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Un réel danger
Kiosque international
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 08 - 2016

Il était évident, depuis son début, que la guerre en Syrie n'avait absolument rien de conventionnel et, surtout, que ceux qui y étaient impliqués devenaient chaque jour plus nombreux. Et même beaucoup pour un pays où, a priori seulement, l'enjeu ne portait que sur l'exercice du pouvoir. Ce qui n'était pas le cas avec, d'abord, de plus en plus de groupes rebelles et extrémistes, l'ONU y comptant plusieurs centaines en peu de temps. Et quand la force seule ne suffit pas, c'est le recours à des possibilités consistant toutes à desserrer l'étau autour du régime syrien en impliquant d'autres forces. Et là, il faut bien en convenir, il a réussi avec une ruse de guerre consistant à confier en quelque sorte, du moins le croyait-on jusqu'à ces derniers jours, le contrôle d'une partie du territoire syrien aux Kurdes jusque-là marginalisés. Jusqu'à ce que lui-même y mette le holà et montre leurs limites aux Kurdes, pris entre deux feux avec l'implication de la Turquie.
Dangereux dérapage, ou plutôt inquiétante extension que personne n'envisageait, mais à laquelle il fallait s'attendre, les guerres ne finissant, ou rarement, telles qu'elles étaient envisagées. Une guerre de cette nature avec autant de parties impliquées allait déborder de ses frontières, cela devenait inévitable. Cela s'est vu avec les attentats en Europe, mais d'aucuns considèrent que le changement à venir pourrait se produire dans la région. Quelle en sera la nature ? Certains ne veulent pas l'envisager et cherchent à l'empêcher car, selon eux, le risque est grand pour l'ensemble de la région. Une terrible perspective qui n'épargnera aucune partie, le monde étant désormais ce qu'il est.
En ce sens, le chef de la diplomatie russe était clair vendredi, en mettant en garde contre toute tentative de partage de la Syrie, susceptible, selon lui, d'envenimer la situation dans l'ensemble de la région. Et comme il en est question depuis quelques jours avec l'intervention turque en territoire syrien, Sergueï Lavrov a déclaré à propos des Kurdes qu'ils ne devaient pas être utilisés pour le partage de la Syrie, car cela pourrait susciter «une réaction en chaîne dans la région». Telle est la lecture faite de l'intervention de certains pays, et ils seraient nombreux, celle de la Turquie étant la plus récente, puisque, assure-t-on, il s'agit plus de préserver une région que de sauver un régime. Comment prendra fin le conflit syrien ? En parler ainsi serait-il plus aisé que d'évoquer ses guerres ? C'est toutefois un moyen bien dérisoire pour dissimuler ou nier, ce qui serait encore plus grave, toute la complexité. La guerre a changé avec l'intervention de la Russie et le rapport de force a basculé depuis près d'une année. Il n'est plus question de transition, le régime de Bachar Al Assad reprenant l'avantage du terrain. Le monde a peut-être compris que le pire est toujours possible.
Mohammed Larbi (El Watan)
Au Yémen, une impasse meurtrière
Il y a bientôt dix-huit mois, l'Arabie Saoudite réunissait une vaste coalition arabe sunnite, avec le soutien de la France et d'autres pays occidentaux, et se lançait dans une guerre aérienne contre la rébellion houthiste du Yémen, son voisin du Sud.
Des centaines de bombardements, plus de 6.000 morts, essentiellement civils, et deux millions de réfugiés plus tard, cette guerre n'a produit d'autre résultat que de détruire un pays, et de pousser dans les bras des plus radicaux de nouvelles recrues.
L'objectif numéro un, qui était de contrer l'Iran, soupçonné d'être derrière les houthistes de confession zaïdite, une branche éloignée du chiisme, n'est pas atteint, et les divisions sectaires du Yémen n'en ont été que renforcées.
[...] Largement ignorée par les opinions publiques, et passée au second plan par rapport au conflit syrien, cette guerre est devenue une source d'embarras pour les alliés de l'Arabie Saoudite.
En particulier lorsque l'aviation de la coalition, principalement saoudienne et émiratie, ne fait pas de quartier et touche des objectifs civils. Marchés, écoles et structures médicales ont ainsi été frappés dans des proportions et des conditions qui excluent l'accident «collatéral». Dernière cible en date : l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF) à Abs, dans le nord-ouest du pays, où l'on a compté 19 morts et des dizaines de blessés.
MSF a décidé de retirer ses équipes du pays, estimant que, malgré les engagements des belligérants, la sécurité du personnel et des patients ne pouvait plus être assurée. Plus d'une centaine d'installations médicales ont été touchées en dix-huit mois de guerre.
[...] Les Etats-Unis, qui n'étaient pas moteur dans le déclenchement de ce conflit, viennent de prendre leurs distances en réduisant de 45 à 5 le nombre de conseillers américains auprès de l'état-major saoudien chargé de conduire les opérations au Yémen. Washington dément tout lien entre sa décision et le nombre de victimes civiles des bombardements, même si c'est l'impression donnée par le timing de son annonce.
La France condamne, mais ne bouge pas, alors que son implication dans la guerre est majeure. Outre le soutien politique apporté dès le premier jour à la création de la coalition arabe, Paris est lié à l'Arabie Saoudite et à ses alliés par d'importants contrats de vente d'armes, devenus vitaux par temps de crise économique. A chaque nouveau contrat, comme la vente début août de 30 hélicoptères Caracal d'Airbus au Koweït pour un peu plus d'un milliard d'euros, le gouvernement met en avant les retombées pour l'emploi en France.
Mais cette dimension ne peut pas faire oublier que la France livre des armes à des pays en guerre, et que, dans le cas du Yémen, celle-ci est dans une impasse meurtrière.
[...] Le chercheur Laurent Bonnefoy, un des meilleurs connaisseurs français du Yémen, soulignait après six mois d'hostilités, sur le site Orient XXI, qu'«il devrait être clair aux yeux de chacun que les bombardements saoudiens ont fait évoluer vers le pire un conflit déjà complexe», redoutant une dérive «syrienne» de cette guerre.
Près d'un an plus tard, les événements lui donnent raison : la carte du Yémen ressemble, à l'image de celle de la Syrie, à une peau de léopard avec ses zones houthistes, ses régions loyales au président Hadi soutenu par Riyad, ses milices indépendantes, ses poches tenues par Al-Qaida, et l'émergence d'une activité djihadiste liée au groupe Etat islamique.
Et, comme en Syrie, c'est la population civile qui paie au prix fort les errances de ses dirigeants politiques et des puissances régionales.
Pierre Haski (L'OBS)
Shinzo Abe, l'homme qui veut consolider la présence du Japon en Afrique
Dans la vraie vie, vous ne verrez jamais Shinzo Abe, 61 ans, sourire espiègle rivé au coin des lèvres et déguisé en Super Mario, la star des jeux vidéo Nintendo, comme ce fut le cas lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Rio. Non, l ́homme est issu d'une lignée conservatrice d'hommes politiques aux costumes sombres et austères. Son grand-père paternel fut Premier ministre PLD (Parti libéral démocrate) à la fin des années 1950. Il est également le petit neveu d'un chef de gouvernement resté huit ans au pouvoir. Il a tout connu. L'ascension, la traversée du désert et enfin le retour sur le devant de la scène.
En 2006, il devient le plus jeune premier ministre japonais, le premier à être né après la Seconde Guerre mondiale. Abe est aussi un farouche nationaliste, comme on a pu le voir à travers sa réforme de la politique militaire visant à donner aux forces une capacité de projection et non plus seulement une posture de stricte défense.
[...] Ce n'est donc pas un hasard si Shinzo Abe est aussi à l'origine du tournant dans les relations nippo-africaines qui s'est opéré en 2013. Le Japon veut ainsi démontrer qu'il a les moyens de rivaliser sur les terres d'Afrique avec son grand rival la Chine mais aussi avec l'Inde ou la Corée du Sud.
Samedi, à l'ouverture de la sixième Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l'Afrique (Ticad) qui se tient à Nairobi (Kenya), il a promis d'investir 27 milliards d'euros sur les trois prochaines années. «Il s'agit d'un investissement qui a confiance dans l'avenir de l'Afrique», a déclaré Shinzo Abe. Une somme conséquente. Mais si les échanges commerciaux entre le Japon et l'Afrique s'élevaient à 24 milliards de dollars en 2015, ceux de la Chine avec ses partenaires africains se montent à 179 milliards. Le forcing nippon a donc peu de chance d'inquiéter à court terme l'Empire céleste.
Karen Lajon (Le Journal du Dimanche)
Asli Erdogan, romancière emprisonnée en Turquie
Dans la prison pour femmes d'Istanbul, Barkirköy, où elle a été transférée il y a quelques jours, Asli Erdogan vit pour de vrai l'expérience de la détention qu'elle décrit dans le Bâtiment de pierre, son dernier roman traduit en français, paru en 2013 chez Actes Sud. Arrêtée dans la nuit du 17 août, celle qui est présentée par sa maison d'édition comme «l'une des voix les plus importantes de la littérature turque contemporaine», est accusée de «propagande en faveur d'une organisation terroriste», «appartenance à une organisation terroriste» et d'«incitation au désordre».
[...] C'est en tant que collaboratrice du quotidien Özgün Güden que la romancière de 49 ans a été raflée, en même temps que les vingt autres membres de la rédaction du journal d'opposition. Une centaine de médias ont été interdits et des centaines de journalistes arrêtés dans la campagne de répression lancée par les autorités turques depuis le putsch avorté du 15 juillet dernier.
Désespérée par la chasse aux sorcières en cours dans son pays, Asli Erdogan (aucun lien avec le Président turc) avait écrit sur son blog une «lettre grave et nécessaire» selon son intitulé. Dans ce texte, publié par le quotidien Cumhuriyet quelques jours après son arrestation, elle confiait son angoisse pour son pays mais aussi sa solitude d'intellectuelle traquée et dénigrée.
Engagée dans la défense des droits de l'homme et des femmes, l'écrivaine a soutenu ces dernières années la cause des Kurdes. Dénonçant les exactions dont ils sont victimes dans l'est de la Turquie, elle a été à l'initiative d'une marche des écrivains à la frontière turco-syrienne, lors du siège de Kobané par les forces de l'Etat islamique en 2014.
[...] Plusieurs pétitions ont été lancées ces derniers jours par des intellectuels et des écrivains à travers le monde réclamant la libération d'Asli Erdogan. Connue pour son talent comme pour ses engagements, celle dont les romans sont traduits dans une dizaines de langues a reçu plusieurs récompenses hors de son pays. L'appel du Pen Club International, adressé au président Erdogan pour sa libération, rappelle qu'elle avait représenté son pays dans le «Comité des écrivains emprisonnés» de l'association littéraire mondiale entre 1998 et 2000.
La prison a en effet hanté Asli Erdogan bien avant qu'elle ne s'y trouve enfermée. Dans le Bâtiment de pierre, sa narratrice se souvient d'un édifice sans âge où des militants politiques, des intellectuels récalcitrants à la censure ou des gosses des rues sont pris au piège. Un lieu où la torture et l'humiliation sont ordinaires, presque naturelles. « La vérité dialogue avec les ombres. Aujourd'hui, je vais parler du bâtiment de pierre où le destin se cache dans un coin, où l'on observe à distance le revers des mots. Il a été construit bien avant ma naissance, il a cinq étages sans compter le sous-sol, et un escalier d'entrée», écrit-elle dans ce roman.
Cette œuvre qui pourrait paraître prémonitoire dénonçait déjà les maladies de la société turque. Elle est en fait inspirée de l'histoire des parents d'Asli Erdogan, détenus et torturés par les régimes turcs issus des putschs que le pays a connu dans les années 1980 et 1990.
Hala Kodmani (Libération)
Lutte contre le terrorisme : Google, Facebook et Twitter accusés de ne pas en faire assez
«La ligne de front moderne, c'est Internet. Ses forums de discussion et réseaux sociaux sont la sève de Daech et des autres groupes terroristes en matière de recrutement, de financement et de diffusion de leur idéologie.» C'est ce qu'estime le député Keith Vaz, président de la commission britannique des affaires intérieures, dans le rapport rendu public cette semaine sur les manquements des géants d'Internet pour juguler l'utilisation de leurs services par les groupes terrroristes, Daech en tête. Et Keith Vaz de poursuivre : «C'est en toute connaissance de cause que les grandes entreprises comme Google, Facebook et Twitter (toutes trois américaines, ndlr), se révèlent incapables de répondre à cette menace.»
Quant aux millions de vidéos supprimées par Google et aux quelque 235.000 comptes fermés ces six derniers mois sur Twitter, comme l'a annoncé le réseau social la semaine dernière, la commission estime qu'ils ne représentent qu'une "goutte d'eau dans l'océan".
[...] Le problème majeur pointé par ce rapport est le manque de moyens humains dont disposent Google, Facebook et Twitter pour surveiller le flux astronomique de publications et messages litigieux. Ainsi, il n'existerait que quelques centaines d'employés pour contrôler les agissements de milliards d'utilisateurs.
Face à ces accusations, chacun prêche pour sa paroisse. «Les terroristes et l'apologie du terrorisme ne sont pas autorisés sur Facebook et nous répondons rapidement et fermement aux signalements de contenus à caractère terroriste», a réagi Simon Milner, un des responsables de Facebook au Royaume-Uni, affirmant que l'entreprise «travaille depuis des années avec des experts pour contrer» les discours extrémistes.
De son côté, un porte-parole de YouTube (filiale de Google) a assuré que la plateforme allait «continuer de travailler avec le gouvernement et les autorités judiciaires afin de définir comment mieux répondre à la radicalisation». Quant à Twitter, la suppression récente de 235.000 comptes porte à 360.000 le nombre de comptes à contenu terroristes fermés depuis la mi-2015.
Pour améliorer la lutte, la commission du Parlement britannique recommande de renforcer les moyens de la police antiterroriste chargée de la surveillance d'Internet, ou encore de faire appel aux créateurs de jeux vidéo pour contrer la propagande djihadiste...
Manon Gauthier-Faure (Marianne)
Burkini, une affaire à risques
C'est le débat du moment. Et pas seulement dans les frontières hexagonales. Faut-il ou non interdire le burkini en France, comme l'ont décidé, pour une période donnée, une vingtaine de communes ?
C'est donc sous la forme de cette tenue de bain hypercouvrante que revient en force le débat sur la place de l'islam et des musulmans en France. Avec tous ses appendices, du respect du principe de laïcité à la condition de la femme, en passant par la définition de l'identité nationale et le vivre-ensemble.
Ce débat a souvent été passionnel, et l'est d'autant plus aujourd'hui qu'il s'inscrit dans un contexte particulier, la France étant depuis des mois la cible d'attaques sanglantes de la part du groupe Etat islamique, qui se revendique de l'islamisme le plus radical.
Ce contexte entraîne des déclarations pour le moins à l'emporte-pièce. À l'instar de celles d'un responsable de la municipalité de Cannes estimant que le burkini est une « tenue ostentatoire qui fait référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui font la guerre » à la France. L'on a du mal à imaginer l'EI autorisant les femmes à se baigner en burkini dans le Tigre...
Parmi les autres arguments invoqués pour interdire cette tenue de bain, l'on trouve le principe de laïcité et les atteintes à l'ordre public. Un motif retenu hier par le tribunal administratif de Nice pour valider l'interdiction du burkini.
Ces arguments suscitent l'incompréhension dans de nombreux pays du monde, notamment anglo-saxons. Les éditorialistes britanniques, par exemple, n'y sont pas allés de main morte pour commenter l'interdiction du burkini.
Le fait que la France et la Grande-Bretagne suivent deux modèles radicalement différents en matière d'intégration des populations issues de l'immigration n'est pas étranger à cette incompréhension.
D'un côté, le modèle anglo-saxon, multiculturel, dans lequel l'intégration passe par la reconnaissance des appartenances communautaires. De l'autre, le modèle français, républicain, fondé sur la nationalité-citoyenneté et l'adhésion individuelle à un contrat social, et dans lequel sont dissociées les sphères publique et privée.
Ces deux modèles ont néanmoins un point commun : ils ont montré leurs limites depuis des années déjà. En France, l'égalité républicaine s'est trop souvent échouée sur une réalité faite de discriminations. Ce qui pourrait expliquer, peut-être, qu'une forme d'érosion des particularismes culturels via l'école républicaine n'ait pas fonctionné comme certains auraient pu l'espérer. Car aujourd'hui, ce sont fort probablement des membres de la deuxième ou troisième génération d'immigrés qui portent le burkini.
Un contexte de crise économique, d'érosion des frontières entre l'interne et l'international, d'attentats revendiqués par l'EI, voire de précampagne présidentielle sur fond de montée des extrêmes ne favorise pas, en outre, un débat serein sur le sujet.
Aujourd'hui, l'affaire du burkini est donc une énième manifestation d'un même débat, essentiel, de société.
Mais la forme que prend cette affaire pose question.
Certes, le burkini peut heurter les sensibilités à maints égards, mais son interdiction ne risque-t-elle pas d'avoir l'effet contraire à celui recherché? Au lieu de renforcer l'individu-citoyen, ce pilier du modèle français, ne favorise-t-on pas un effet de communautarisation ? Une contradiction qui pourrait d'ailleurs être un écho de ces appels lancés, après chaque attentat, aux musulmans de France à se désolidariser en tant que communauté, quand on rejette tout comportement communautaire. Et ce tiraillement entre deux logiques ne risque-t-il pas, à terme, d'alimenter le repli et la frustration dont se nourrissent les groupes les plus radicaux ?
Emilie Sueur (L'Orient-LE JOUR)


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