El Fouladh : les pertes accumulées atteignent plus de 448 millions de dinars    Remerciements & Fark    Deces : Maître Hassen Bergaoui    Sahbi Atig condamné à quinze ans de prison pour blanchiment d'argent et faux témoignage    QLED : quand la performance rime avec protection oculaire    Un drone "Heron" de l'entité sioniste abattu par les défenses aériennes iraniennes    Kairouan : une ambulance attaquée en pleine nuit avec un mortier    Amen Bank, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    Grève générale dans le secteur agricole tunisien prévue le 25 juin : la fédération lance un avertissement    Anouar Ben Ammar lève le voile sur le Cupra Terramar : le SUV qui bouscule les codes    Kaïs Saïed : un ancien ministre se permet de donner des leçons alors que c'est un escroc !    L'Iran nomme un nouveau chef du renseignement militaire    Le Hezbollah réaffirme son soutien à l'Iran    Joséphine Frantzen : rapprocher la Tunisie et les Pays-Bas, un engagement de chaque instant    Saïed : "Personne n'est au-dessus de la loi et la souveraineté nationale n'est pas négociable"    Grève des jeunes médecins : large mobilisation et risque d'escalade    Mourir à vingt ans aux frontières de l'Europe : quand la solidarité est criminalisée    Pluies sur les côtes nord et centre et légère hausse des températures    Médina de Tunis : des commerces sanctionnés pour non-respect des règles d'hygiène    Grève annulée à la CTN : un accord in extremis entre le ministère et le syndicat    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    US Monastir : Faouzi Benzarti confirmé pour la saison prochaine    Mohamed Kouki nommé nouvel entraîneur du Club Sportif Sfaxien    Elyes Ghariani - Désinformation et intérêts cachés : comment l'Occident façonne la géopolitique de l'Irak à l'Iran    Pourquoi les Tunisiens à l'étranger choisissent toujours Hammamet et … Djerba ?    Berlin Ons Jabeur en quarts de finale face à Markéta Vondroušová    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    TUNISAIR : Evolution des indicateurs de l'activité commerciale – Avril et Mai 2025    WTA Berlin : Ons Jabeur en demi-finales en double et en quarts en simple    Les Tunisiens en Iran sont en sécurité, assure le ministère des Affaires étrangères    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Météo en Tunisie : des pluies attendues sur plusieurs régions    33.000 élèves passent aujourd'hui le concours de la neuvième    Un hôpital touché en Israël et 47 blessés par des tirs iraniens, Netanyahu menace Khamenei    ARESSE, une initiative pour relever les défis environnementaux    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Caravane Al Soumoud 2.0 en préparation : Ghassen Henchiri annonce une suite à l'initiative    Kaïs Saïed : tout responsable qui ne s'engage pas dans ce moment décisif et historique n'est pas digne d'assumer ses fonctions    Skylight Garage Studio : Le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Salon international de la céramique contemporaine du 20 juin au 15 juillet 2025 à la médina de Tunis    Ons Jabeur bat Jasmine Paolini et se qualifie pour les quarts de finale du WTA 500 de Berlin    Fête de la musique - L'orchestre fête la musique: Pôle musique et Opéra    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    Il y un an Khémais Khayati nous quittait : la liberté à hauteur d'homme    Ridha Lamouri: Le galeriste passionné    beIN MEDIA GROUP prolonge ses droits exclusifs de diffusion de la Premier League jusqu'en 2028    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Sorties littéraires: Les romancières du dialecte tunisien !
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 11 - 2024

En faisant le tour des librairies, les lecteurs et les critiques notent une production littéraire abondante en dialecte tunisien. Un « phénomène alarmant » pour certains qui a démarré il y a quelques années avec Faten Fazâa dont les romans ont déclenché une tempête. Son triomphe est indéniable avec des dizaines de milliers de livres vendus, ce qui lui a valu le Prix littéraire Ali Douagi et le Prix Abdelaziz Aroui de l'association Derja. Ce bonheur est doublé d'une critique virulente allant jusqu'aux insultes pour avoir cassé les codes.
Toute tentative de s'écarter serait un sacrilège auprès des défenseurs de la littérature. Or, « Chacun appelle littérature ce qu'il lit », dit Antoine Compagnon, célèbre académicien français. Faten Fazâa ne fait plus cavalier seul. Elle a frayé le chemin, étant la pionnière, à d'autres écrivaines qui connaissent un succès franc.
Parler avec nos propres mots
Parmi les sorties littéraires qui ont marqué le mois d'octobre, «Nhebek Bahria» (Je t'aime Bahria) de Faten Touhami. Ancienne étudiante en ingénierie, sa passion pour l'écriture l'a rattrapée et elle a opté pour une carrière en journalisme et communication. Son premier livre est un périple linguistique et sentimental à la manière de chroniques humoristiques. Une œuvre truffée d'anecdotes où même les termes en français sont écrits comme on les prononce au quotidien.
Les amoureux de mots et les curieux de notre pays auront l'occasion de jouir de la poétique de notre dialecte et des échappées belles décrites par l'auteure. Les exemplaires sont rapidement écoulés dans plusieurs points de vente. Nous lui avons posé la question sur le choix d'écrire en dialectal. « C'est un livre à cœur ouvert, répond-elle. Nelson Mandela n'a-t-il pas dit ''Si vous parlez à un homme dans une langue qu'il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur.'' ». J'ai réellement traversé ces épreuves et j'y réfléchis en dialecte tunisien. J'ai voulu lever le voile sur ces histoires personnelles et les partager pour que les lecteurs se reconnaissent dans ma frustration, mes joies, mes moments de solitude où je ne voyais pas le bout du tunnel... Un auteur a la liberté de s'exprimer en dialecte comme en arabe littéraire. C'est comme pour les poèmes et les chansons. De plus, c'est également une déclaration d'amour pour mon pays que vous pouvez déceler à travers les passages où je rends hommage à des villes et des paysages qui m'ont marquée. »
En parallèle, des écrivaines tunisiennes ont préféré jongler entre l'arabe littéraire et le dialecte tunisien. Rayhane Bouzguenda est l'une d'entre elles. Titulaire d'un doctorat en langue et littérature arabes, le public l'a découverte à travers un premier roman «Al mansi fel Hikeya» (L'oublié dans l'histoire) avec lequel elle a décroché le Prix Bechir Khrayef à la foire du livre de Tunis 2024. Rayhane Bouzguenda revient avec «Ila Abi- Baridouna al sirri» (À mon père, notre courrier secret). Vu de l'extérieur, le livre peut être rangé au rayon de la littérature du deuil.
En parcourant les pages, du sourire aux larmes, une vague d'émotions se poursuit et offre un certain réconfort dans la compréhension et la connexion avec l'expérience de l'écrivaine. L'auteure a fait de ses lettres intimes un texte poignant qui invite le lecteur à réfléchir sur la valeur de chaque instant et sur la façon de trouver une certaine consolation en intégrant la perte dans la persévérance quotidienne pour réaliser des projets de vie. Pour justifier l'usage du dialecte tunisien, Rayhane Bouzguenda nous a indiqué que « c'est le contexte qui l'impose pour transmettre l'idée et l'émotion de manière authentique.
Nous commençons, dès notre jeune âge, à réfléchir en tunisien, et ce n'est qu'après que nous apprenons l'arabe soutenu à l'école. Si, moi, j'insère des phrases, des paragraphes même, je ne vois pas pourquoi les livres écrits entièrement en derja soulèveraient une polémique. J'ajoute que l'écriture en dialectal n'est pas aussi facile que vous pouvez le croire. Il faut que le langage soit poétique avec des rimes. La structure sonore du texte relève d'un travail hardi. Demandez-vous plutôt si le contenu est accrocheur et s'il incite à réfléchir. C'est la véritable priorité et la vocation de tout écrivain. »
Une vive opposition continue
Pourquoi ce refus de l'utilisation du dialecte tunisien dans le monde littéraire ? Il faut rappeler, tout d'abord, que cette tradition ne date pas d'hier. Ali Douagi et Bechir Khraïef ont eu recours à la derja depuis le début du siècle dernier. Dévalorisés, leurs écrits ont été considérés à l'époque comme une aliénation de la vraie littérature.
Ceux qui dénoncent encore cette pratique rappellent l'importance de développer les compétences en arabe soutenu, notamment chez les écoliers qui souffrent le martyre pour apprendre les règles de grammaire et de conjugaison. Les jeunes écrivent déjà avec l'alphabet latin sur les réseaux sociaux. Or, les défenseurs de l'écriture en derja ne proposent nullement d'abandonner la langue classique au profit du dialecte. Ils ont plutôt tenté de vulgariser les œuvres auprès d'un large public. Une traduction en tunisien de «L'Etranger» d'Albert Camus par Dhia Bousselmi a donné «Léghrib» en 2019.
«Le Petit Prince» d'Antoine de Saint-Exupery a également été traduit en dialecte local. «Al Amir al saghroun» est édité par Pop Libris avec une version audio pour parfaire l'immersion. Le plaisir qu'un lecteur peut tirer de ces livres n'est certainement pas gâché. L'impact émotionnel, social et cognitif est bien conservé.
L'émergence d'une littérature qui met en exergue le grand pouvoir du dialectal tunisien gagne progressivement une certaine sympathie dans l'esprit des gens, même pour les académiques qui attestent qu'un dialecte a son système compliqué au niveau linguistique, phonologique et morphosyntaxique. D'ailleurs, Emna Rmili, enseignante universitaire et lauréate du Prix de la nouvelle à la Foire du livre de Tunis 2024, a récemment publié, Al Jiaan, (L'affamé), en intercalant des expressions tunisiennes.
En dehors de la Tunisie, en Egypte, les plus grands noms de la scène littéraire ont recours au dialecte, notamment dans les dialogues comme le fait Naguib Mahfouz. Les publications en dialecte pour enfants qui ne sont pas encore à l'école foisonnent, reprenant les contes oraux pour stimuler leur imagination.
Cependant, une contrainte essentielle pour des livres écrits en derja se situerait du côté des éditeurs. Les variations locales du vocabulaire sont parfois incompréhensibles au-delà des frontières. On ne peut donc pas les commercialiser facilement, alors que les éditeurs ciblent en général un marché aussi large que possible et vendre aux bibliothèques ainsi qu'aux foires à l'étranger.
La voie en dialecte, s'échappant ainsi du standard très formel de l'arabe littéraire, est un voyage culturel et linguistique audacieux qui n'échappe pas aux critiques. Ce qui compte le plus, c'est de ne pas enchaîner l'énergie créatrice de ceux qui écrivent et l'engouement de ceux qui lisent à vouloir les canaliser.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.