Le secteur bancaire reste l'un des principaux axes des réformes entamées par le gouvernement Essid, surtout avec la promulgation de la loi bancaire. Pour le nouveau gouvernement qui sera annoncé prochainement, il s'agit d'un défi capital qui requiert des mesures et des outils efficaces. Alors que le débat sur le nouveau gouvernement bat son plein, l'amélioration de la situation économique de la Tunisie constitue un axe principal de travail auquel le nouveau gouvernement doit se consacrer. La réforme du secteur bancaire devrait être une composante essentielle de cet effort visant à renforcer le système financier et à affermir son rôle dans le soutien de l'économie tunisienne. En bilan, le secteur bancaire tunisien souffre de plusieurs lacunes majeures. Selon le livre sur l'évaluation des politiques publiques publié par l'Institut arabe des chefs d'entreprises (Iace), la fragilité du secteur bancaire est due essentiellement à une concurrence de façade, qui demeure localisée au niveau de la collecte des dépôts, une mauvaise gouvernance démontrant un gap par rapport aux standards internationaux, se répercutant sur la qualité des actifs et engendrant la montée des crédits non performants et le non-respect des exigences prudentielles. Difficultés Selon la même source, la performance du secteur reste décevante puisque les ratios de rentabilité du secteur bancaire tunisien n'arrivent pas à atteindre ceux des pays de la région comme le Maroc, la Jordanie et le Liban. La qualité des actifs reste aussi un défi majeur, traduite par leur mauvaise allocation et la montée des créances accrochées dans le portefeuille des banques tunisiennes et le gap de performance par rapport au benchmark de la région, soit 6% pour le Maroc et 8,5% pour la Jordanie. En ce qui concerne le financement de l'économie, le durcissement des conditions d'octroi des crédits reste une contrainte majeure pour les entreprises tunisiennes, surtout les petites et moyennes entreprises (PME), dont le financement est dominé par le crédit bancaire et le crédit des sociétés de leasing à hauteur de 92% contre près de 8% pour le marché financier, selon l'Iace. En ce qui concerne les banques publiques, la Société Tunisienne de Banque (STB), la Banque Nationale Agricole (BNA) et la Banque de l'Habitat (BH) détiennent environ 38% des actifs bancaires et une part importante des crédits non performants. Selon un rapport de l'Oxford Business Group, les mesures entamées par le gouvernement pour la restructuration des trois banques publiques, par l'injection dans le capital, n'ont pas réussi à appréhender les difficultés qu'elles rencontrent. Leur capital demeure inférieur aux moyennes affichées par le secteur privé. En 2015, l'agence de cotation "Moody" a estimé que les prêts non performants représentent 118% des capitaux propres et des réserves pour créances douteuses. Selon l'évaluation de l'Iace, cette recapitalisation des banques publiques s'est avérée coûteuse pour le contribuable, proposant le lancement d'un fonds de restructuration bancaire visant la récolte des produits de la vente des participations minoritaires de l'Etat dans les banques mixtes de la place. Ainsi, la nouvelle loi bancaire constitue une première étape dans la réforme du secteur bancaire et son renforcement. Et bien qu'elle comporte plusieurs avancées en termes de gouvernance, d'augmentation du capital, d'introduction de la finance islamique et de gestion des dépôts, elle reste réticente en termes de financement des PME, en raison du poids des crédits non performants. En outre, la pression sur la liquidité bancaire renforce la dépendance des banques tunisiennes aux injections de la BCT, selon l'Iace. Concernant le nouveau statut de la BCT, le texte est moderniste mais il reste au deçà des espérances, selon l'évaluation de l'Iace, qui indique que la BCT ne veut pas se débarrasser de la fonction de supervision au profit d'une instance indépendante. Ceci est reflété aussi par la forte présence au conseil d'administration des membres issus de l'administration. De même, on indique les limites de la régulation micro-prudentielle au profit d'une régulation macro-prudentielle afin de renforcer la résilience du secteur bancaire, surtout avec les difficultés que connaissent certains secteurs économiques comme le tourisme et le phosphate. Une réforme globale du secteur bancaire est plus que nécessaire, selon l'Iace, par la rénovation du cadre réglementaire pour les autres sources de financement et le renforcement de la présence du secteur bancaire dans d'autres segments du système financier tels que les activités sur le marché, la microfinance, le capital-risque, etc.