Au lieu de céder aux pressions de la partitocratie, le chef du gouvernement gagnerait à asseoir tous les ingrédients de la relance économique et de la profonde réforme sociale Pour le gouvernement Youssef Chahed, les choses sérieuses commencent. Certes, les parlementaires ont achevé avant-hier l'adoption du Code des investissements. Ce qui pourrait être de bon augure. A condition que l'intendance suive et que d'autres textes de loi aussi importants soient adoptés, eux aussi. A l'instar du Plan de développement économique et social 2016-2020. Or, l'année 2016 s'apprête à prendre congé et le plan en question est toujours en suspens. Entre-temps, un problème sérieux a fait irruption. Le gouvernement voudrait geler les augmentations salariales pour 2017 et la centrale syndicale, l'Ugtt, s'y oppose farouchement. Les premières escarmouches ont déjà pointé leur nez. Et la question promet de prendre d'autres tournures, à défaut d'un accord rapide et aux termes clairs qui ne souffrent guère l'équivoque. En même temps, la grogne sociale enfle dans plus d'une région du pays. Déséquilibre régional persistant, chômage massif, absence de l'infrastructure de base, exclusion et pauvreté, les mêmes ingrédients produisent les mêmes effets. Le gouvernement sait fort bien que le coup de grisou peut incessamment mettre le feu aux poudrières dans diverses régions du pays. Ce qui fait craindre aussi un automne, voire un hiver chauds. C'est aussi pointer d'un doigt réprobateur l'administration régionale et locale. Comme ce fut le cas à Fernana la semaine dernière et à Thala en début d'année, la grogne est intimement liée aux malversations et à la corruption qui n'en finissent pas d'induire des pourrissements subits d'une situation délétère latente. Seulement, M. Youssef Chahed a procédé, avant-hier, à la nomination de nouveaux gouverneurs. Et il est franchement affligeant de constater que la majeure partie des gouverneurs appartiennent aux partis gouvernants. Des nominations partisanes en somme. Ce qui est une autre manière d'envenimer la donne. Il s'y met en même temps qu'il se déclare en passe de dissoudre les quelque 200 délégations spéciales des municipalités accaparées par les partis. Attitude paradoxale sinon sournoise. En effet, le Document de Carthage, qui a fixé d'un commun accord les priorités du gouvernement Chahed, stipule expressément la nécessité de garantir la neutralité de l'administration à tous les niveaux. Et puis lesdits gouverneurs seront appelés à encadrer les élections législatives et présidentielle escomptées normalement en 2019. Ce qui ne semble guère évident. L'embrouillamini et le mélange des genres sont tels que des régions entières, englobant parfois trois gouvernorats, sont dirigées par un seul parti politique. Avec toutes les conséquences et excroissances perverties que cela pourrait engendrer. Au lieu de céder aux pressions de la partitocratie, M. Youssef Chahed gagnerait à asseoir tous les ingrédients de la relance économique et de la profonde réforme sociale. Il ne faut guère oublier que la conférence des donateurs internationaux en faveur de la Tunisie est attendue pour fin novembre. Or, pour en profiter au maximum, il faut que le gouvernement jouisse d'un certain crédit, tranchant net avec le large discrédit de la majeure partie des gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution de 2011. Et ce serait suicidaire que de continuer à privilégier les intérêts des partis aux dépens de ceux des institutions et de la patrie.