Tous les clignotants économiques et sociaux sont au rouge. C'est devenu une lapalissade que d'y souscrire. Dès lors, le nouveau gouvernement dit d'union nationale se retrouve assumant d'emblée une mission de sauvetage s'apparentant, de prime abord, à une mission impossible. Et qui n'en est, somme toute, pas une, le sauvetage étant possible. Seulement, comme toujours, il y a le discours et il y a la méthode. Depuis l'investiture du gouvernement Youssef Chahed, on attend toujours le déclic. Pourtant, des rendez-vous urgents se profilent. D'abord, l'adoption du plan de développement économique et social 2016-2020. Ensuite, l'adoption du nouveau Code des investissements. Puis la conférence internationale des donateurs, prévue fin novembre et la loi de finances 2017. Et ce n'est pas peu dire. La réussite de la conférence internationale des donateurs requiert une confiance accrue dans l'establishment. Or, jusqu'ici, celui-ci est profondément entaché. Son image est écornée. Corruption rampante, partitocratie étouffante, dérives mafieuses et crédits en lambeaux n'en finissent pas de ternir la réputation de nos gouvernants à une large échelle. A l'intérieur comme à l'extérieur. Pour que les partenaires internationaux mettent la main à l'ouvrage, la confiance dans le système politique tunisien doit connaître une sérieuse remise en place. D'abord, parce qu'il ne faut guère se leurrer. Les donateurs sont des investisseurs. Ils ont leurs intérêts, leurs calculs, leurs agendas, le plus souvent secrets. Comme toujours, en matière de politique internationale ou de voisinage, il n'y a pas de pure amitié mais plutôt des intérêts avérés. Eux aussi calculent les placements, les risques, les pertes et profits. Le capital est frileux et il est très attentif à l'environnement socio-politique et surtout législatif. Côté Parlement précisément, les urgences s'amoncellent. On generis. Y voir des débats autour de projets de loi à caractère économique. D'ailleurs, le Code des investissements, le plan de développement économique et social et la loi de finances en dépendent organiquement, moyennant une collaboration étroite avec le gouvernement. Or, qu'y observons-nous ces derniers jours ? Une lutte à couteau tiré autour de questions de procédures et de règlement intérieur. Encore une fois, les partis y sont à l'assaut de privilèges et de dignités. Là où le Comité des ententes a identifié l'amendement de quatre articles du règlement, des parlementaires zélés, à l'instar de M. Hbib Kedher, député d'Ennahdha, proposent pas moins de quarante amendements. Cela a même donné lieu à une passe d'armes avec le bureau du Parlement. Il y a trois jours, M. Youssef Chahed s'était réuni avec le président du Parlement. Ils se sont mis d'accord sur un certain nombre de projets de loi prioritaires. Plus d'un observateur s'en sont réjouis. Seulement, comme toujours, les partis ont soumis cela à l'une de leurs calculs étroits et de boutiquier. Le temps est devenu une dimension capitale, voire décisive. Le gouvernement a aussi d'autres fronts où l'urgence s'impose. La situation dans le bassin minier de Gafsa et aux îles Kerkennah ne saurait perdurer. Le chef du gouvernement gagnerait à y aller en personne et discuter avec les divers partenaires et intervenants jusqu'à dégager un accord final et irréversible. Le maintien de ces deux verrous stratégiques pourrait tout faire capoter. La situation y est tellement précaire et explosive qu'un rien pourrait y mettre le feu aux poudres. Youssef Chahed n'a pas à juger de l'opportunité de telle ou telle démarche. L'obligation de résultat s'impose. Et le plus tôt sera le mieux. C'est dire que les urgences et priorités s'imposent de fait. Et rien n'est pire qu'un mauvais départ pour le nouveau gouvernement. L'attentisme alimente l'équivoque. Comme l'a si bien écrit Régis Debray : «Le flou alimente les loups et l'à-peu-près les atermoiements».