation du programme présidentiel "Ensemble, relevons les défis", dans son volet relatif à la femme, la famille et l'enfance, la femme rurale s'est vu octroyer de nouvelles mesures en sa faveur. Avec un poids démographique aux alentours de 35,5% de la population féminine en Tunisie, la femme rurale est l'un des piliers socioéconomiques dans notre pays et renvoie une belle image de l'évolution de la gent féminine en Tunisie. En effet, quand on parle de femme rurale, on évoque la femme agricultrice. Ainsi, selon une étude réalisée par le Credif en 1996 sur les femmes rurales, l'emploi des femmes dans l'agriculture a connu, durant la période 1975–1984, une reprise due à une désertion progressive des hommes, attirés à l'époque par des flux migratoires internes et externes. Grâce à cette main-d'œuvre féminine, l'agriculture a continué à croître et cette substitution des femmes à l'emploi des hommes s'est opérée par l'émergence de nouvelles formes de responsabilité familiale et l'apparition du statut d'exploitant agricole. En 1984, le pays a connu un ralentissement de l'exode de la main-d'œuvre masculine, réduisant l'intensité de la pénurie de cette main-d'œuvre. Cette réintégration des hommes dans le secteur agricole relègue la femme et son rôle au second plan, même si elle continue à être aussi productive. Cette position subalterne des femmes rurales est en partie liée aux activités domestiques qu'elles accomplissent sans contrepartie directe et en raison des limites d'accès à la propriété dans le secteur agricole qui se fait dans une large mesure par l'héritage. Ainsi, les femmes rurales se trouvent ipso facto défavorisées, comme le dit si bien Mme Faten Bouktif, chargée de la formation internationale au Credif, dans son article «La femme rurale, acteur et partie prenante dans la société civile» paru dans le 36e numéro du bulletin d'information du Credif. Les femmes rurales : une réserve de main-d'œuvre En revanche, cette même étude nous révèle que d'une façon générale, les femmes n'occupent qu'une place réduite parmi les salariés agricoles, de un cinquième (1/5) à un quart (1/4) des effectifs selon les années et d'après les enquêtes du ministère de l'Agriculture : 23,5% de l'ensemble des salariés en 1990, 19% en 1993-1994 et 28,9% en 1994-1996. Selon les chiffres, la place des femmes est encore plus réduite, puisqu'elles ne représentent que 11,02% de l'ensemble des ouvriers agricoles en 1994. Elle est toutefois en progression, la part des femmes parmi les salariés est passée de 8,56% en 1989 à 11,02% en 1994. Toujours selon la même étude, c'est surtout parmi les salariés agricoles permanents que l'effectif des femmes est particulièrement limité : 3.000 personnes sur un total de 54.000 salariés permanents. Nonobstant ces chiffres, le salariat agricole saisonnier est par contre plus important, et les femmes y occupent une place grandissante. En 1993-1994, l'effectif total des salariés agricoles était de 200.000, parmi lesquels 146.000 salariés temporaires. Parmi les salariés temporaires, les femmes représentaient l'effectif de 35.000 personnes, soit 23,9%, et représentaient, en 1994-1995, 38%. Les femmes rurales constituent donc une réserve de main-d'œuvre dans laquelle on peut puiser une force de travail plus ou moins abondante en fonction des besoins de la campagne agricole. Main-d'œuvre particulièrement recherchée par les employeurs dans les secteurs de production intensifs (arboriculture irriguée, cultures maraîchères, cultures industrielles) et cela pour différentes raisons : main-d'œuvre docile, peu exigeante puisque acceptant un travail saisonnier et une faible rémunération (50 à 70% des salaires versés aux hommes) contrairement à la législation en vigueur. Néanmoins, d'après les statistiques officielles, les femmes ne représentent qu'une part infime des chefs d'exploitations agricoles. En 1994-1995, l'enquête de l'INS, Institut national des statistiques (Tunisie), sur les structures des exploitations agricoles fait état d'un total de 25.900 exploitantes contre 15.000 en 1990. Les chiffres disponibles restent très certainement en dessous de la réalité et ne tiennent pas suffisamment compte des situations où les femmes sont de fait chefs de l'exploitation, comme dans le cas de la pluriactivité, de l'émigration du mari ou du veuvage. Dans de nombreux cas, les femmes sont amenées à prendre en charge la responsabilité du ménage et de l'activité agricole quand cette dernière représente la source principale du revenu du ménage. La femme rurale : d'un acquis à un autre Mais voilà, depuis plus de vingt ans, la femme rurale bénéficie d'un intérêt présidentiel continu, vu l'importance de son rôle dans l'impulsion du développement global. Cette attention particulière s'est concrétisée à travers la mise en place de programmes, plans et mécanismes qui sont réalisés en faveur de cette catégorie sociale. La finalité réside donc dans le fait de consolider ses compétences, de l'intégrer au processus de développement durable, d'améliorer son sens de l'initiative et de lui permettre de contribuer au développement des revenus de la famille. Ainsi, de nombreux acquis ont été accomplis. En effet, dans son programme présidentiel, le Président Zine El Abidine Ben Ali a cerné des objectifs spécifiques conformément aux exigences de l'étape à venir dont, notamment, la mise en place d'un plan global pour l'amélioration de la condition de la femme rurale à travers la lutte contre l'échec scolaire et la réduction de l'analphabétisme, la promotion de la santé de la mère et de l'enfant, la diffusion de la culture des droits de la femme et de la famille, la généralisation et la mise à niveau des centres de la jeune fille rurale afin de renforcer son insertion socio-professionnelle. En outre, selon le ministère des Affaires de la femme, de la famille, de l'enfance et des personnes âgées, la réalisation de ces objectifs viendra renforcer les multiples acquis accomplis à la faveur du programme présidentiel «Pour la Tunisie de demain» (2004-2009), visant à promouvoir la condition de la femme rurale et à développer l'économie familiale, à travers notamment l'augmentation, d'ici la fin du XIe Plan de développement (2007-2011), de 5 % des crédits octroyés à la femme rurale pour des projets de développement agricole intégré. Or, depuis 1998, la Tunisie s'est doté d'une stratégie nationale en vue de consolider les réalisations accomplies en faveur de la promotion des conditions de la femme rurale. Le rapport 2008 de suivi de la stratégie signale que la femme rurale a bénéficié de 22 % du montant global des microcrédits alloués, tandis que sa part dans les investissements accordés par la Banque tunisienne de solidarité s'est élevée à 26,8 %. La jeune fille rurale représente 70 % des bénéficiaires des divers mécanismes de formation en artisanat. Le taux d'encadrement et d'insertion de la femme rurale a augmenté de 1,3 % de l'ensemble des femmes bénéficiaires des services sociaux, soit près de 10.705 femmes. En plus de ces réalisations, on enregistre l'amélioration des indicateurs de santé de la mère et de l'enfant en milieu rural. Ces acquis ont eu des incidences positives directes sur les conditions de vie de quelque 29.743 femmes vivant en milieu rural. Dans ce même élan de promotion des acquis, il y a eu : la création du Prix du Président de la République pour la femme rurale, d'une commission nationale pour la promotion de la femme rurale et de 23 commissions régionales, ainsi que la mise sur pied d'un pôle pilote de rayonnement pour la femme rurale à Aïn El Beya de la délégation de Fernana. Et récemment, à l'occasion de la Fête nationale de la femme, Son Excellence le Président Zine El Abidine Ben Ali a ordonné, lors du Conseil ministériel du 11/08/2010 qui a été consacré à l'examen de la concrétisation du programme présidentiel "Ensemble, relevons les défis", dans son volet relatif à la femme, la réalisation d'une étude sur l'abandon scolaire en collaboration avec les parties concernées pour en déterminer les causes, l'adaptation de la qualification professionnelle des bénéficiaires du programme national d'enseignement pour adultes pour leur permettre de créer des microprojets et de procéder à une évaluation minutieuse des programmes de formation dans les centres de la jeune fille rurale, au niveau de leur adaptation à l'évolution des besoins du marché de l'emploi, et ce, avant la fin de l'année 2011.