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L'économie de Bourguiba versus l'économie sous Bourguiba
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 08 - 2016


Par Samir AOUADI
On ne connaissait pas à l'homme une grande sensibilité économique. Juriste de formation et libéral d'obédience, il paraissait croire aux forces du marché et n'avait pas vu dès son accès au pouvoir que les attentes de la population à la faveur de la nouvelle indépendance étaient incommensurables et urgentes. Mansour Moalla, un des rares économistes cooptés au gouvernement des années soixante, évoquait dans une interview télévisée après la révolution, le mal qu'il trouvait à expliquer à Bourguiba les vertus et la nécessité de la planification économique qui le rebutait et qu'il considérait comme synonyme de socialisme.
A la fin des années 50, après quelques années de tâtonnements et surtout face aux problèmes posés par le processus de décolonisation, l'Etat tunisien a dû prendre conscience de la nécessité d'exprimer une volonté ferme de mobiliser les structures publiques pour apporter des remèdes à la situation économique, sachant qu'à l'époque l'initiative privée était pratiquement absente.
Cependant, le seul programme économique élaboré à l'époque était celui de la centrale syndicale, l'Ugtt, exposé lors de son congrès de 1956. Ainsi, le président Bourguiba appela-t-il en 1961 Ahmed Ben Saleh, le Secrétaire général de l'Ugtt au gouvernement, et lui confia-t-il le ministère du plan en le chargeant de mettre en œuvre son programme économique et social. Celui-ci fut élaboré dans un important document intitulé : «Les perspectives décennales de développement économique et social : 1962-1971 ». Ce document annonçait les objectifs à atteindre en termes de croissance économique, création d'emplois, augmentation du revenu et de la production et les moyens et politiques d'y parvenir.
Aussi est-il clair que, même si la politique économique durant cette décennie ne portait pas l'empreinte de Bourguiba, celui-ci eut des prises de position à contenu économique qui furent décisives pour la mise en œuvre du programme économique de Ben Salah.
Durant les années soixante-dix, Bourguiba s'adossa entièrement sur Hédi Nouira, son compagnon fidèle et rigoureux, et l'appuya même quand par entêtement il conduisit le pays à une des plus graves crises sociales à grandes répercussions économiques lorsqu'il refusa obstinément les augmentations salariales des agents de la fonction publique en décembre 1977, acculant l'Ugtt à décréter la grève générale pour la première fois de son histoire, durant la journée sanglante dite le « jeudi noir » du 26 janvier 1978. Ce scénario se reproduisit presque à l'identique en 1985 sous le gouvernement de Med Mzali qu'il nomma -à contre cœur paraît-il- à la place de Nouira gravement malade suite à l'attaque de la ville de Gafsa en janvier 1980 par un groupe armé. Bourguiba désavoua cependant deux fois Mzali en six années de gouvernement, en janvier 1984, lorsqu'il annula les décisions d'augmenter les prix des produits alimentaires farouchement contestées par la population et une seconde fois, en 1986, lorsqu'il le soupçonna de convoiter son poste.
Aussi peut-on exposer les plus grandes décisions à caractère économique de Bourguiba durant les trois décennies de son règne, chronologiquement et schématiquement comme suit :
La bataille du dinar, la création de la BCT et le décrochage de la zone franc (1958-59)
L'adoption de la politique de la planification impérative (1961)
La nationalisation des terres coloniales, la dissolution des Habous et l'adoption du système coopératif dans l'agriculture préconisé par Ben Salah (1964)
L'approbation d'un modèle volontariste d'industrialisation : le modèle ISI (1964)
La dissolution du système coopératif, la destitution et le jugement de Ben Salah (1969)
L'approbation du revirement libéral du début des années 70 et du modèle de développement d'ouverture sur l'extérieur (1972)
L'approbation de la décision de suppression de la subvention des produits alimentaires du gouvernement Mzali, le revirement de Bourguiba et la réhabilitation de la souveraineté décisionnelle économique (1984)
L'approbation de l'adoption du PAS et l'abdication face à la Banque Mondiale et au FMI d'un Bourguiba sénile et diminué (1986)
Ces politiques économiques, avec leur audace et leurs ambitions, durant les années soixante, et avec les revirements et alignements, aux tendances mondiales dominantes qui les ont caractérisés par la suite, n'auraient pas été possibles sans l'intervention directe de Bourguiba ou son consentement. Elles avaient impacté et reconfiguré grandement la société et l'économie tunisiennes comme on va s'attacher à le montrer brièvement dans ce qui suit :
La bataille du dinar, le décrochage de la zone franc et la dénonciation de l'Union douanière avec la France
La Tunisie était, avant 1958, monétairement intégrée à la France. La Banque Centrale fut créée en septembre 1958 et le dinar lancé et mis en circulation en novembre 1958 dans un geste politique de revendication de la souveraineté et d'achèvement de l'indépendance, connu sous le nom de ‘la bataille du Dinar. La sortie de la zone Franc, l'instauration d'un contrôle de change en 1959 et la dénonciation par la Tunisie de l'Union douanière avec la France ont nécessité une restructuration bancaire avec un secteur bancaire public comprenant outre la Banque Centrale, trois banques de dépôt (STB, BNA, SNI) et un secteur bancaire privé (cinq banques tunisiennes et trois banques étrangères)
La politique de planification impérative
L'administration tunisienne s'est dotée d'organes de planification allant des commissions sectorielles jusqu'aux conseils nationaux du plan et a adopté un processus de planification s'étalant de la préparation des études jusqu'aux travaux de synthèse pour la détermination des différents équilibres, l'arbitrage et, enfin, l'approbation par le Parlement. Durant la première décennie, la stratégie de développement consignée dans le document intitulé « Les perspectives décennales de développement économique et social : 1962-1971 » fut décliné en trois plans de développement : un plan triennal (1962-1964), un plan quadriennal (1965-1968) et un autre plan triennal (1969-1971).
La nationalisation des terres coloniales et la dissolution des Habous
Elles furent concrétisées par la loi historique du 12 mai 1964 relative à la nationalisation des propriétés agricoles qui a permis de récupérer les terres coloniales. Quoiqu'elles ne représentaient qu'environ 10% des superficies agricoles, elles étaient exploitées de manière moderne et intensives et allaient constituer le premier noyau du système coopératif dans l'agriculture. Auparavant, le régime des habous privés et mixtes fut aboli par le décret du 18 juillet 1957.
L'adoption du système coopératif dans l'agriculture
L'économie tunisienne, à la veille de l'indépendance, était dominée par le secteur agricole. 80% de la population vivait par et dans l'agriculture. Aussi les responsables politiques de l'époque ont-ils compris que le développement du secteur agricole conditionnait le développement de toute l'économie et de la société: ravitailler les villes, résorber le sous-emploi, élargir le marché intérieur, rétablir l'équilibre commercial... autant d'objectifs qui dépendaient dans leur ensemble du secteur agricole. Toutefois, celui-ci n'était pas prêt à jouer ce rôle de lui-même et malgré l'impact modernisateur de la colonisation agricole, le secteur est resté principalement arriéré. La propriété foncière coloniale moderne représentait moins de 10% de la superficie agricole utile dont 70% était concentré dans le Nord du pays.
En conséquence, il y eut un réel besoin d'intervention de l'Etat et d'une mise en œuvre d'une politique agricole. Celle-ci devait tenir compte de deux réalités :
*L'importance intrinsèque du secteur agricole dans la mesure où il concerne la plus importante partie de la population, ce qui confère à son développement une fonction de promotion sociale sur une grande échelle, d'une part, et une action inductrice dont les résultats conditionnent l'essor des autres activités économiques, d'autre part.
*La forte corrélation entre le développement du secteur agricole comme foyer d'effets d'entraînement ou d'effets de blocage et le développement de l'économie en général, ce qui confère à la politique agricole un caractère stratégique dans le processus de la croissance économique.
Le système reposait sur les idées suivantes :
La transformation des structures agricoles par l'adoption du système des coopératives qui est différent du système collectiviste appliqué dans les pays socialistes.
Dans la coopérative, chaque coopérateur est un membre à part entière conservant sa propriété nominale de la terre qu'il apporte à la coopérative et reçoit une part conséquente des résultats de l'exploitation.
Les responsables espéraient aboutir à terme à une diversification et une augmentation de la production capable, de subvenir aux besoins alimentaires de la population et de dégager un surplus exportable grâce à la modernisation des modes d'exploitation.
L'industrialisation volontariste des années soixante : le modèle d'industrialisation par substitution des importations (ISI)
Parmi les différents modèles d'industrialisation adoptés par différents pays en fonction de leurs spécificités, la Tunisie a choisi au début des années 60, le modèle de l'ISI qui paressait répondre à ses besoins et à ses moyens.
Il s'agissait d'implanter des industries de transformation non capitalistiques avec une technologie accessible aux Tunisiens et pourvoyeuses d'emplois, pour approvisionner le marché local en produits industriels de consommation courante dont l'importation pesait sur le déficit extérieur. La substitution des importations devait, dans la logique du modèle ISI et dans une seconde phase de maturation, permettre une remontée des filières industrielles vers la production de produits de consommation durable et intermédiaire plus élaborés, ce qui permettrait au pays d'accéder au marché mondial avec des exportations de produits manufacturés à forte valeur ajoutée et un meilleur rendement en devises.
La crise politique de 1969 n'a pas eu d'impact immédiat sur le secteur industriel comme fut le cas pour le secteur agricole (abandon du système coopératif). En gros, les réalisations des années 60 étaient très importantes par rapport à la rareté des moyens matériels et humains et ce, au regard des grands travaux d'infrastructure réalisés (routes, ponts, ports, barrages,...), des équipements collectifs (écoles, hôpitaux, culture, sport,...) et de la construction d'un noyau d'industries lourdes (fonderie, cellulose, raffinage de pétrole et de phosphate, sucrerie,...) en plus d'un tissu d'industries légères.
Cependant, des signes d'essoufflement et de blocage se sont manifestés. Ils s'expliquaient par l'impact de la rareté des recettes en devises de l'Etat sur la régularité des importations des entreprises, le recul des capitaux étrangers, l'absence d'opérateurs privés locaux, la dépression prolongée de la demande intérieure, la gestion bureaucratique des unités de production, la non-pertinence de certains choix techniques et la faible maîtrise des technologies. Autant de lacunes qui ont empêché la poursuite du processus d'industrialisation, tant celle-ci devenait coûteuse en devises et interdit au modèle ISI d'évoluer comme prévu et de dégager les impacts attendus.
L'ensemble de ces facteurs de blocage va conduire à une redéfinition des choix et des priorités et vers l'adoption d'une nouvelle stratégie de développement industriel dans le cadre d'une nouvelle stratégie de développement dite d'ouverture sur l'extérieur.
La dissolution du système coopératif agricole, la destitution et le jugement de Ben Salah
L'évolution du système coopératif va révéler cependant d'importants dysfonctionnements :
fonctionnement non démocratique et non-conformité aux textes avec mainmise du parti du pouvoir
la taille du secteur coopératif est restée petite par rapport à l'ensemble de l'agriculture tunisienne, ce qui avait poussé Ahmed Ben Salah à généraliser brutalement le système coopératif en 1968 en y intégrant la grosse propriété d'abord et tout le pays ensuite.
la succession de trois années de sécheresse a prolongé l'agriculture et toute l'économie dans une crise
le mécontentement populaire avec la manifestation d'intérêts privés a été confronté à la violence de l'Etat.
Pour l'ensemble de ces considérations et pour absorber la colère populaire, Bourguiba a décidé en septembre 1969 de dissoudre le système coopératif. Le promoteur du système, Ahmed Ben Salah, fut limogé et jugé pour une haute trahison qui ne fut jamais prouvée et la structure de la population agricole a retrouvé sa morphologie héritée de l'époque coloniale : dualisme, sous-mécanisation, faibles rendements et parcellisation de la propriété.
Le revirement libéral du début des années 70 : ouverture sur l'extérieur et real politik de Bourguiba
L'échec de la politique économique dirigiste des années 60 culmina avec l'éviction de son principal promoteur, A. Ben Salah, en septembre 1969 alors que le IV° Plan était en cours d'application. A la faveur de la nomination à la tête du gouvernement de Hédi Nouira, présenté comme un libéral, une nouvelle ère allait être inaugurée en Tunisie même si on a continué à appliquer, dans un premier temps, les principales recommandations du IV° Plan.
La nouvelle stratégie de développement consistait en une croissance économique tirée par la demande extérieure, dès lors que le volume de la demande domestique solvable s'est avéré insuffisant pour entretenir une croissance durable et permettre une reproduction élargie du capital dans le cadre du modèle import-substitutif, en raison des blocages qu'il rencontrait à la fin des années 60.
Le nouveau modèle de développement s'appuie sur l'intensification de la participation du secteur privé national et international. Les objectifs assignés au modèle exportateur sont le reflet des contraintes majeures ressenties à l'époque comme le chômage et les déficits extérieurs notamment. Il visait à :
maximiser les créations d'emplois à travers une réallocation des investissements vers les activités à forte intensité de travail «labor intensive» ;
doubler le taux de croissance du PIB qui s'est limité à une moyenne annuelle de 4 % durant la première décennie;
tripler le volume des investissements en y faisant une large place au secteur privé local et surtout étranger et en en orientant les 2/3 vers les secteurs productifs pourvoyeurs d'emplois.
L'adoption de ce nouveau modèle de développement s'explique en plus par les mutations à l'échelle mondiale et, notamment, la tendance à la délocalisation industrielle et les recommandations d'ouverture à l'extérieur émanant des organismes internationaux.
En effet, ces organismes prenant acte de la gravité des problèmes, notamment de paiements extérieurs dans les pays du tiers-monde ayant adopté pendant les années 50 et 60 des politiques économiques dites introverties, ont multiplié les études, appels et conseils en faveur de l'adoption de politiques d'ouverture sur l'économie mondiale. La Tunisie n'était pas du reste. Bourguiba laissa Nouira faire et ne s'occupa guère de l'économie du pays tant que son compagnon tenait les arènes.
La suppression de la politique de subvention des produits alimentaires et le revirement de Bourguiba : la résistance à la Banque mondiale et au FMI et la proclamation de la souveraineté nationale en matière de décisions économiques
La décision du gouvernement Mzali, en janvier 1984, d'annuler la subvention des prix des matières premières sous la pression de la Banque mondiale avait occasionné presque le doublement de ces prix et des émeutes spontanées des quartiers populaires dans plusieurs villes du pays. Ces émeutes furent violemment réprimées par la police et l'armée laissant plusieurs dizaines de morts. Le lendemain, dans un geste dont lui seul avait le secret, Bourguiba annula purement et simplement les augmentations des prix; le calme revint instantanément au pays et Bourguiba se redora encore une fois le blason. C'est également un geste politique de déni de l'immixtion de la Banque Mondiale et du FMI dans les affaires intérieures du pays et de proclamation implicite de la souveraineté nationale en matière de décisions économiques.
L' adoption du Programme d'ajustement structurel (PAS) et l'abdication face à la Banque mondiale et au FMI d'un Bourguiba sénile et diminué
Dès le début des années 80, beaucoup de pays du tiers-monde, notamment d'Amérique Latine et d'Afrique, ont dû, sous l'effet d'une très forte crise financière, abandonner leurs stratégies de développement et adopter, en accord avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, des politiques d'ajustement.
Ainsi, après avoir profité sans mesure des facilités d'accès aux crédits internationaux, à la faveur de l'existence d'un surplus de liquidités dans des banques internationales se livrant à des opérations de recyclage des pétrodollars, les pays d'Afrique et d'Amérique latine se sont péniblement réveillés, au début des années 80, sur le cauchemar de l'insolvabilité internationale et de la cessation des paiements en raison de leur incapacité d'honorer le service de leurs dettes extérieures, considérablement alourdis par la hausse des taux d'intérêt et par l'appréciation des taux de change surtout. Leurs créanciers se rendirent donc compte que les prêts accordés n'avaient pas généré les cash-flows nécessaires à leur remboursement, et amenèrent ces pays à négocier avec le FMI, opérant comme garant de nouveaux crédits, des politiques dites d'ajustement, visant à réduire la demande intérieure de sorte à dégager un excédent exportable destiné au remboursement de la dette. Les pays débiteurs n'ont pu qu'abdiquer face aux exigences du FMI parce qu'un pays ne peut vivre longtemps au-dessus de ses moyens sans l'aval du système financier international.
C'est dans ce contexte international que beaucoup de pays du tiers-monde ont dû abandonner leurs stratégies de développement et leurs ambitions nationales et accepter l'adoption de réformes économiques connues sous le nom de PAS. Après les pays d'Amérique latine où la crise des paiements a éclaté plus tôt, ce fut le tour de pays africains (Côte d'Ivoire en 1980, Maroc en 1981) et des pays asiatiques (Turquie, Inde, Egypte, etc.). Et ce fut également le tour de la Tunisie en 1986, un peu en retard par rapport à des pays à situation comparable. C'est que la résistance de la Tunisie a atteint ses limites lorsqu'en 1986, les réserves en devises, devant permettre au moins le financement d'un mois et demi d'importations, ont été quasiment épuisées et le risque d'insolvabilité internationale poussait les autorités monétaires à chercher des crédits à très court terme (la semaine parfois) sur le marché financier international pour faire face aux urgences et aux échéances de remboursement.
Cependant, en Tunisie le diagnostic ainsi que la thérapeutique étaient prêts dès l'année 1984, suite à une mission effectuée sous la direction de Bella Bellassa, un expert du FMI.
Comme déjà annoncé, une série de réformes a été annoncée dès août 1986 par le gouvernement Rachid Sfar dans le cadre d'un «plan de redressement et de restructuration de l'économie tunisienne».
Cette fois les choix semblent clairs et sans ambiguïté : repenser la dynamique de la croissance économique dans le sens d'une plus forte insertion dans l'économie mondiale et en acceptant les règles du jeu de l'économie de marché. Un arsenal de réformes fut donc engagé dans un esprit de libéralisation économique tous azimuts : réformes monétaires, financières, fiscales, des prix, de l'investissement, du secteur public et du rôle de l'Etat.
La succession de la mise en œuvre de ces réformes n'a pas respecté un calendrier tel que stipulé par la logique du PAS : stabilisation d'abord et ajustement structurel ensuite. Certaines réformes ont été retardées ou rééchelonnées sous le poids de certaines contraintes et la fin du VIIIe Plan 1992-96 devrait correspondre à l'achèvement de toutes les réformes envisagées.
Là s'arrête l'économie sous Bourguiba qui sera démis en novembre 1987.
Finalement, l'économie de Bourguiba comme celle de la plupart des dirigeants nationalistes issus des guerres de libération avait commencé par la défense de la souveraineté nationale quant aux choix économiques et fini par une sorte d'abdication face aux organismes internationaux et une certaine realpolitik. Retenons que le premier moment était à son actif et le second au passif d'une mondialisation irrésistible et effrénée.


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