• Par leur capacité à fusionner les genres, les Africains du Gospel Legend Singers ont sculpté des mélodies dans la pure tradition de Saint-Louis, ville berceau des plus belles harmonies et creuset du negro spiritual Le Théâtre municipal a retenti lundi au son puissant du gospel, chant religieux, de la communauté noire américaine, d'inspiration chrétienne et évangélique. Avec le Gospel Legend Singers, le festival de la Médina a fait ses adieux à la 28e édition, en tout cas dans la Bonbonnière, puisque la clôture est prévue pour le lendemain soir dans les jardins du palais Khéreddine-Pacha avec le spectacle de Fadhel Jaziri, «Hadhra». Dès les premières notes, le public, connaisseur et averti, venu en nombre assez suffisant pour occuper tous les sièges jusqu'à n'en plus laisser un seul de libre, s'est trouvé conquis par la magie de cette musique spirituelle et ces chants d'église qui agissent en profondeur dans le cœur et l'âme des hommes en y entretenant le feu sacré de l'amour de Dieu ainsi que la volonté et le désir légitime de s'émanciper de la domination de l'homme blanc en brisant les chaînes de l'esclavage et de la soumission avilissante. L'insolite dans ce concert réside dans le fait que ce groupe n'est pas américain. Il est constitué de onze individus de différentes nationalités et confessions (des catholiques, des protestants, des évangélistes, des baptistes et, le plus curieux, d'une musulmane du Mali, Hawa Timbo) tous francophones. D'après les échos qui nous sont parvenus, le Gospel Legend Singers jouit d'une belle réputation qu'il a eu tout le mérite de justifier et confirmer au cours de ce concert. D'emblée, le public s'en est immédiatement rendu compte et compris que sa renommée n'était point usurpée. L'extase mystique du gospel Difficile de ne pas surccomber à l'irrésistible sortilège à l'effet dévastateur sur les nerfs du gospel ou negro spiritual lorsqu'il est divinement interprété et restitué par des personnes dont les ancêtres ont vécu dans leur chair la tragédie et le drame épouvantable de la traite des Noirs. Des personnes qui croient dur comme fer dans le message transmis et véhiculé par cette musique qui a le don de communier avec le Créateur en tentant d'extérioriser du plus profond de leurs entrailles, et s'il le faut avec leurs tripes, la farouche volonté de pardonner à ceux qui ont péché et commis l'irréparable avec ce commerce abject et dégradant. Le gospel, c'est également le meilleur moyen de convaincre les foules qu'il n'y a de salut que dans la voie tracée par le Seigneur, celle de l'amour du prochain, indépendamment de ses convictions religieuses. Moments intenses et forts qui ont marqué l'exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, restituée par la lumineuse splendeur des phrases, l'éloquence du timbre et le sentiment intime du rythme. Tous les ingrédients étaient réunis pour plonger le public dans une extase quasi mystique, un enchantement et un ravissement qui absorberaient tout autre sentiment. En chantant le drame des communautés noires, leurs misères, leurs attentes et leurs espoirs, ces artistes originaires de notre continent ont atteint une expressivité si intense qu'elle en est, par moments, insoutenable. C'est dire combien étaient grandes la félure, l'émotion et la mélancolie. Un public en délire L'orchestre, composé d'un pianiste, d'un batteur et d'un baptiste, de deux ténors, d'un baryton, de trois soprani et de deux alti dont la belle Chimène Perière, une Centrafricaine, était conduit par le leader et fondateur du groupe, le Congolais Jackson Mponog. L'ensemble, tout en homogénéité et en harmonie dans les différents registres vocaux, a joué et chanté sans fioritures inutiles ou démonstrations tapageuses. Les belles voix féminines ont couché les chants suaves, chauds et mélodieux sur les arpèges des notes égrenées par le pianiste Jean-Roger Diakabana. Le public s'est vu gratifié d'un cocktail inédit en succès légendaires et immortels du negro spiritual, mélangé à des airs indigènes de toute beauté d'Afrique du Sud, en dialecte zoulou, d'Angola, du Congo et de la République centrafricaine. «We magnify», «Seek your face», «All honor», «Praise God», «Down by river side», «Revive us», avec du «Medley» (Swing low, In the sanctuary et Let my people go down Moses) entrecoupés de chants africains, tels «Fela», un chant de joie zoulou, «Kimbuama», richesse en dialecte congolois, «Samba» et «Wiza sonama», chants liturgiques angolais ont composé l'essentiel du répertoire interprété. Arrivé au moment fatidique, attendu de tous, et après avoir fait mine de se retirer, l'ensemble s'est attaqué à ce morceau d'anthologie, digne de figurer au top du top, «O happy day», salué par un public galvanisé et transfiguré par la formidable énergie d'une formation à la consécration planétaire.