Au cours de ces dernières années, des écrivains et poètes tunisiens ont eu recours au dialecte tunisien, comme une manière de dépoussiérer un patrimoine, qui serait en perte de vitesse. Ce phénomène a commencé à prendre de l'ampleur, en se répandant dans des œuvres, avec une écriture narrative, qui selon eux, doit être considérée comme une langue en soi, pouvant coexister avec l'arabe littéraire, sans aucun problème. Certains romanciers, appellent à traiter le dialecte tunisien, comme un texte créatif, à l'instar des autres expressions artistiques utilisant le dialecte : théâtre, cinéma, poésie, etc. Dans ce qui suit nous avons relevé les témoignages de plusieurs spécialistes dont celui de l'éminent philosophe Youssef Seddik. Ce nouveau style ou choix d'écriture a attiré l'attention des lecteurs, universitaires et éditeurs en créant un débat émulatif. D'une part, chez ceux qui défendent jalousement l'arabe littéraire, à savoir les puristes, et d'autre part, chez ceux qui prônent l'ouverture à d'autres nouvelles tendances d'écriture qui émanent directement de leur langage courant. Les partisans du dialecte tunisien se réfèrent aux contes d'Abdelaziz El Aroui et aux récits d'Ali Douagi, et même aux pièces de théâtre et autres œuvres artistiques ayant touché un public large. En fait le dialecte tunisien a commencé à s'imposer dans le cercle littéraire et artistique depuis les années 70. A cette époque, plusieurs poètes et écrivains, ont tenu à démontrer que l'arabe tunisien est plus qu'une simple variante du classique, et n'est pas une prise de position contre l'arabe littéraire mais un choix qui vise à défendre une partie de l'identité nationale. Ecrire en dialecte n'est pas du tout un refus de l'appartenance géopolitique de la Tunisie à son milieu arabe ou islamique, mais il s'agit de mettre en valeur une langue vivante en perpétuelle évolution. Ce qu'en pense Youssef Seddik… Youssef Seddik Philosophe et critique qui s'est exprimé il y a peu sur la question lors d'une rencontre à la Marsa, a donné un autre son de cloche puisqu'il considère que le dialecte tunisien peut constituer « un grand danger, s'il est assujetti à un phénomène qui s'apparente fort à l'assimilation, et à une perte de sens et de repères. Mais tout est question, bien entendu, de l'usage qu'on en fait. » Selon Youssef Seddik, l'usage du dialecte tunisien n'est plus ce qu'il en était avec Ali Douagi et Abdelaziz El Aroui, qui ont fondé un dialecte ayant touché et uni tous les Tunisiens. Seddik considère aussi qu'on subit les affres d'un vrai « cancer » qui consiste en la confiscation de notre langue arabe. On use d'une sorte de mélange franco-dialectal, qui donne un résultat pas très probant. Aujourd'hui, ce phénomène qui prend de l'ampleur est considéré toujours selon Seddik, comme une question, à laquelle il faut absolument réfléchir ! Car il y a le danger de la destruction de la langue arable, et par-là même, de la langue du Coran, par une minorité qui n'en mesure pas l'enjeu. Cela touche également d'autres domaines, à l'instar des médias, de l'administration, de la politique, des sciences et de la littérature. « Pour moi il n'y a pas opposition, entre les différents dialectes arabes que se soit tunisien ou algérien ou syrien, égyptien etc. parce qu'ils obéissent tous aux mêmes linguistiques de loi du moindre effort. Ils ont le même lexique et télescopage. Même notre Prophète Mohamed (SAWS) usait d'un dialecte qui lui revient. La langue arabe n'a jamais été parlée par quiconque dans la pratique quotidienne, même Imrou El Kaïs le poète parlait en dialecte. » Et notre interlocuteur d'ajouter. « C'est un faux problème quand on fait une séparation entre les différents dialectes parlés dans le monde arabe parce que tout le corps irréductible du lexique est le même. Chaque dialecte comporte ce qu'on appelle les tissus conjonctifs chargés de connotations sociolinguistiques. Ce sont des signifiants phonétiques qui marquent l'identité du locuteur, son origine, son sexe, sa génération, et sa classe sociale ». Ce qu'en pense Fatma Saad Allah… De son côté Fatma Saad Allah, professeur de littérature arabe et présidente d'une association pour défendre la langue arabe, considère le dialecte tunisien comme étant uniquement une langue qu'on devrait utiliser pour la communication entre les personnes et non pas pour l'écriture. Elle ajoute aussi, que « le dialecte n'est qu'une forme primitive du parler, qui, au fil des années et des influences linguistiques externes prend une forme un peu moins standardisée pour déboucher sur une langue plébiscitée par un ensemble d'individus. »