Les réserves hydriques dans les barrages à leur plus bas niveau. L'eau se fait rare, partout dans toute la région du Nord-Ouest, suite à la forte rétention d'eau engendrée par la longue période de sécheresse qui a affecté le pays depuis plusieurs mois, voire des années, à tel point que certains barrages ont presque tari alors que les réserves d'eau continuent de baisser dans d'autres barrages et ont même atteint leur plus bas niveau. Autant dire que la situation hydrique dans le pays est devenue réellement critique aussi bien pour l'eau potable que pour l'eau destinée à l'irrigation et s'il ne vient pas à pleuvoir d'ici quelques semaines, l'on devrait procéder à un rationnement inévitable de l'eau dans le pays. Restriction des culture irriguées Dans la foulée, les commissariats régionaux au développement agricole de Jendouba, Siliana et du Kef ont adopté des plans d'urgence pour sauver les cultures irriguées, en commençant par réduire les superficies destinées aux cultures non irriguées comme les pastèques et les melons et les cultures nécessitant un important apport hydrique comme la bettrave à sucre à Jendouba dont les rendements ont atteint cette année des niveaux alléchants. Il faut dire que la crise de l'eau de 2016 n'est pas pire que celle qui a touché le pays en 1994 mais elle continue néanmoins d'inquiéter les pouvoirs publics et les professionnels du secteur agricole notamment les éleveurs qui craignent pour la survie de leur cheptel, car l'élevage est tributaire des fourrages disponibles. Au premier plan des priorités, l'attention sera donnée d'abord à la culture de la pomme de terre, des solanacées (tomate-piment, etc). A Jendouba, le chef de la division de la vulgarisation et de la production agricole estime que les niveaux d'eau des barrages de Bouhertma et de Mellègue ont sensiblement baissé et qu'il convient de mettre en place une stratégie d'irrigation qui préserve l'essentiel avec également une réhabilitation des systèmes d'irrigation, en procédant à la réparation rapide des fuites d'eau et à limiter la consommation à l'irrigation des cultures prioritaires, surtout que les barrages ont perdu près de 500 millions de mètres cubes d'eau par rapport à 2015, une année moins difficile que 2016, mais également marquée par un début de stress hydrique. D'ailleurs, selon le ministre partant de l'Agriculture et des Ressources hydriques, tous les barrages du Cap Bon et de Kairouan sont à sec, alors que les barrages de Siliana souffrent le martyr, au point que l'on a limité les périmètres irrigués au minimum. Dans la zone référence de Abida-El Houch au Kef, la plupart des puits de surface sont à sec et les cultures d'été (tomates, piments, oignons et plantes à feuilles ) ont baissé cette année poussant certains agriculteurs à recourir à l'approfondissement des puits ou leur curage. 100 mille ha et 35% de la production nationale Au total, la région du nord-ouest compte plus de 100 mille ha dont plus de 40 mille sont situés dans le seul gouvernorat de Jendouba, alors que dans le pays on dénombre 420 mille ha qui fournissent 35% de la production agricole nationale. Ces superficies sont alimentées à partir des grands barrages de Mellègue, Bouhertma, Beni Mtir et Barbara. Mais ces ouvrages sont aujourd'hui sous étroite surveillance tant leur niveau d'eau a baissé comme Bouhertma où il n'y a plus que 30 millions de mètres cubes d'eau contre un peu moins de 13 millions à Mellègue. Ces ouvrages sont cependant depuis leur construction sujets à des variations contradictoires et confrontés aux situations extrêmes de la sécheresse ou des inondations, deux phénomènes qui ont marqué le pays depuis la moitié du siècle dernier, où 18 cas extrêmes (sécheresse et inondations) ont été enregistrés, alors que le phénomène a gagné en intensité pendant les 16 années écoulées. Il ne faut pas perdre de vue que la situation de l'eau, actuellement critique, ne peut, en aucun cas, perdurer dans le pays, nécessitant une plus grande mobilisation des eaux dans les régions à forte pluviométrie et la connexion des barrages du nord avec ceux du centre. Un cas de figure qui semble bénéficier des choix gouvernementaux en la matière, mais aussi grâce à la construction de nouveaux barrages comme celui de Mellègue II au Kef dont les travaux viennent d'être entamés. Il aura une capacité de retention d'eau d'environ 200 millions de mètre cubes. L'ouvrage va mobiliser 290 millions de dinars. Les nouvelles réalisations pourront-elles sauver la Tunisie de l'un des pires scénarios prédits par le World Resources Institute ? Une organisation internationale active dans 50 pays, qui estime que la Tunisie pourrait perdre 80% de ses ressources naturelles dans les 20 ou 30 prochaines années si des dispositions de régulation du secteur hydrique et d'optimisation des moyens d'irrigation ne sont pas mises en place le plus tôt possible. L'Unesco évoque, à son tour, un problème sérieux pour la Tunisie d'ici 2025, nourrissant ainsi chez nos politiciens beaucoup d'inquiétude quant à l'avenir du secteur hydrique dans le pays. La sécheresse a frappé tout le pays et les autorités compétentes dans chaque gouvernorat ont dû intervenir pour mette à profit les stocks stratégiques d'eau aussi bien pour l'irrigation que pour l'eau potable, mais pour le président du syndicat des agriculteurs du Kef, l'urgent est de rationaliser l'irrigation et de moderniser les systèmes d'irrigation en recourant au goutte-à-goutte, mais aussi à la mobilisation de toutes les ressources hydriques, notamment les eaux de ruissellement. Il estime que les temps ont changé et que le Tunisien doit adopter une conduite éclairée en matière de consommation d'eau préconisant la construction, désormais, de bassins privés chez chaque famille, afin de limiter les pertes d'eau dans le pays, tout en appelant à la lutte contre l'érosion afin de préserver les ouvrages hydrauliques de tout envasement et de protéger les terres agricoles contre un tel phénomène car, il y va, selon lui de l'avenir da la question de l'eau en Tunisie et du sort du secteur agricole en général. En attendant, c'est toujours l'angoisse dans le pays et les agriculteurs, au demeurant rompus à ce scénario catastrophe, ne désespèrent pas tout en ayant l'œil toujours ouvert sur la météo, en espérant que des trombes d'eau fassent leur apparition, que des ondées automnales arrosent généreusement les sols irrigués et remplissent les barrages du pays. Un espoir que partagent aussi tous les Tunisiens qui à leur tour commencent à s'inquiéter sérieusement pour l'avenir de l'eau dans le pays, d'autant plus que la sirène du rationnement vient d'être sérieusement tirée par le ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques.